Square
 

Rencontre avec... Thierry Dissaux, président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR)

« Il faut veiller à ne pas entraver les capacités d’intervention
des fonds de garantie des dépôts »

Créé le

21.02.2023

Le président du directoire du FGDR nuance le rôle des fonds de garantie nationaux dans la construction du marché bancaire européen et souligne le changement de paradigme que constitue un élargissement de la résolution aux établissements non systémiques.

Où en est-on de la construction de l’Union bancaire ?

Sur le plan réglementaire, l’Union bancaire est déjà largement achevée. Le pas franchi en 2014 avec le Single Rule Book, la supervision unique, le mécanisme de résolution unique et la garantie des dépôts harmonisée a été considérable.

Ce qui manque le plus fortement aujourd’hui, c’est une réelle intégration du marché au niveau de l’Union, ou au moins de la zone euro. C’est faire en sorte que les banques puissent déployer leur activité dans un espace plus large et avec une plus grande fluidité des capitaux et opérations transfrontières.

Les ajustements en cours de définition pour le cadre de la résolution, le rôle respectif des fonds de garantie nationaux et du fonds de résolution unique ou la constitution d’un fonds de garantie unique européen constituent ainsi des chantiers importants, mais difficiles et de longue haleine. Surtout, leur impact possible sur la construction du marché bancaire européen n’est probablement pas aussi notable que celui, par exemple, du droit de la consommation, ou mieux, de la problématique « home/host », c’est-à-dire du poids reconnu aux contraintes prudentielles nationales par rapport à celles prévalant au niveau consolidé.

Que penser de l’idée d’un recours au mécanisme de résolution unique élargi aux crises de banques de moindre taille ?

Il y a en effet une évolution du discours quant au champ d’usage de la résolution. La résolution, contrairement aux échos d’aujourd’hui, a été conçue pour traiter de situations proprement systémiques. De fait, elle a recours à des instruments exorbitants du droit commun, comme le renflouement interne (bail-in), qui enfreignent potentiellement le traditionnel droit de propriété, droit qui revêt une valeur constitutionnelle en droit français. Il faut donc a priori une situation de crise extrême, non traitable par d’autres moyens, pour justifier l’utilisation de tels instruments.

Le législateur européen a en outre imposé la mise en jeu préalable de ces instruments (règle d’un bail-in de 8 % en amont), avant que le fonds de résolution unique ne soit autorisé à engager ses propres moyens financiers, cela afin de protéger les deniers de la collectivité.

Les autorités de résolution européennes doivent-elles assouplir leur acception de ce qu’est une crise systémique ? La notion « d’intérêt public » justifiant le recours aux instruments de résolution doit-elle être affinée ? Ce sont des points à peser très soigneusement.

Doit-on aussi abaisser le seuil de 8 % de bail-in d’accès aux ressources de la résolution en requérant d’un fonds de garantie des dépôts qu’il comble la différence ? C’est une question tout aussi difficile parce qu’elle rompt à deux niveaux avec l’idée d’une protection des deniers de la collectivité, qu’elle facilite l’accès à des ressources jusqu’ici réservées à des situations plus extrêmes et, enfin, qu’elle conduit à mélanger ressources collectées pour la protection des dépôts et ressources collectées pour le financement de la résolution, demeurées jusqu’ici largement séparées, du souhait même du législateur européen de 2014.

Au total, il faut veiller, sur toutes ces questions, à conserver des garde-fous réels et sérieux. Il faut tout autant veiller à ne pas entraver les capacités d’intervention des fonds de garantie des dépôts, notamment préventives, dans le traitement de crises qui ne relèveront pas de la résolution.

La constitution d’un fonds de garantie unique européen (EDIS) est-elle une menace pour les fonds de garantie des dépôts nationaux ?

Aucunement. La question n’est pas celle-là, et elle n’a rien d’existentiel pour les fonds de garantie nationaux. Il y a d’abord une question politique, qui est celle du degré de solidarité que l’Union souhaite instaurer entre États membres en matière de prise en charge des crises bancaires. Il y a une question technique, liée à la première, qui est de déterminer l’usage de ce fonds unique de garantie des dépôts, et notamment si on lui demande d’intervenir en refinancement des fonds nationaux, ce qui serait sans doute déjà une bonne chose lorsque les conditions seront remplies, ou au-delà.

En tout état de cause, ce qu’il y a lieu de préserver au travers de ces évolutions, c’est le rôle et l’expertise des fonds de garantie nationaux, comme le FGDR, en tant qu’opérateurs locaux de gestion de crise.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº878
RB