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Les seniors, un atout
à valoriser pour la banque

Créé le

20.12.2023

-

Mis à jour le

22.01.2024

La dernière étude de l’Observatoire des métiers de la banque sur les seniors dans la banque dévoile que ce secteur en emploie en moyenne davantage que d’autres, améliorant le transfert de compétences. Les conditions de travail ne se dégradent pas en fin de carrière mais des axes d’amélioration sont identifiés quant à la formation et la promotion.

Les salariés seniors vivent, comme les autres salariés, de profondes transformations sociétales au sein des entreprises : quête de sens et modification des échelles de valeurs, volonté d’autonomie et d’une plus grande horizontalité dans les rapports au travail, volonté d’une plus grande mobilité professionnelle.

À ces évolutions sociétales se rattache également la tendance à la diversification des modes de travail, encore accélérée depuis la crise sanitaire : horaires atypiques, horaires variables, essor du télétravail, travail dans des tiers lieux...

Enfin, l’évolution des paramètres du système de retraite modifie l’horizon professionnel des seniors : leur capacité à se projeter, à évoluer professionnellement, à entrer dans des dispositifs légaux ou conventionnels d’aménagement de fin de carrières, la rentabilité d’un investissement dans leur développement des compétences, etc.

C’est dans ce contexte que l’Observatoire des métiers de la banque a réalisé une étude qui tend à dresser l’état des lieux de la seniorité dans le secteur, tant au travers d’éléments quantitatifs que qualitatifs, à analyser les impacts de la réforme du système de retraite et à proposer des pistes d’actions.

Les enseignements clés de l’analyse statistique

Une proportion de seniors dans les effectifs bancaires sensiblement plus forte que la moyenne nationale, en lien avec la proportion de cadres particulièrement forte dans la branche. En effet, les cadres partent à la retraite plus tard en moyenne que les autres salariés.

Cette proposition est plus forte que dans les principales autres grandes branches employant un fort taux de cadres, à l’exception de la branche des sociétés d’assurance dont la branche banque est proche (tableau 1).

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Une répartition des seniors très inégale selon les différentes familles de métiers. Ils sont surreprésentés dans les métiers du traitement des opérations et dans les fonctions support et très sous-représentés dans les métiers de la relation client (tableau 2).

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Une évolution de la proportion de seniors qui est plutôt due à une diminution relative des effectifs des classes d’âge plus jeunes qu’à une progression du nombre des effectifs de « non seniors ». Ce constat vaut pour chaque famille de métiers (tableau 3).

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Les inégalités d’accès au statut de cadre entre les hommes et les femmes sont persistantes, et plus particulièrement chez les seniors.

On constate des inégalités sensibles malgré une lente réduction de cet écart au cours du temps (tableau 4).

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Les ratios de turn-over et d’embauche sont beaucoup plus faibles pour les seniors de plus de 50 ans que pour les jeunes, le taux d’embauche faiblit avec l’âge.

Il est également constaté une nette diminution du taux de promotion chez les seniors, qui intervient toutefois relativement tôt, dès 45 ans. Il semble que la tranche 45-49 ans constitue une catégorie « pivot » au-delà de laquelle les carrières sont fortement ralenties (tableau 5).

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Les constats qualitatifs

Les perceptions de la séniorité s’avèrent variées. Aucun des présupposés liés au senior (moins rapides, moins adaptables, fatigués, réfractaires aux changements...) ne fait l’unanimité, chez les employeurs comme chez les salariés. Si le discours majoritaire chez les employeurs est plutôt positif, les stéréotypes liés à la séniorité chez les salariés semblent plutôt liés à des expériences individuelles.

La dimension intergénérationnelle des équipes est un paramètre du travail normal et généralement apprécié. On s’accorde principalement pour dire que les ambiances de travail sont liées aux individus avec lesquels on a plus ou moins d’affinité, sans que cela soit lié à l’âge. Sur ce point, les individus ont tendance à différer du discours managérial et institutionnel, qui pose plutôt la dimension intergénérationnelle comme un facteur important. Pour les directions, la mixité des âges et des expériences serait garante d’une pluralité des opinions et des compétences susceptibles d’améliorer les résultats et l’ambiance de l’équipe.

En revanche la cohabitation peut engendrer des problématiques RH pour les directions, comme celle des différences salariales ou de la formation des équipes.

Le transfert des compétences préoccupe les entreprises sans faire l’objet d’un outillage précis. Pour les employeurs, l’intérêt principal du caractère intergénérationnel des équipes est de permettre le transfert de compétences importantes entre une population considérée comme experte, soit disposant d’un réseau commercial ou de compétences relationnelles difficiles à transmettre autrement que par l’expérience.

Pourtant, les salariés décrivent une relative faiblesse de dispositifs organisés de passation de connaissances. Le transfert de compétences se fait au fil de l’eau et les plus récents mobilisent les plus anciens en cas de blocage ou de problème.

Ce transfert de compétences apparaît efficace dans la plupart des cas, mais il repose sur la simple bonne volonté des personnes.

L’entrée dans la séniorité peut marquer la fin de l’évolution professionnelle. Du point de vue des employeurs, l’incertitude sur la date de départ à la retraite est souvent considérée comme un frein à une politique RH dynamique en faveur des seniors : de ce fait, par exemple, le retour sur investissement d’une formation sur une senior apparaît très aléatoire. Plus généralement, l’incertitude sur le départ à la retraite est considérée par les DRH comme un facteur de coût en soi pour l’entreprise dans la mesure où elle complique la gestion RH (prévision de masse salariale, rentabilité de la formation, mise en place de plans de successions...). Certains soulignent que c’est précisément l’un des intérêts des dispositifs de transition emploi-retraite que de révéler les volontés du salarié senior concerné (ces dispositifs sont toujours liés à un engagement à quitter l’entreprise à une date convenue à l’avance).

La formation est appréciée mais semble se tarir dans la dernière partie de carrière. La concentration de la formation autour du réglementaire et des temps spécifiques de la carrière, mise en relation avec la possible stagnation de la carrière à l’entrée dans la séniorité, donne pour une partie des personnes interrogées une sensation que la formation n’est pas accessible aux seniors.

En revanche, les seniors interrogés disent avoir, de par la qualité des formations (même réglementaires), des compétences à jour, qui permettent de lutter contre l’obsolescence. Ils considèrent par ailleurs que leurs compétences sont en grande partie utilisées à bon escient et dans leur totalité.

La séniorité semble décorrélée d’une éventuelle dégradation des conditions de travail. La majorité des seniors interrogés témoignent de conditions de travail qu’ils jugent bonnes, voire très bonnes sur le plan matériel.

En revanche, le sujet de la santé entraîne souvent la mention de syndromes d’épuisement professionnels à différents niveaux, soit parce qu’ils ont été vécus par les personnes, soit parce que celles-ci ont vu un ou plusieurs collègues en être victimes. Cette réalité semble prendre majoritairement place dans les métiers liés à l’activité commerciale.

Cependant, les personnes ne corrèlent jamais ces syndromes d’épuisement avec la séniorité. Lors des entretiens, les premières causes évoquées pour les diverses maladies professionnelles sont plutôt les difficultés relationnelles rencontrées avec le management ou avec des collègues ou les difficultés à tenir une pression commerciale.

Les dispositifs de fin de carrière sont relativement peu connus avant 60 ans et des politiques RH focalisées sur les fins de carrière. Paradoxalement, les dispositifs de fin de carrière, pourtant préoccupation majeure des employeurs, sont assez peu connus des salariés seniors, hormis ceux arrivant à moins de trois ans de la retraite. Cela est dû encore une fois au fait que la catégorie senior est vaste, et qu’une personne de 50 ans n’a que rarement les mêmes aspirations qu’une personne de 60 ans et plus.

Les employeurs partagent le constat des salariés sur le manque de communication sur les dispositifs existants. Ils s’accordent de plus à dire que les entreprises n’accompagnent pas bien le sujet de la maladie, sujet parfois inhérent aux fins de carrière.

C’est en partie parce qu’ils n’ont pas de visibilité sur la fin de carrière, et parce qu’ils ne sentent pas venir d’opportunités importantes sur cette période, qu’une partie importante des salariés aspire à quitter l’entreprise pour une activité similaire mais indépendante, ou pour une reconversion totale.

Compte tenu du poids démographique et de la dynamique de l’emploi des métiers en relation avec la clientèle depuis le début des années 2000, le barycentre des politiques RH reste néanmoins encore centré sur la gestion des fins de carrière et les départs anticipés, objectifs socialement consensuels.

Avant la réforme des retraites de 2023, le sujet de l’emploi des seniors n’était pas identifié comme problématique et les dispositifs RH considérés comme suffisants. La réforme a redynamisé la mobilisation des directions RH sur le sujet. La plupart des entreprises ont initié, ou prévoient d’initier à la rentrée 2023, des travaux d’état des lieux.

Si les perspectives de productivité dans certains métiers encouragent à accélérer les flux naturels, les difficultés de recrutement, parfois de fidélisation, et les enjeux de transmission des compétences incitent au contraire à la rétention.

Une volonté de dépasser les politiques ciblées sur le seul facteur âge. Pour beaucoup de responsables interrogés, la réforme des retraites combinée à la dynamique du marché du travail offre une opportunité de basculer vers une approche plus globale et positive de la seniorité comme facteur de diversité générationnelle.

Beaucoup reconnaissent cependant que jusqu’à présent la diversité au regard de l’âge restait le parent pauvre de la politique diversité et que beaucoup reste à faire en la matière. La lutte contre les stéréotypes liés à l’âge est décrite par les responsables d’entreprises interrogés comme un défi de taille, surtout en comparaison avec la lutte contre les stéréotypes liés au genre. Beaucoup soulignent que la discrimination fondée sur l’âge est plus insidieuse et difficile à combattre, et qu’à l’heure actuelle les pratiques déviantes restent peu détectées.

Préconisations

Adapter les processus de recrutement interne et externe pour élargir le sourcing aux salariés expérimentés et garder un équilibre générationnel adéquat.

Renforcer les démarches de prévention de l’usure professionnelle dans le cadre de politique d’accompagnement des transformations.

Négocier des dispositions permettant de diminuer l’impact de la réforme sur l’âge de départ à la retraite en permettant aux salariés qui le souhaitent de cesser plus tôt leur activité.

Sortir d’une approche étroite et « catégorielle » de la séniorité (mesures ciblées, critère d’âge prépondérant) pour évoluer vers des approches plus transversales de la diversité générationnelle.

Accélérer la transformation culturelle pour faire changer le regard sur les salariés « expérimentés ».

Négocier des dispositions permettant de concilier contraintes de l’activité et demandes croissantes pour du temps partiel en fin de carrière dans le cadre de la retraite progressive.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº887-888
RB