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États-Unis : les banques régionales au régime forcé

Créé le

14.09.2023

-

Mis à jour le

26.09.2023

Les difficultés s’enchaînent pour les établissements de taille moyenne aux États-Unis dans le sillage des faillites de Silicon Valley Bank, Silvergate, Signature et First Republic. titrisation, vente d’actifs ou de portefeuilles de prêts, elles cherchent à réduire leur consommation de capital.

Après l’érosion des dépôts bancaires et les risques de contagion ayant nécessité l’intervention de la Réserve fédérale et l’injection de milliards de dollars de prêts par l’agence hypothécaire américaine Federal Home Loan Bank, le secteur a été pénalisé par la baisse des notations de crédit de plusieurs banques régionales par Moody’s et S&P en août en raison des risques pesant sur leur financement.

En cause, la hausse des taux d’intérêt qui met à mal leur rentabilité. Pour Christopher Wolfe, Managing Director chez Fitch, la politique monétaire de resserrement quantitatif a un impact direct sur les dépôts et sur leur coût, ce qui se répercute sur les marges et la rentabilité. « La hausse des taux commence à peser sur la qualité du crédit, en particulier dans le secteur de l’immobilier commercial », ajoute l’analyste. Les banques régionales, qui fournissent plus de 65 % des prêts dans l’immobilier commercial, sont de fait plus exposées à ces risques.

À cela s’ajoute une récente proposition des régulateurs bancaires qui pourrait aligner le régime des banques de 100 à 250 millions de dollars d’actifs sur celui des grandes banques et exiger qu’elles détiennent plus de capital et émettent suffisamment de dettes à long terme pour couvrir les pertes en cas de faillite. Ceci renforcerait les pressions sur les exigences de liquidité et de fonds propres et les obligerait à reconstituer leur capital d’ici 2028. Pour l’analyste de RBC Capital Markets Gerard Cassidy, c’est de loin leur plus grand défi dans les prochains mois.

Vers une gestion plus prudente du bilan

Face à ces besoins de financement accrus, les établissements bancaires de taille intermédiaire ont déjà ralenti la production de nouveaux prêts, qui ne devrait croître que de 2 % cette année, contre 9 % un an plus tôt selon S&P. Pour Christopher Wolfe, il est clair que les banques régionales devront s’adapter à ce nouvel environnement en adoptant une gestion plus prudente de leur bilan. « Cela se traduira par des normes de souscription plus strictes et des politiques de gestion du capital plus conservatrices. En outre, les banques devront renforcer leur gestion des liquidités, en particulier le financement d’urgence, qui constituait une grave lacune pour des établissements tels que SVB et Signature », explique-t-il.

Parallèlement, elles multiplient les cessions de portefeuilles de prêts sur les marchés secondaires. Les premiers à en profiter sont les grands fonds du private equity comme Blackstone qui cherchent à accroître leur exposition au crédit. « Les banques régionales ayant subi des pertes de dépôts, nous voyons en temps réel des possibilités de partenariat avec elles à grande échelle », a admis le président de Blackstone, Jonathan Gray, devant les investisseurs. La Pacific Western Bank – depuis rachetée par Bank of California – a ainsi vendu 3,5 milliards de dollars de prêts adossés à des actifs à Ares Management et 2,6 milliards de dollars de prêts immobiliers commerciaux à Kennedy-Wilson Holdings, tandis que KKR a mis la main sur le portefeuille de 373 millions de dollars de prêts de Synovus Bank en juillet.

Autre levier, la titrisation. « Nous anticipons que les banques régionales suivent un “régime” de capital en réduisant leurs actifs pondérés en fonction des risques et l’utilisation de la titrisation à cette fin est une stratégie », souligne Gerard Cassidy. Ainsi, Citizens Bank vient de lever 750 millions de dollars de titres adossés à des actifs dans le secteur automobile après une première titrisation automobile fin juin. Fifth Third a aussi conclu une opération de titrisation adossée à des actifs (ABS) automobiles pour 1,6 million de dollars, marquant la sixième titrisation bancaire de l’année.

Une stratégie d’optimisation du capital confirmée par Christopher Wolfe. « Nous avons aussi assisté à quelques transactions de transfert de risque de crédit (CRT), dont des CLN (credit linked notes, titres indexés sur un risque de crédit) au sein des banques régionales mais il n’est pas certain qu’elles cherchent à en réaliser d’autres ou que les autorités de régulation les autorisent à le faire », pointe l’analyste.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº884
Les banques régionales accordent 40 % des prêts aux États-Unis (part du montant total par secteur)
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