C’est encore avec le Duché de Luxembourg que l’affaire jugée le 27 septembre 2023 par la première chambre civile entretient des liens. Rendu au visa toujours solennel de l’article 3 du Code civil, cet arrêt fait une application dans le contexte d’un litige bancaire des principes relatifs à l’établissement par le juge national du contenu de la loi étrangère, raison essentielle pour laquelle on le signalera aux lecteurs. Quoiqu’il constitue une manifestation dans le domaine bancaire international de la transversalité des difficultés en la matière, il n’est guère remarquable sur le terrain des principes mis en œuvre et des conditions de son application.
Le litige portait sur l’ouverture de crédit consenti par une banque luxembourgeoise à un couple, qui donna lieu au versement de l’essentiel du capital au compte d’une société dont les parts étaient détenues par les emprunteurs, tout recours contre la société réceptionnaire des fonds s’étant trouvé exclu par suite de sa mise en liquidation. N’ayant pas été remboursée à l’échéance, la banque les avait assignés en paiement du capital et des intérêts conventionnels, majorés d’intérêts de retards. Condamnés en appel à rembourser l’intégralité des sommes réclamées, les emprunteurs formèrent un pourvoi reprochant à la Cour d’appel les conditions d’application de la loi luxembourgeoise, jugée applicable sans contestation entre les parties, et, plus particulièrement, les conditions du rejet de leur demande reconventionnelle tendant à établir la responsabilité de la banque au titre d’une méconnaissance de son devoir de mise en garde. Articulé en deux branches, le premier moyen du pourvoi se fondait en effet sur un manque de base de légale au regard de l’article 3 du Code civil résultant de l’absence de précisions quant aux dispositions luxembourgeoises applicables. L’interprétation en était éclairée par la reprise de la formulation actuelle de l’office du juge quant à l’établissement du contenu de la loi étrangère résultant des célèbres arrêts Aubin et Itraco1 : « il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d’en rechercher, soit d’office, soit à la demande d’une partie qui l’invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ».
Les motifs de l’arrêt attaqué se résumaient en effet à deux séries d’éléments de fait bien généraux relatifs à la connaissance que devaient avoir les emprunteurs du découvert au compte de la société réceptionnaire, et à l’ignorance dans laquelle se trouvait la banque de sa situation gravement obérée, ainsi qu’à la qualité d’emprunteurs avertis des demandeurs au pourvoi, dispensant ainsi la banque d’un quelconque devoir de mise en garde.
Point donc, de précision quant au contenu de la loi applicable ni de raisonnement permettant d’en préciser l’application. Les conditions de rejet de la demande relative à la violation par la banque de son devoir de mise en garde donnaient en outre une assez nette appréciation de décalque bien sommaire des solutions de principe... du droit français. Cette application trop visible de la jurisprudence interne au faux-nez du droit luxembourgeois était manifestement défectueuse compte tenu de la définition actuelle de l’office du juge.
La cassation prononcée par la chambre civile ne suscitera sans doute guère d’émoi. n