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Marketing bancaire

Face à la révolution numérique, la segmentation bancaire n’est pas morte

Créé le

05.07.2019

-

Mis à jour le

11.07.2019

Comme beaucoup d’autres secteurs, le marketing bancaire se voit fortement bousculé par une révolution numérique. Face à ce nouveau paradigme, quel est le devenir de la segmentation ?

Bousculée par le numérique, contrainte par le réglementaire, la banque de détail voit le comportement de ses clients évoluer. Le marketing bancaire est en pleine mutation, avec, à sa base, une segmentation en pleine incertitude.

Le secteur bancaire subit aujourd’hui trois chocs:

  • réglementaire : après un vent de déréglementation, la crise de 2007 a provoqué l’effet inverse ;
  • technologique, avec une révolution numérique qui fait naître de nouveaux acteurs. Après l’essor des banques en ligne, ce sont désormais les FinTechs qui bouleversent le paysage ;
  • comportemental : hyperconnectés, plus autonomes, les clients sont moins dépendants des conseillers. Plus infidèles, ils recherchent une réelle plus-value dans une relation individualisée. D’ailleurs, l’attachement aux banques traditionnelles s’efface avec les nouvelles générations. Le mode de contact évolue également : le smartphone s’impose comme l’outil de communication principal. Les banques sont contraintes de revoir leur modèle et leur relation client, en adoptant une posture digitale.
Le nouveau paradigme qui découle de ces trois chocs bouscule le marché à deux niveaux. Il crée un phénomène de banalisation de l’offre bancaire. Le marché est inondé d’offres (la prolifération) et les services proposés sont plus élaborés par le biais du digital et moins chers, pour ne pas dire gratuits (la surenchère). Ensuite, il conforte un phénomène de darwinisme des marques (voir Schéma). Les banques traditionnelles se situent dans le cœur de marché, immobilisées entre le low cost (représenté par les néo-banques et leurs services gratuits) et les services premium des banques haut de gamme ou privées.

La solution n’est pas de faire une course au prix, car elle est perdue d’avance. Mais de mettre en avant la valeur ajoutée. Pour éviter l’attrition, le renforcement de la segmentation apportera une réponse en créant une réelle expérience personnalisée et en mettant le bon conseiller face aux bons clients. Ceci permettra au conseiller de gagner en efficacité commerciale et à la banque de renforcer la valeur ajoutée de la relation (physique ou digitale). Surtout, le client sera assuré d’avoir le bon interlocuteur, au bon moment, avec les bonnes compétences par le bon canal.

De la banque pour tous à la banque pour chacun

Historiquement, le marketing est défini comme la création de valeur conjointe entre le client et l’entreprise [1] . « La pierre angulaire » [2] du marketing ? La segmentation. Se distingue la segmentation d’ordre stratégique (une vision long terme avec une différenciation nette aux yeux des clients, de l’entreprise et des collaborateurs) de la segmentation opérationnelle (une vision court terme pour délivrer un service précis à une catégorie de clients à un moment donné). Une segmentation stratégique se base sur des critères sociodémographiques, l’orientation relationnelle des clients et sur les produits ou services délivrés. La vigilance est de mise pour que les segments soient cohérents, exploitables et ne pas tomber dans l’hyperpersonnalisation. Le secteur bancaire, riche de ses données clients, a ici l’opportunité de s’adapter par une segmentation adaptée.

La solution est de « démoyenniser » la relation pour cesser de s’adresser au client selon une moyenne, en créant une segmentation stratégique basée sur un double filtre en amont de toute relation.

Le premier filtre se fera « par l’usage » en déterminant quelle interaction le client souhaite avoir avec sa banque et par quel canal (mail, téléphone, rendez-vous physique…). L’idée est d’identifier très rapidement les attentes du client et ainsi adapter l’interlocuteur et éventuellement l’offre. Le second filtre sera selon le « potentiel », en se basant sur les revenus, le patrimoine, entre autres critères. L’objectif est de proposer un conseiller avec des compétences adaptées et une offre personnalisée. Ces segmentations sont à faire vivre régulièrement pour accompagner le client tout au long de sa vie.

Le modèle de la « nouvelle » banque se cherche encore entre la banque 100 % digitale et un mix digital-humain, en passant par une assistance gérée par une IA. Nous pouvons supposer que la solution se trouvera dans la convergence des trois. La difficulté sera de remettre l’humain au centre des préoccupations. Là où la banque traditionnelle était une banque pour tous, elle doit désormais se digitaliser pour devenir phygitale et une banque pour chacun [3] . La solution passe par la segmentation pour redéfinir la clientèle ciblée et l’approche à adopter.

 

1 Michel Badoc, professeur émérite au groupe HEC, expert en stratégie d'entreprise et en marketing, auteur de nombreux ouvrages dans ce domaine.
2 Paul Millier, professeur de marketing et de management à l’EMLyon Business School, responsable du Mastère spécialisé en management de la technologie et de l’innovation.
3 Yves Eonnet, « les nouveaux services bancaires seront individualisés », Le Revenu, 2018.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nºcfpb2019
Notes :
1 Michel Badoc, professeur émérite au groupe HEC, expert en stratégie d'entreprise et en marketing, auteur de nombreux ouvrages dans ce domaine.
2 Paul Millier, professeur de marketing et de management à l’EMLyon Business School, responsable du Mastère spécialisé en management de la technologie et de l’innovation.
3 Yves Eonnet, « les nouveaux services bancaires seront individualisés », Le Revenu, 2018.
RB