Le risque politique et l’économie : ce que nous savons du monde de demain
Les économistes ont appris récemment trois choses à propos des risques
La modification des préférences
Ne pas accorder assez d’importance au risque politique, cela exprime en fait une difficulté à croire qu’il puisse prendre la main sur l’économie, ce qui est pourtant le cas. Nous sommes entrés dans un cycle politique mondial, c’est-à-dire un moment de l’histoire pendant lequel les anticipations des citoyens sont marquées par des priorités politiques plus que par des contraintes économiques, même si celles-ci existent. Ainsi, la dette peut-elle disparaître des débats, ce qui ne veut pas dire que la contrainte d’endettement a disparu…
Un cycle politique, c’est donc une transformation des fonctions de préférence : ce qui semblait irrationnel économiquement devient rationnel politiquement. À partir de là, l’économie va s’adapter à la politique, et non l’inverse. Le cycle politique implique donc un abandon des postures d’orthodoxie budgétaire ou monétaire, voire même d’une forme de réalisme économique…
La volatilité des croyances
C’est d’ailleurs la force des partis populistes : nier les contraintes économiques. Force rhétorique pendant les élections, mais aussi après. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump illustre bien ce déplacement des anticipations : deux heures avant, les marchés sont inquiets car ils jugent son programme irréaliste. Mais dès le vote acté, les indices boursiers montent. Cela s’explique par la perspective de réductions fiscales, mais surtout par un déplacement des croyances. Ce qui guide le marché n’est plus la question des contraintes budgétaires mais ce que l’on croit, à un moment donné, de la capacité d’un homme à déplacer ces contraintes. On est entré dans la logique politique, et ce déplacement des croyances n’est pas neutre : il a un effet auto-réalisateur.
Le risque, évidemment, c’est la volatilité : le retournement de ces croyances, soit parce qu’elles sont déçues, soit parce que les contraintes économiques réapparaissent. En Hongrie par exemple, l’amélioration économique cache la dégradation des indicateurs de corruption, qui va peser sur la croissance à long terme… Les agences de rating augmentent donc la note du pays, mais elles peinent à estimer l’impact économique d’une politique officiellement
Les effets d’une incertitude structurelle
Un cycle politique implique par ailleurs aussi une recomposition institutionnelle qui va produire une incertitude structurelle. Pour les banques centrales, il faut donc placer cette incertitude au cœur des modèles de décision, et non plus comme un choc exogène. Cela peut les rendre plus réactives, et le raisonnement vaut pour d’autres institutions, qui vont se transformer en garantes de la continuité nationale. C’est le sens de l’affrontement entre Donald Trump et le pouvoir judiciaire américain.
Enfin, que les populismes arrivent ou non au pouvoir en Europe, cela ne mettra pas un terme à la polarisation des idées. Mais si le cycle électoral européen ne produit pas de bouleversements, la tentation va être forte de se croire revenu dans « Le monde
Le retour des États
Le retour de la politique marque enfin celui des États. Cela va conduire à un rééquilibrage des policy-mix au profit des politiques budgétaires, à une relance des investissements en infrastructures et des partenariats publics privés. Quant à la préférence nationale, elle est de fait privilégiée par de nombreux électeurs (et cela va bien au-delà des partis populistes) dans de nombreux pays. L’impact de ce nationalisme économique augmente évidemment la probabilité de « guerres commerciales » qui s’exprimeront par une volatilité accrue des changes et de l’environnement réglementaire. Et cette tendance valide aussi
La géopolitique, source de chocs
L’appétence pour une souveraineté nationale réaffirmée a deux conséquences : économique, avec un risque accru de défaut unilatéral pour les pays endettés, et surtout politique, avec un retour des logiques géopolitiques. En effet, nous sommes en train d’assister en direct à la chute de deux piliers de l’après-guerre, le multilatéralisme et le gouvernement par la règle, remplacés par d’autres principes, la négociation bilatérale, la loi du plus fort, le nationalisme… Dans ce nouveau
Les populismes à l’assaut des démocraties
Enfin, ce cycle politique est marqué par le retour des populismes dans les démocraties. Cependant, si on comprend bien le vote anti-système des classes moyennes déçues ou des populations défavorisées, comment le comprendre quand il vient d’une élite qui tire avantage du système ? D. Acemoglu et J.A. Robinson montrent que l’attachement des élites à la démocratie n’a rien à voir, selon eux, avec des valeurs
Des études
Quand la politique grippe l’économie
Enfin, la polarisation des idées conduit à un affaiblissement de l’économie. Le circuit est le suivant : le ralentissement de la croissance développe la perception des inégalités et de la corruption. La sensation que la société est bloquée produit alors trois types de comportements : l’abstentionnisme, le « click-activism » et le vote de rejet. À partir de là se pose la question de la légitimité des institutions, et les équipes en place n’auront donc plus la marge de manœuvre politique pour faire des réformes économiques structurelles. La boucle est bouclée (voir Schéma) : sans réformes, la croissance potentielle s’affaisse et la perception des inégalités s’accroît…
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Il y a peu de moyens de sortir de ce piège : il faut retrouver de la légitimité politique et cela conduit vite à la question du leadership… La
En conclusion, nous ne savons pas si nous assistons à une réforme de la démocratie ou à la bascule de certains régimes. La seule certitude, c’est que la colère des électeurs est en train de rouvrir l’espace du politique que la globalisation libérale avait clos. Et en soi, c’est peut-être une bonne nouvelle…