Les années 2012 et 2013 ont été marquées par le défaut de paiement de deux pays de la zone euro. En mars 2012, la Grèce restructurait près de 260 milliards de dollars de dette et imposait un haircut de plus de 70 % à ses créanciers privés à travers le fameux «
L'assouplissement de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) décidé à l'été 2012 par son président Mario Draghi, conjugué à des efforts budgétaires draconiens, a permis aux autres pays périphériques de la zone euro (Italie, Espagne et Portugal) de rassurer les investisseurs et d'emprunter à des taux d'intérêt de plus en plus bas. Les taux à 10 ans de ces trois États se sont ainsi comprimés de
La Grèce, le Portugal, la Slovénie et Chypre inquiètent
Examinons donc la situation financière des États périphériques les plus vulnérables. Actuellement, le ratio de dette publique sur PIB de la Grèce est supérieur de 34 % à son niveau de 2009 (année de la découverte des comptes publics truqués) et il ne devrait pas diminuer avant 2015. Pour 2014, le pays sera confronté à une croissance nulle et à un taux de chômage à peine stabilisé à 26 %. À l’évidence, la restructuration de 2012 n'a absolument pas permis de rendre la dette grecque soutenable à moyen terme, même si le pays est en train de regagner en compétitivité. Au Portugal, le ratio de dette publique sur PIB a augmenté de 50 % entre 2009 et 2013. Sans le plan d'aide accordé en 2011, le pays serait tombé en défaut. Bien qu'il soit sur le point de renouer avec la croissance en 2014, un nouveau plan d'aide pourrait s'avérer nécessaire et être accompagné d'une restructuration.
Avec un ratio de dette publique sur PIB en hausse de 66 % depuis 2009, une prévision de croissance économique négative pour 2014 et un besoin de recapitalisation du secteur bancaire supérieur à 10 % du PIB, la Slovénie est de plus en plus fragilisée et pourrait être en défaut de paiement dans les douze prochains mois. Mais c'est la situation chypriote qui est la plus alarmante. Le ratio de dette publique sur PIB a explosé de plus de 100 % au cours des quatre dernières années ; le rééchelonnement de juin 2013 n'a rien réglé et il faut s'attendre à une restructuration de dette à court terme, d'autant plus que les dernières
Espagne et Italie : too big to fail ?
Les cas espagnol et italien sont bien spécifiques. Les ratios de dette publique sur PIB record pour 2013 (respectivement 94 % et 132 %) pourraient laisser penser que des restructurations sont inéluctables, mais la réalité économique et politique est plus complexe. Ces deux pays sont les troisième et quatrième économies de la zone euro et envisager une réduction de leur dette entraînerait une défiance sans précédent à l'égard de l'ensemble des pays de la zone euro. Rappelons-nous des spéculations sur la disparition de la monnaie unique lors des atermoiements sur les modalités du plan de soutien à la Grèce en février-mai 2010, puis pendant la tempête boursière d'août-septembre 2011 qui devait conduire à des changements politiques majeurs, aussi bien en Italie qu'en Espagne. Pour ces deux pays, une restructuration ne peut être exclue, mais elle aurait des conséquences incommensurables en termes de risque systémique.
La jurisprudence du fonds vautour Elliott
Que la prochaine restructuration en zone euro soit organisée ou subie, elle ébranlerait la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Tout d'abord, elle prouverait que le défaut grec n'était pas un cas unique et exceptionnel, comme l'ont martelé les dirigeants politiques européens. Ensuite, elle serait susceptible d'attiser la rancœur des investisseurs qui auraient plusieurs moyens de rétorsion : prêter à des taux d'intérêt supérieurs, réduire les montants accordés et/ou exiger l'insertion de
Instaurer un régime de faillite des États
En 2002 déjà, dans la foulée du défaut argentin, la numéro 2 du FMI
Le MES à l'étude
Quelles sont les propositions avancées ? En fait, les auteurs du rapport du CIEPR préconisent d'amender le statut du Mécanisme européen de stabilité (MES) afin d'y introduire un processus juridique de restructuration des dettes publiques jugées insoutenables. Ils fixent ce seuil de soutenabilité à 90 % de dette publique sur PIB. Les États dépassant ce seuil seraient habilités à réclamer une restructuration, à condition qu'un jugement ait préalablement indiqué que leur dette ne pouvait être réduite en deçà de 90 % dans un délai raisonnable.
Le rapport du CIEPR a le mérite de proposer une nouvelle architecture financière qui permettrait d'éviter à l'avenir des restructurations désorganisées et coûteuses, tant pour les investisseurs que pour les contribuables. Cependant, un tel projet présente encore un certain nombre de limites. D'une part, le seuil de soutenabilité de dette ne saurait être le même pour l'ensemble des États de la zone euro. Il est fonction de la richesse du pays, de l'efficacité de son système fiscal, de son degré d'industrialisation et de la capacité de ses habitants à accepter des mesures d'austérité. Par exemple, l'Italie est aujourd'hui solvable avec un ratio de dette publique sur PIB supérieur à celui de Chypre au moment de son défaut en juin 2013. D'autre part, ce régime de faillite des États est susceptible d'engendrer un problème d'aléa moral du côté des émetteurs souverains : ceux-ci pourraient être tentés de restructurer leur dette régulièrement. Il faudrait alors craindre que les investisseurs ne réagissent en durcissant les conditions d'accès au crédit. Un tel effet pervers pénaliserait l'ensemble des pays ayant un ratio de dette publique sur PIB proche ou supérieur à 90 %.
Même si les propositions du CIEPR sont perfectibles, l'objectif fondamental est légitime au regard des restructurations improvisées des dettes argentines et grecques qui auront durablement sapé la crédibilité de ces deux pays sur les marchés financiers, paupérisé leur population et abouti à de lourdes pertes financières pour leurs créanciers.