Séismes au Japon, inondations en Thaïlande, feux de forêt, tempêtes et ouragans aux États-Unis, épisodes caniculaires et inondations en Europe, cyclones responsables d’inondations catastrophiques… Depuis quelques décennies, nous assistons à une accélération de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles en raison du réchauffement climatique provoqué par l’activité humaine
Le coût de ces catastrophes augmente régulièrement : en 2020, elles ont causé des pertes économiques estimées à 202 Mds $ dans le monde (soit une hausse de 35 % par rapport à 2019) alors que 43 % seulement de ces coûts sont assurés (soit81 Mds $)
Il y a quarante ans naissait le régime actuel
Le régime actuel d’indemnisation en France est spécifique et n’a pas toujours fait l’objet d’un système d’indemnisation particulier. Jusqu’au début des années 1980, les conséquences des CatNat étaient considérées comme techniquement inassurables. L’assurance privée ne prenait alors en charge qu’une faible portion des pertes subies ainsi que les dommages dus aux tempêtes, au poids de la neige et à la grêle, évènements considérés comme assurables.
Face à des risques en augmentation, l’élaboration d’un système d’assurance et d’indemnisation s’est avérée nécessaire. C’est ainsi que la loi du 13 juillet 1982
Le régime repose à la fois sur la solidarité nationale et sur la responsabilité
Un champ d’indemnisation relativement restreint
Par ailleurs, il a été décidé une hausse et une modulation des franchises, ce qui introduit une certaine individualisation de la garantie en fonction de l’ampleur des mesures de prévention prises par la commune où se situe le bien. Le champ d’application de l’indemnisation est relativement restreint : le dommage doit porter sur un bien assuré dans le contrat d’assurance DAB ; les dommages corporels ne sont pas pris en charge, pas plus que les dommages immatériels. Il faut également que des mesures pour prévenir le dommage aient été prises et que ces dernières n’aient pu empêcher la survenance du dommage
Un rapport rendu par le Sénat en juillet 2019 met en avant les limites techniques du régime d’indemnisation des CatNat auxquelles sont confrontés les assurés et les difficultés inhérentes aux indemnisations
Les propositions des sages du sénat
Le Sénat propose la mise en place par voie règlementaire d’une liste limitative des agents naturels éligibles, à l’exemple de ce qui existe en Nouvelle-Zélande
Par ailleurs, les experts missionnés auprès des sinistrés ont chacun leur façon d’apprécier les dommages subis et d’estimer l’indemnité à verser aux sinistrés, créant des inégalités. En France, contrairement à l’Espagne par exemple, l’indemnisation est incomplète puisque la garantie CatNat n’est pas étendue aux dommages corporels
Compte tenu du manque de transparence dans la détermination du territoire de la catastrophe naturelle, de la disparité des indemnisations et en raison du réchauffement climatique et de sinistres à venir, probablement plus nombreux, le régime ne doit-il pas être repensé et adapté pour préserver le modèle de l’assurance ?
L’atout de la prévention
Les assurances ont construit une vision prospective de l’impact du changement climatique et superposent projections économiques et climatiques
La prévention est indispensable pour faire face aux phénomènes naturels même si cette donnée est peu prise en compte dans le cadre de la tarification des contrats. Comme l’indice de sinistralité des différents départements français est connu, les risques climatiques sont localisés et les assureurs en mesure d’identifier les vulnérabilités de chaque département et ainsi majorer les primes. Cette situation pourrait favoriser la mise en place de mesures de prévention et de protection afin de limiter les conséquences des CatNat sur les biens et activités assurés.
Les communes sont-elles conscientes de leur responsabilité ?
Le Conseil d’Orientation pour la Prévention des Risques Naturels Majeurs, qui joue un rôle consultatif depuis sa création en 2003, pourrait devenir décisionnaire afin d’élaborer « une stratégie ambitieuse et claire en faveur de la prévention contre les risques naturels ». Pour ce faire, il peut s’appuyer sur l’expertise d’organismes de recherche ou d’experts comme Météo-France ou Le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs, dit « Fonds Barnier », qui avait à l’origine pour mission de « financer les indemnités d’expropriation de biens exposés à un risque naturel majeur »
Le développement d'une culture du risque naturel est également une solution. Il s’agirait également de renforcer le lien entre Plan de Prévention des Risques Naturels et garantie. Conditionner l’ouverture de la garantie CatNat à l’existence d’un PPR approuvé pourrait inciter les acteurs concernés à engager les démarches nécessaires pour lancer et accélérer le processus de réalisation du PPR. Il pourrait être efficace de suspendre les octrois des autorisations de construction jusqu’à l’approbation du PPR (et non pas seulement sa prescription), mesure proposée dans le Livre blanc de la FFA intitulé « Pour une meilleure prévention et protection contre les aléas naturels » (2016).
Une culture de responsabilité à renforcer
En cas d’absence de PPR dans une zone reconnue à risque, les « sur franchises » dues à la modulation des franchises des assurés de la zone pourraient être transférées sur les communes. Les assurés n’ont pas en effet à supporter la défaillance de la Mairie par rapport à la mise en œuvre d’une politique de prévention des risques naturels ou par rapport à l’absence de prise en compte du risque d’aménagement du territoire. Ces mesures permettraient d’inciter les maires à la prévention, en régulant l’octroi des permis de construire selon l’exposition aux risques d’une zone donnée, de les responsabiliser face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes naturels et ainsi, de les sensibiliser par rapport au rôle qu'ils jouent dans l'évolution du climat.
Le développement de stratégies tarifaires incitatives influencerait le comportement des assurés et les impliquerait dans la culture du risque. Le système de CatNat est aujourd’hui déresponsabilisant ; or, les citoyens ne doivent pas rester passifs et sous-estimer les conséquences de leurs actions. Les assureurs devraient pouvoir moduler le niveau des primes en fonction des efforts de prévention des assurés par rapport au respect de l’environnement. Ils pourraient également proposer des produits d’assurance avec un impact plus positif sur l’environnement et inciter des comportements favorisant directement la transition écologique par exemple, accorder une remise à un assuré détenant un climatiseur fonctionnant à énergie solaire ou un véhicule peu polluant.
Le 13 octobre, une date clef
On pourrait aussi envisager une politique tarifaire encourageant le remplacement de fenêtres ou la réfection de toitures pour mieux résister aux intempéries. Comme les premiers sinistrés impactés sont des citoyens et des entreprises, il est indispensable de placer ces assurés au cœur de la démarche visant à instaurer une culture du risque par le biais de techniques incitatives. Cette sensibilisation pourrait être effectuée avant l’âge adulte : le 13 octobre est la journée internationale de la prévention des CatNat ; elle pourrait être, en milieu scolaire, une journée de sensibilisation au changement climatique et à ses conséquences, être une source d’éveil pour que les plus jeunes adoptent les bons comportements le plus tôt possible.
Les assureurs font face au surcoût occasionné par les frais de gestion personnalisés des dossiers clients, lors de la survenance d’une inondation (ou d’ailleurs d’une tempête) difficilement compatibles avec le contexte économique et concurrentiel.
Le recours à la titrisation pour accroître la capacité
De nouvelles alternatives d’assurances, comme la titrisation des risques climatiques, pourraient être envisagées pour disperser le risque ou augmenter les capacités. Il s’agirait alors de mettre en place des contrats de dérivés climatiques, ainsi que des assurances indicielles appuyées sur les technologies satellitaires. Ils permettent en effet de combler les limites liées aux assurances traditionnelles, fondées sur l’expertise humaine. Ils couvrent le problème de l'aléa moral inhérent aux contrats d'assurance traditionnels ou à l’asymétrie d’informations. Ils permettraient aux secteurs directement affectés par les variations climatiques (tourisme, agriculture, agroalimentaire) de s’adapter à la croissance des chocs climatiques et ainsi être moins vulnérables.
Les Cat Bonds, également connus sous le nom de « catastrophes bonds » ou « obligations catastrophe », sont un moyen par lequel l’assurance ou la réassurance transfère au marché financier, depuis les années 1990, les conséquences des risques majeurs. En France, l’attrait des assureurs pour les Cat Bonds est certain depuis une décennie
Et l’Outre-Mer, on y pense ?
L’État français a conscience des principales limites actuelles du régime d’indemnisation des CatNat, comme en atteste la loi sur la réforme d’indemnisation initialement promise avant l’été 2019 et adoptée désormais par l’Assemblée Nationale puis le Sénat en décembre 2021. Stéphane Baudu, Député Modem, a proposé un texte de loi visant principalement à rendre le système actuel plus transparent, à clarifier son cadre juridique, mais également à améliorer les mesures de prévention du risque
Enfin combien de temps encore les assurés des zones peu exposées admettront-ils d’être solidaires de ceux des zones très exposées, ce qui pose, à terme, la question de la pérennité du système public /privé de garantie uniforme des catastrophes naturelles ?