À l’heure où les professions réglementées doivent justifier de leur existence, que dire du vieux monopole bancaire lorsque celui-ci fait en plus l’objet de coups de boutoir répétés de la part du législateur, dernièrement encore avec la loi
De quand date ce monopole ? Dans sa forme « actuelle », son origine remonte à une loi des 13 et 17 juin 1941 ! Avant cette loi, et jusqu’à la Grande Crise, les banques n’étaient assujetties à aucune réglementation particulière, ni dans leur création (conditions d’accès libre, aucune définition officielle du banquier), ou leur fonctionnement (condition d’exercice libre). C’est une loi du 19 juin 1930 qui définit la profession de banquier comme celle exercée par des personnes « qui accomplissent, à titre professionnel, des opérations de banque ».
Comment justifier ce monopole ? Les justifications sont différentes selon qu’il s’agit du dépôt ou du crédit. Certes, pour une banque, les deux sont économiquement liés : les dépôts font les crédits. Mais le crédit peut aussi être distribué sans dépôts des clients ; et certaines institutions de dépôts ont longtemps vu leur capacité de prêter limitée (Caisse d’épargne, par exemple). S’agissant du dépôt, la principale justification tient en la confiance que le déposant doit avoir dans son dépositaire, et ce d’autant plus que la remise d’une somme d’argent s’assimile juridiquement à un transfert de propriété du fait de la nature fongible de la monnaie, ce qui conduit à ce que la banque n’a qu’une dette de restitution en équivalent envers le déposant. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi il existe des mécanismes légaux de fonds de garantie des déposants. Confiance donc, qui conduit à n’autoriser que des entreprises ayant une organisation et un fonctionnement à même de recevoir des dépôts du public.
Laissons donc de côté les activités de dépôts qui d’ailleurs sont les seules parmi les activités bancaires (et dans une autre mesure, les activités les paiements) en droit européen à constituer une activité réglementée réservée aux établissements de
Tel n’est pas le cas de la distribution du crédit. Sauf cas particulier (par exemple, le crédit consommation, ou le crédit hypothécaire), la distribution de crédit ne nécessite pas automatiquement l’octroi d’une « licence bancaire ». Certes, le droit européen autorise les États membres à limiter la distribution du crédit à l’octroi d’une « licence bancaire ». C’est le choix de la France. Contrairement à l’ensemble de ses voisins.
Le monopole se caractérise en réalité par une
Cette logique de monopole pour la distribution de toutes formes de crédit ne constitue pas l’approche retenue dans de nombreux pays européens. Que ce soit en Allemagne, en Belgique, en Italie, en Grande Bretagne, en Espagne (pour ne prendre que nos principaux voisins), l’octroi de crédit à une entreprise par une autre entreprise ou par une personne physique n’est pas une activité soumise à « monopole bancaire », voire même une activité réglementée.
Pourquoi la distribution du crédit constitue-t-elle en France une activité réglementée ? La loi de 1930 intervient en réaction de la crise de 1929. En 1941, cette loi s’inscrivait dans l’organisation de la société autour des corporations, elles-mêmes sous le contrôle de l’État ; à la libération, on a ajouté à ce monopole un contrôle direct de la distribution du crédit par la nationalisation de grandes banques et le contrôle direct de la profession par des organismes relevant de l’État (Conseil National du Crédit). Politique qui a été accentuée en 1983 avec la seconde vague de nationalisations et qui a conduit à ce que l’activité bancaire était non seulement soumise à autorisation (monopole), mais de fait exercée par des banques publiques. La logique économique de toute cette période était celle de l’ « encadrement du crédit » par l’État, outil par excellence d’un système d’économie mixte. Or, cette logique n’a jamais été totalement abandonnée, malgré les privatisations et les réformes européennes : l’État semble toujours vouloir contrôler sous une forme ou une autre la distribution du crédit, alors même qu’il ne maîtrise plus la politique monétaire. La raison invoquée aujourd’hui ? La prévention du risque systémique. D’ailleurs inscrite comme objectif principal des derniers textes
En schématisant, on peut distinguer deux modèles en Europe et hors de France. Un premier modèle où le crédit inter-entreprises est libre dès lors que les prêteurs n’exercent pas cette activité de prêt à titre principal. Le critère est ici celui de l’occasionnel. Tel est le cas en Allemagne et en Italie par exemple. Un second modèle consiste à permettre aux entreprises de prêter à des autres entreprises dès lors que cette activité n’est pas exercée à titre professionnel. Ici, le critère est celui du ratio de levier entre les fonds propres et le montant du crédit distribué, propre au système bancaire. C’est le modèle de la Grande-Bretagne. La France dispose d’un régime très restrictif dans l’octroi de crédit d’un agent économique à un autre agent. Cela tient notamment au fait que l’un des critères d’application du monopole bancaire français est celui de l’habitude (et non le critère de l’activité accessoire ou professionnelle), pour lequel la jurisprudence de la Cour de Cassation a considéré que celle-ci commençait dès la deuxième opération de crédit. Ce que le juge a fait, le juge peut le modifier ; et la loi aussi.