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Rétrospective 2018

Les services financiers mobiles innovants poursuivent leur déploiement en Afrique

Créé le

07.12.2018

-

Mis à jour le

04.01.2019

L’équation particulière du marché des services financiers de détail en Afrique a laissé une large place à l’innovation financière sur mobile, qui progresse d’année en année. La situation est connue : seuls 34 % des adultes disposent d’un compte bancaire en Afrique, selon la Banque Mondiale. Et il y existe peu d’infrastructures en dur : 5,3 agences bancaires pour 100 000 habitants. En revanche, le continent compte un million d’agents de mobile money en activité. En Afrique subsaharienne, 21 % des adultes possèdent un compte d’argent mobile, c’est le taux le plus élevé dans le monde et il a presque doublé en 3 ans.

L’Afrique est LE continent du mobile money, de l’échange de monnaie électronique via un smartphone. Et le smartphone est l’outil qui pourrait permettre aux deux tiers des Africains qui n’a pas accès aux services formels d’accéder quand même à des services financiers. Son utilisation en tant que tel est de plus en plus large et innovante, répondant aux besoins et aux usages de la population et aux velléités des acteurs de se développer sur le continent, des opérateurs téléphoniques en premier lieu. Aujourd’hui, un habitant du Kenya utilise couramment son mobile pour acheter du crédit téléphonique, envoyer de l’argent, payer ses factures, mais aussi de plus en plus pour régler un achat en magasin, épargner voire emprunter.

La révolution mobile africaine a débuté au Kenya il y a dix ans avec l’essor de M-Pesa, l’offre de mobile money de l’opérateur Safaricom, également développée dans d’autres pays d’Afrique de l’Est. Dans cette zone, la diffusion du mobile money et des réseaux sociaux génère une masse de données qu’exploitent aussi des Data Scientists, et des modèles de data scoring alternatifs apparaissent.

Malgré l’avance prise par l’Afrique de l’Est, l’Afrique subsaharienne francophone rattrape désormais son retard en matière de mobile banking. L’Afrique de l’Ouest détient 31 % des comptes ouverts en 2017 (contre 17 % en 2012), et l’Afrique de l’Est 56 % (76 % en 2012). Orange Money, alter ego de M-Pesa en Afrique francophone, est un acteur important. La Côte d’Ivoire, poids lourd de la zone, est par exemple le premier marché du service de l’opérateur français aujourd’hui proposé dans 17 pays d’Afrique avec 40 millions de clients, dont 13 millions utilisent le service chaque mois.

Au Sénégal, où Séverine Leboucher (Revue Banque) s’est rendue en reportage début 2018, le marché est plus petit mais il présente un écosystème plus varié, avec plusieurs modèles : transferts d’argent OTC (Over The Counter) avec Wari, comptes de monnaie électronique avec Orange et Tigo, offre quasi bancaire avec Société Générale (Yup), et développement de FinTechs (voir encadrés).

L’innovation financière se diversifie en Afrique. Au Zimbabwe, on utilise parfois le bitcoin comme monnaie. Ailleurs, tokens et autres crypto-actifs servent des projets d’inclusion financière.

Laure Bergala

 

Ils ont dit

Des Telco plutôt que des réseaux, explique Orange Money

« Pour des raisons économiques tout à fait compréhensibles, les banques – comme, du reste, la plupart des distributeurs – n’ont pas développé de réseaux physiques d’agences en Afrique, comme elles l’ont fait en Europe. Elles se sont limitées à la clientèle patrimoniale et entreprises de ces pays, en laissant de côté la grande majorité de la population. Ce n’est pas un reproche, mais un constat. En face, les opérateurs téléphoniques cherchaient à accroître leur revenu moyen par client pour amortir le coût du déploiement des réseaux mobiles. Ils se sont tout d’abord intéressés aux services financiers. L’innovation est partie d’Afrique de l’Est, avec M-Pesa au Kenya, puis nous avons pris le relais, en lançant Orange Money en 2008 en Côte d’Ivoire, avec des services dits de cash in-cash out. »

Bruno Mettling, directeur général adjoint, Groupe Orange, P-DG, Orange Middle-East and Africa, Revue Banque n° 818, mars 2018, pp. 24-27.

 

La gamme s’élargit au crédit et à l’épargne

« L’adoption de la finance digitale passera aussi par l’extension de la gamme de prestations offertes. Si le marché est aujourd’hui dominé par les services purement transactionnels de dépôt et retrait de cash, ainsi que de paiement de facture d’eau, d’électricité ou de câble, des offres à plus forte valeur ajoutée commencent à arriver. Microcred distribue ainsi directement sur le mobile de ses clients, des prêts de faible valeur (moins de 100 euros) sur la base de leur historique de crédits et de l’évolution de leur solde d’épargne. De même, Société Générale, par l’intermédiaire de Yup et Manko, s’apprête à lancer différents crédits digitaux de petits montants : avances sur salaires pour les employés du secteur formel et nanocrédits conditionnés par des critères d’utilisation du porte-monnaie Yup pour ceux du secteur informel. Le tout pendant qu’Orange testera des offres similaires à Madagascar et au Mali. Au-delà du crédit, c’est aussi sur l’épargne et l’assurance que ces fournisseurs de services sur mobile cherchent à faire la différence. »

Séverine Leboucher, journaliste, Revue Banque, Revue Banque n° 818, mars 2018, pp. 20-22.

 

Wari veut créer un standard agnostique

« Le concept de Wari est celui d’une plate-forme digitale intégrée et agnostique permettant de réaliser tout un ensemble de transactions, du transfert d’argent au paiement de factures, en passant par le versement des pensions et la collecte de taxes, de manière instantanée et sécurisée, quel que soit l’endroit où l’on se trouve. […] Wari accepte n’importe quel moyen de paiement : carte bancaire, cash, mobile money aujourd’hui, QR Code, hologramme demain… De même, le bénéficiaire peut recevoir ses fonds de la manière qu’il souhaite, via sa carte, son compte bancaire ou de mobile money, en cash. Il a pour cela fallu créer une plate-forme technologique inclusive, en privilégiant la simplicité d’utilisation. C’est l’objectif de Wari : créer un standard agnostique, dans lequel tout le monde se retrouve pour effectuer des transactions rapidement, de manière sécurisée et sans changer ses habitudes. »

Karibou Mbodje, P-DG, Wari, Revue Banque n° 818, mars 2018, pp. 28-30.

 

Nanocrédit digital et digitalisation du microcrédit

« Le crédit digital se développe depuis 2012 et rencontre un certain succès en Afrique de l’Est à travers les solutions élaborées autour du porte-monnaie M-Pesa grâce à l’analyse automatisée des transactions qui s’y déroulent. En Afrique de l’Ouest, Orange s’apprête, lui aussi, à lancer une offre de nanocrédit de même nature que celui de Yup […]. Si ces crédits à la consommation en temps réel concourent à faciliter l’accès aux services financiers, ils ne constituent toutefois que des solutions de financement très limitées par rapport aux besoins de la population cible. Aussi, Manko travaille-t-il en parallèle à la digitalisation de son offre traditionnelle de micro et mésofinance à destination du secteur productif. »

Séverine Leboucher, journaliste, Revue Banque, Banque & Stratégie n° 367, mars 2018, pp. 5-8.

 

Bima, une AssurTech en Afrique

« Mor, vendeur de farine de poisson à Rufisque, à une trentaine de kilomètres de Dakar, est également client de Bima. Plusieurs fois par mois, une centaine de francs CFA (quelques centimes d’euros) est prélevée sur son crédit téléphonique prépayé Tigo. Grâce à cette microprime, collectée au fil de l’eau de manière indolore pour son budget, il peut couvrir sa famille en cas de décès. Au départ, Mor s’est montré sceptique : « J’ai pensé à une arnaque, mais le coût était faible… Il fallait que j’essaie pour savoir si c’était sérieux. » Quand sa mère est décédée quelques mois après la souscription d’une « assurance vie » la désignant comme cobénéficiaire, Mor a touché 200 000 francs (environ 300 euros). […] L’objectif de Bima, implanté au Sénégal depuis 2012, est de rendre l’assurance formelle accessible au plus grand nombre, y compris le « bas de la pyramide ». »

Séverine Leboucher, journaliste, Revue Banque, Banque & Stratégie n° 367, mars 2018, pp. 9-11.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827
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