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Focus

Les erreurs de jeunesse du marché du carbone

Créé le

12.08.2010

-

Mis à jour le

13.03.2012

Phishing : arnaque à gros traits

La porosité des registres du carbone a attiré d’autres fraudeurs. Dans les premiers jours de février 2010, des spécialistes de l’hameçonnage ou phishing se sont en effet attaqués à 13 registres européens du carbone, et en particulier les registre allemand et tchèque. La technique est très simple : les utilisateurs du marché reçoivent un e-mail contenant un lien vers une page dans laquelle il leur est demandé de renseigner le mot de passe et l’accès au compte.

La fraude a été limitée dans le temps – quelques jours -, mais terriblement efficace. Sur les 2 000 sociétés inscrites au registre allemand, sept d’entre elles, abusées, se sont fait subtiliser 250 000 crédits, pour une valeur de 3 millions d’euros. Le montant total de la fraude en Europe n’a pas été dévoilé.

CER « recyclés » : le bénéfice du doute

Au mois de mars 2010, une autre affaire secoue le monde de la finance carbone, celle des CER dits « recyclés ».

Les entreprises européennes soumises aux quotas doivet chaque année, au mois d’avril, faire la preuve de leur conformité aux standards qui leur ont été fixés. En d’autres termes, elles doivent justifier de la détention de crédits à la hauteur des émissions effectuées pour l’année écoulée. Elles peuvent apporter des EUA et une partie de CER (entre 10 et 13% en fonction des secteurs d’activité et des pays), à leur pays d’origine. Ce pays doit ensuite les bloquer dans un compte.

La Hongrie a créé la controverse en choisissant de vendre 2 millions de ces crédits, déjà utilisés pour les besoins de la conformité européenne, au Japon ou en Asie (le Japon est après l’Europe le 2e acheteur de CER). D’autres pays auraient suivi l’exemple hongrois. Bien que suscitant la polémique, cette opération était légale. Le scandale est venu du fait que certains de ces crédits ont été remis en circulation en Europe, et découverts sur Bluenext.

Bluenext a depuis introduit un niveau de sécurité supplémentaire dans ses transactions : « Nous avons créé un filtre, qui analyse les numéros de série des CER livrés. Chaque crédit carbone (= 1 tonne de CO2) se voit attribuer un numéro de série. Nous pouvons assurer à nos clients que les CER livrés n’ont pas déjà fait l’objet d’une mise en conformité », explique Serge Harry, le PDG de Bluenext.

Les Etats membres de l’Union européenne se sont également engagés à ne plus revendre les CER déjà restitués dans le cadre de l’ETS, mais à les affecter directement à Kyoto.

HFC 23 : projets en garde à vue

Les projets de destruction de gaz HFC23 représentent la moitié des crédits CDM émis à ce jour. Selon la méthodologie en vigueur, la suppression d’une tonne de ce gaz donne droit à 11 700 crédits carbone. Son coût de production est également 65 à 75 fois moins élevé que la subvention perçue [1] . L’ONG CDM Watch a alerté le comité exécutif du CDM sur une potentielle fraude aux crédits. Ils soupçonnent des industriels de produire ce gaz, simplement pour recevoir des subventions en vue de les détruire.

Le comité d’experts en charge de la méthodologie au sein des Nations Unies (« Meth Panel ») doit se prononcer sur ce point, sur lequel des opinions contradictoires s’expriment.

Le comité exécutif a décidé de revoir la méthodologie applicable à ces projets, et de suspendre temporairement toute attribution de crédits. L’issue de cette période de consultation - potentiellement une révision à la baisse des crédits attribués - pourrait avoir un impact fort sur le marché des CER, notamment en Chine et en Inde, qui concentrent la majorité des projets HFC23.

1 http://www.eia-global.org/PDF/PR--Climate--2July2010--investigation_over_Carbon_Market_Scandal.pdf

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº727
Notes :
1 http://www.eia-global.org/PDF/PR--Climate--2July2010--investigation_over_Carbon_Market_Scandal.pdf
RB