Les premiers achats de titres publics de la BCE, le 9 mars dernier, ont donné lieu à de nombreux commentaires. L'idée domine, selon laquelle les achats massifs d'obligations par la BCE, en déprimant les taux obligataires, pèsent sur les marges d'intérêt des banques européennes et présentent une menace sur leur rentabilité. Pour autant, il convient de ne pas confondre les conséquences du Quantitative Easing (QE), sur les banques de la zone euro, avec celles des maux qu'il est censé combattre.
La BCE a pour objectif principal de conjurer la menace déflationniste, dont les effets seraient infiniment plus dommageables pour les banques et l'économie de la zone euro, dont les prix à la consommation reculent, sur un an, depuis décembre 2014 (-0,3 % en février 2015). Pour mémoire, le mouvement de recul des taux longs et d'aplatissement de la courbe des rendements est en réalité bien antérieur à l'annonce du QE : il s'est amorcé dès le début de 2014, nourri par des anticipations d'inflation continûment baissières. Le rendement du Bund n'a, en effet, cédé que 12,5 pb entre le 22 janvier 2015 et le 17 mars 2015, contre 194 pb sur l'ensemble de 2014. Les marges d'intérêts des banques de la zone euro ont commencé à pâtir de l'environnement de taux dès 2014 et leur part dans les revenus bancaires, quoique toujours prépondérante, a diminué en moyenne de près de 8 points au cours des six dernières années.
La relation positive entre la pente des taux et les revenus d'intérêts bancaires est bien
L'effet négatif du QE proprement dit sur les revenus bancaires est somme toute limité. Il n'affecte que la production nouvelle et les actifs à taux variables. Il est, au moins initialement, compensé par les gains sur portefeuilles obligataires (l'encours de dette obligataire détenu par les banques de la zone euro s'élevait à environ 4 100 milliards d'euros en janvier 2015, soit près de 13 % des bilans bancaires). La véritable menace viendrait surtout d'une pente des taux désespérément plate, qui continuerait d'éroder les marges bancaires sans générer de nouvelle plus-value. Si le QE produit les effets attendus, il pourrait avoir contribué, d'ici quelques mois, à repentifier quelque peu la courbe par un ancrage des anticipations d'inflation à des niveaux un peu plus élevés. Les taux longs demeureraient certes très inférieurs à leur niveau « naturel » du fait des volumes d'achat de la BCE (1 140 milliards d'euros prévus) au regard des flux d'émissions. Cela ne remettrait toutefois pas en cause leur remontée graduelle (ce que suggèrent les taux forward).