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Rétrospective 2015

La FinTech sous les feux de la rampe

Créé le

17.12.2015

-

Mis à jour le

29.12.2015

Voilà plusieurs années que l'on entend parler de ces start-up qui veulent révolutionner la finance, qu'elles s'essaient au crowdfunding ou au paiement en ligne. Mais ces derniers mois, leur nombre, leur périmètre et, plus encore, leur poids médiatique ont explosé. Certains voient déjà dans ces FinTech le Uber de la banque. Ou plus exactement, le Uber d'une grande variété de services bancaires, sans jamais les couvrir tous. L'ensemble des métiers est désormais impacté : le paiement (en ligne, sur mobile, en magasin, entre particuliers, à l'international), le crédit (crowdlending, scoring), l'épargne (conseil de placement automatisé, épargne impulsive), la gestion d'actifs (modèles prévisionnistes, plate-forme de trading), le back-office (utilisation de la blockchain).

2015 est l'année où les FinTech françaises ont véritablement pris la parole, créant leur propre association, France Fintech. Elles ont été mises en avant à de nombreuses tribunes, comme celle du pôle de compétitivité Finance Innovation qui leur ouvre depuis décembre un « annuaire ». Le fonds de capital risque Truffle Capital leur a dédié un incubateur avant l'été, et BNP Paribas en a fait de même en fin d'année. Les opérations financières se sont multipliées : les levées de fonds se renforcent (31 millions d'euros pour Prêt d'Union, 15 pour Slimpay, 10 pour Compte Nickel et Kantox) et les établissements bancaires commencent à racheter certaines start-up (Fiduceo par Boursorama, Leetchi par Crédit Mutuel Arkéa, LePotCommun par BPCE).

Réglementairement, avec la 2e Directive sur les services de paiement, un nouveau statut spécifique vient rejoindre ceux d'établissement de paiement, d'intermédiaire en financement participatif et autre établissement de monnaie électronique : les « third party providers ». Il s'agit de prestataires qui ont le droit d'accéder au compte bancaire d'un client avec son autorisation pour en récupérer les mouvements (pour mieux les présenter, comme avec les Personal Finance Managers) ou pour passer des ordres de transaction (des virements comme Sofort, par exemple). Mais si une partie des régulateurs continuent de dessiner un cadre légal compatible avec ce foisonnement d'innovations, une autre commence à s'interroger sur les limites du système. Les attentats qui ont touché la France en 2015 ont ainsi montré l'implication de cartes prépayées dans le financement des opérations terroristes. Le ministre des Finances Michel Sapin a appelé l'Europe à revoir sa copie sur leur régulation. Le Compte Nickel, distribué par les buralistes, voit également son encadrement renforcé, avec l'inscription des comptes au fichier Ficoba. Quant à l'ACPR, elle tient une liste des plates-formes d'octroi de crédit frauduleuses qui voient le jour sur Internet.

Autant d'évolutions réglementaires qui devraient peser dans la structuration du secteur des FinTech dans les mois à venir.

 

Ils ont dit

Vague déferlante ou bricolage du dimanche ?

"La FinTech partage avec la Junie [1] de Britannicus le privilège d'osciller, selon l'interlocuteur ou l'époque, entre un excès d'honneur et une indignité, qu'elle ne mérite d'ailleurs pas plus que son modèle :

  • excès d'honneur lorsqu'on la présente balayant un monde bancaire si archaïque, si recroquevillé sur ses privilèges et tellement dépourvu d'idées qu'il serait voué à être emporté par un implacable tsunami en train d'enfler depuis le fond de la Silicon Valley et de ses émules européennes ;
  • indignité lorsque l'on prétend que ce ne sont pas quelques bricoleurs de paiement, de crédit ou d'épargne qui, du fond d'un garage, vont inquiéter, ni même impressionner des acteurs à qui leur puissance financière et la confiance dont les honorent leurs clients confèrent un imperium inoxydable sur la relation et les services bancaires."
Régis Bouyala, associé, Pemance, Revue Banque n° 790, décembre 2015, p. 68.

 

Monopole bancaire 2.0

"La finance étant une activité réglementée, l’exercice de celle-ci passe nécessairement par l’octroi d’une « licence » par le régulateur compétent (ACPR ou AMF). La vie semble claire : noir ou blanc, in ou out. Ici, la question à se poser n’est pas de savoir si cette barrière de l’agrément a freiné la capacité d’adaptation des acteurs, mais si elle constitue un frein, voire une limite, à l’apparition des nouveaux acteurs. Là encore, la première impression est trompeuse. On pourrait estimer que, dès lors que le monde est noir ou blanc, pour proposer des services financiers, les FinTech doivent nécessairement opter pour un statut bancaire (ou assurance ou de sociétés de gestion). Tel n’est pas le cas, et ce à double titre. Tout d’abord, parce qu’il existe de plus en plus de statuts « au rabais » ou, pour être positif, peu contraignants. C’est le cas du statut de CIF (conseiller en investissement financier), de celui d’IOBSP (intermédiaire en opération de banque et service de paiement) ou encore de celui, plus récent, de CIP (conseiller en investissement participatif) et IFP (intermédiaire en financement participatif) en matière de crowdfunding, sans oublier toute la gamme des courtiers et mandataires en matière d’assurance. Ces statuts se caractérisent par un point commun : d’une manière ou d’une autre, le cœur de leur activité consiste dans le conseil apporté à la clientèle. L’exécution des opérations est le plus souvent laissée aux acteurs traditionnels. C’est bien là la souplesse recherchée par ces nouveaux acteurs : éviter les contraintes de la régulation des activités, pour se concentrer sur le conseil, en tant que valeur ajoutée aux clients."

Hubert de Vauplane, avocat associé, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, Banque & Stratégie n° 339, septembre 2015, p. 32.

 

Co-construire avec la FinTech

"Crédit Mutuel Arkéa est devenu un partenaire de premier choix pour bon nombre d’acteurs de l’écosystème numérique. À titre d’illustration, nous sommes actionnaires de Prêt d’Union, le leader des financements entre particuliers, qui vient, d’ailleurs de conclure une très belle levée de fonds supplémentaires. Nous sommes également au capital de Linxo, le service de gestion des finances personnelles. Nous cantonnons les fonds de Mango Pay, l’établissement de monnaie électronique de Leetchi ; nous sommes partenaires de Natural Security, avec laquelle nous menons des tests de paiement biométrique. Dans un tout autre domaine, nous avons récemment participé au premier tour de table opéré par Yomoni qui permettra à cette FinTech de lancer un service innovant de conseil et d’allocation d’actifs dans le domaine de la gestion de patrimoine. Nos investissements dans les start-up de la finance s’inscrivent dans une démarche de co-construction et nous permettent de rester au fait des nouveaux usages de consommation et des technologies d’avenir."

Ronan Le Moal, directeur général, Crédit Mutuel Arkéa, Banque & Stratégie n° 339, septembre 2015, p. 16.

 

À la recherche de fonds

"Les investisseurs internationaux reprochent fréquemment à nos start-up de se lancer en France. Cela doit changer. Le handicap de financement est relatif : il concerne surtout la levée de fonds d’amorçage. S’il est, en France, plutôt aisé de trouver du capital de premier lancement (petits montants, dit « love money ») auprès d’investisseurs individuels (Business Angels) du fait même des déductions ISF, ainsi que des capitaux post-point mort (« capital développement »), c’est au milieu que se situe la zone de danger mortel. En effet, les fonds dits « d’amorçage » et de lancement (Early Stage) sont encore peu nombreux, de sorte que la majorité des financements se trouve encore à Londres."

Alain Clot, président, France Fintech, Business Angel et banquier, Banque & Stratégie n° 339, septembre 2015, p. 8.

 

1 Dans Britannicus (1669), tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine, Junie, descendante d’Auguste, est la fiancée de Britannicus, ndlr.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº791
Notes :
1 Dans Britannicus (1669), tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine, Junie, descendante d’Auguste, est la fiancée de Britannicus, ndlr.
RB