Le marché des CDS européens a fait l'objet de deux évolutions réglementaires ces dernières années : l'une a trait à l'interdiction des CDS souverains nus édictée par l'Union européenne en 2012 ; l'autre au transfert du marché OTC vers un marché à compensation centrale.
Les CDS souverains nus interdits
Au paroxysme de la crise de la dette européenne, en 2011-2012, les primes de CDS ainsi que les spreads obligataires ont fortement augmenté pour les États des pays périphériques, reflétant les craintes de défauts souverains. Dans ce contexte, le marché des CDS souverains était perçu comme un vecteur de spéculation susceptible d'alimenter la flambée des taux d'intérêt sur la dette souveraine. En effet, les spreads de CDS et les spreads obligataires évoluent généralement de concert mais en période de turbulence, le marché des CDS a tendance à devancer le marché obligataire, l'entraînant ainsi dans ses
Comme tous les produits dérivés, les CDS peuvent être utilisés à des fins de couverture ou de spéculation. Les « CDS nus », c'est-à-dire ceux qui sont détenus par des agents ne possédant pas la dette sous-jacente, peuvent être considérés comme spéculatifs, puisqu'ils ne servent pas à couvrir un risque auquel le détenteur serait confronté. En réalité, ils sont équivalents à une
financières. Pour lutter contre la spéculation, les autorités européennes ont réglementé à la fois les CDS « nus » et les ventes à découvert de titres souverains. L'Allemagne a été le premier pays à réagir en interdisant les CDS souverains nus dès mai 2010 et jusqu'en mars 2011 ; le Conseil de l'Europe et le Parlement européen sont ensuite parvenus à un accord sur l'interdiction en octobre 2011. La mesure a été effectivement adoptée par le Parlement en mars 2012 et mise en application en novembre 2012. Un certain nombre d'exemptions ont été prévues : notamment pour les détenteurs de CDS possédant une dette sous-jacente de valeur corrélée au risque souverain ainsi que pour les teneurs de marchés.
Un impact difficile à mesurer
Le but de l'interdiction était de faire baisser les spreads et ainsi de faire redescendre les taux d'intérêt sur la dette publique des pays périphériques qui avaient atteint des niveaux alarmants. L'impact de la mesure est difficile à évaluer car de nombreux paramètres entrent en jeu. En réalité, juste avant son application, les spreads de CDS s'étaient déjà brusquement repliés de 250 à 350 points de base en Espagne, Italie, Irlande et Portugal, dans les trois mois suivants l'annonce de l'OMT par Mario Draghi en
monde. Cependant, il est possible que l'interdiction n'ait pas eu d'effets notables au moment de son entrée en vigueur, parce que ses effets auraient été anticipés par le marché et se seraient donc manifestés dès la date où la mesure a été annoncée, soit 1 an plus tôt environ (le 18 octobre 2011). Effectivement, l'incitation à acheter de nouveaux contrats devait faiblir dès l'annonce de la mesure, car celle-ci était censée entraîner une baisse des primes. De plus, il n'était pas facile de savoir si l'interdiction concernerait seulement les nouveaux contrats échangés après la date de mise en application ou également le stock de CDS nus déjà existants. Il est donc possible que le marché ait commencé à réagir dès l'annonce de l'interdiction. Les spreads souverains européens ont effectivement diminué de quelques points de base le jour de l'annonce, mais le mouvement de baisse a été effacé le mois suivant. La baisse des spreads a sans doute été limitée par le contexte de l'époque où le défaut de la Grèce était imminent et les inquiétudes à leur paroxysme sur les pays
périphériques. Sur les volumes, l'interdiction des CDS nus devait logiquement produire une baisse des échanges, après le retrait des spéculateurs. Le Fonds Monétaire International estimait que la mesure risquait de porter atteinte à la liquidité du marché et s'avérer même contre-productive pour les États européens, les investisseurs pouvant se détourner d'une dette qu'ils ne pouvaient pas couvrir sur un marché suffisamment
Le passage à une chambre de compensation centrale
L'autre pan des réformes concerne le transfert du marché bilatéral des dérivés OTC vers des chambres de compensation centrale (CCP). Concrètement, un certain nombre de produits dérivés OTC, parmi lesquels certains CDS, devront dorénavant être traités en passant par une chambre de compensation. Le risque de contrepartie est alors transféré des deux parties de la transaction – l'acheteur et le vendeur – vers la CCP. Les conséquences du défaut d'un acteur sont alors mieux maîtrisées, grâce à une bonne gestion du risque de contrepartie et à la mutualisation des
pertes. Pour gérer le risque de contrepartie, la chambre de compensation requiert de la part de ses adhérents du collatéral, versé sous formes de marges initiales puis de marges de variation, en quantité suffisante pour compenser les pertes en cas de défaut. La bonne gestion du risque de contrepartie n'est toutefois pas propre aux CCPs puisque des règles définissant les exigences de marge s'imposeront aussi pour les dérivés qui resteront traités en bilatéral et non via une CCP : notamment les marges initiales deviendront obligatoires, moyennant certaines exemptions. Il s'agit de rectifier les pratiques d'avant crise, où les marges étaient apparues insuffisantes pour l'ensemble des produits dérivés OTC. La spécificité du passage par une CCP est liée au système d'absorption des pertes en cas de défaut d'un adhérent, permettant de limiter l'impact sur les autres. Ainsi, si le collatéral fourni par le membre faisant défaut s'avère insuffisant, d'autres ressources sont mobilisées : fraction du capital de la CCP et contributions au fond de défaut des adhérents notamment. Ce mécanisme est fondamental, les faillites d'AIG et de Lehman Brothers pendant la crise de 2008 ayant montré que le défaut d'une contrepartie majeure de marché, bien qu'improbable, pouvait se produire et potentiellement provoquer la faillite d'autres
acteurs. A priori, seuls certains CDS suffisamment standards et liquides seront concernés par l'obligation de transfert vers les CCP. Les CDS souverains pourraient être exemptés en raison de la corrélation entre le défaut d'un souverain et la perte de valeur du collatéral déposé ; les institutions financières seraient également exemptées, car leur défaut pourrait coïncider avec celui d'un membre de la CCP. Bien que le transfert vers les chambres de compensation ne soit pas encore obligatoire, la migration est déjà en cours sur une base volontaire. À la fin de 2013, 26 % des CDS étaient compensées par des CCP, 37 % des multi-names, c'est-à-dire des indices, et 17 % des single-name. Par comparaison, à la fin 2010, la proportion de CDS compensés n'était que de
Avec ces évolutions réglementaires, le risque de contrepartie sera concentré dans les CCP, ce qui leur confère un rôle systémique : en cas de défaillance d'une CCP, les pertes que subiraient simultanément les banques utilisatrices pourraient affecter profondément la stabilité financière. C'est pourquoi ces évolutions réglementaires doivent s'accompagner d'une vigilance accrue à l'égard des CCP, qui doivent être suffisamment robustes pour supporter le défaut d'une des
contreparties. Outre les aspects réglementaires, la récente mise à jour par l'ISDA des règles applicables en matière de contrats CDS représente également une évolution notable du marché. Il existait en effet des ambiguïtés sur les événements déclencheurs du CDS, notamment en cas d'intervention publique. Les clarifications apportées devraient contribuer à rendre le marché plus liquide et moins volatil au à l'approche d'événements de crédit.