En 2001, au moment de son entrée à l'OMC, la Chine avait obtenu un délai de 5 ans pour publier les réformes nécessaires à l'ouverture de son système financier. En décembre 2006, lors de la présentation des détails de la réforme, les banques riaient jaune. Greenfield ou partenariat, les conditions d'une implantation, pour les établissements étrangers, étaient onéreuses, voire dissuasives (voir Encadré 1). Un peu amer, Jacques Desponts, responsable du groupe de travail OMC de l'UNICE (Union des industries de la Communauté européenne) déclarait alors que « la Chine a très habilement négocié les conditions de son accession à l'OMC, et les a scrupuleusement respectées. Tout ce qui n'est pas dans les engagements n'étant pas interdit, elle a pris des mesures qui rendent l'activité des banques étrangères opérant en Chine compliquée ou coûteuse. […] Pour le moment, cela provoque un certain émoi, et justifie les prises de positions de certaines grandes
Malgré tout, elles ont été quelques-unes à se positionner au moment de l'ouverture du capital des banques chinoises (voir Tableau 1). D'autres (42 au total) ont fait le choix d'une filiale à 100 % locale ; elles comptent près de 400 branches sur l'ensemble du territoire, à mettre en parallèle avec les 18 000 branches du géant ICBC. Une différence d'échelle qui incite à la modestie : « L'ensemble des actifs bancaires des banques étrangères en Chine représente environ 1,8 % des actifs bancaires chinois. Donc, par définition, nous sommes petits face à la réalité de ce grand pays », rappelle Laurent Couraudon, responsable pays pour la Chine chez BNP Paribas. En outre, cet ensemble est dominé par les banques anglo-saxonnes et japonaises (voir Tableau 2).
Banque de détail : une croissance sous contrôle
Alors que la plupart des banques étrangères ont fait le choix de l'implantation en greenfield, en France, la Société Générale est la seule à avoir opté pour cette stratégie. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de prendre le contrôle de la Guangdong Development
Depuis, la Société Générale n'a plus cherché à entrer au capital d'une banque domestique. Anne Marion-Bouchacourt, responsable pays pour la Chine, justifie ce choix par les spécificités du marché chinois : « La Chine est un énorme pays doté d'entreprises très sophistiquées, avec des marchés financiers encore en devenir. La façon dont vous vous organisez pour les servir n'est donc pas du tout la même ; vous n'êtes ni dans le cas de Londres ou New York, ni dans le cas de pays moins avancés. Votre organisation se doit d'être spécifique, ce qui est difficile lorsque vous possédez 20 % du capital d'une banque chinoise : vous êtes un partenaire qui amène son expertise, mais vous ne prenez pas les décisions. » À la multiplicité des implantations, la Société Générale oppose un ciblage stratégique, citant en exemple la dernière agence en date, sur les sept que compte la banque, à Harbin, dans le Nord de la Chine, près de la frontière
BNP Paribas, qui a remporté la mise dans l'entrée au capital de Bank of
La persévérance des banques françaises tranche avec le mouvement de désengagement initié par d'autres dès 2009. Goldman Sachs, HSBC, RBS, pour ne citer qu'elles, ont cédé les participations qu'elles détenaient dans de grandes banques chinoises, contraintes de trouver des fonds propres supplémentaires pour faire face à la crise financière.
Crédit : en plein boom
La dette des ménages est à un niveau encore très modeste : à 15 milliards de RMB (environ 2,5 milliards de dollars), elle représente environ un tiers du PIB de la Chine. Mais le diable se cache dans les détails : elle a triplé en 5 ans, ce qui dénote un recours croissant au crédit. Les crédits immobiliers représentent encore l'essentiel de la dette des ménages : au premier semestre 2013, ils totalisaient 34 % du stock et 40 % des nouveaux
De même, le nombre de cartes de crédit en circulation a explosé, leur nombre s'élevant, fin 2012, à 318 millions, selon la
Automobile : relever le défi de la croissance
Porté par l'émergence de la classe moyenne, le marché automobile chinois connaît une belle croissance. En 2013, il est devenu le 1er marché du monde : « Le parc a dépassé les 100 millions de véhicules ; les ventes annuelles sont de 20 millions ; dans des pays comme la France, on oscille entre 1,5 million et 2 millions de véhicules. D'ici 2020, le parc automobile pourrait atteindre les 200 millions d'unités », estime François-Valéry Lecomte, directeur financier régional pour l'Asie chez Axa. Ceci explique que les banques françaises, ainsi qu'Axa, aient pris des positions sur ce secteur. Les entités de leasing de la Société Générale et BNP Paribas y sont
Assurances : un marché émergent
Un autre marché émergent en Chine est celui de l'assurance vie et non-vie, avec un taux de
Selon une étude parue en 2013, le décollage timide de l'assurance vie est lié à une relative obsolescence du schéma de distribution et à un mauvais positionnement des
Les perspectives de développement de l'assurance vie sont bonnes, si l'on considère la seule structure démographique de la population chinoise : en 2010, 12 % des Chinois étaient âgés de plus de 60 ans. En 2050, ils représenteront plus du quart de la population, ce qui fera de la Chine le pays le plus âgé au monde, devant le Japon. Le développement de la classe moyenne et son urbanisation sont également un facteur de croissance. Enfin, conséquence de la faiblesse du système social, la Chine est aujourd'hui l'un des pays où le taux d'épargne est le plus élevé : près de 52% du PNB en
Lors du dernier plénum, le gouvernement chinois a fait part de sa volonté de développer un système social et de retraite plus performant. Selon François-Valéry Lecomte, « il y aura beaucoup d'opportunités pour les acteurs privés de l'assurance, tant sur les retraites que sur la santé, car le gouvernement désire que le secteur privé participe activement à ces secteurs d’activité ». Les professionnels tablent sur des réformes encore en devenir : un régime fiscal accommodant, de nouvelles règles pour les marchés de capitaux, qui viendraient favoriser encore davantage l'essor de l'assurance vie.
Le marché de l'assurance non-vie est dominé par trois acteurs, tous chinois, qui concentrent 66 % du marché. 75 % des primes sont collectées via des produits d'assurance
Le marché chinois est gigantesque, complexe, et encore extrêmement fermé à la concurrence étrangère. En annonçant une réforme en profondeur du système financier, appelée à être testée dans plusieurs zones pilotes, les autorités chinoises cherchent, semble-t-il, à susciter de nouveaux investissements de la part des banques étrangères. « L'urgence n'est plus de protéger ce secteur, mais au contraire de l'ouvrir à plus de concurrence, pour continuer à le moderniser, et l'inciter à mieux s'adapter à l'évolution de l'économie chinoise », analyse Laurent Couraudon. Bien que le cadre de ce changement de paradigme tarde un peu à se mettre en place, les établissements français font montre, dans leur ensemble, de beaucoup de patience et d'optimisme.