Janvier 2017 : le Comité de Bâle déçoit en ajournant sa réunion censée finaliser Bâle III, le cadre prudentiel bancaire post-crise. Décembre 2017 : avec un an de retard sur le planning, les Sages se mettent d’accord sur un texte de 160 pages. Entre les deux, des heures de tractations techniques orientées par des considérations politiques. L’objectif premier de ce nouveau cadre était de rendre la pondération des risques (RWA) au bilan des banques plus comparable d’un établissement à l’autre et de limiter sa variabilité à celle, légitime, liée à l’hétérogénéité des activités. Pour résumer les positions – en grossissant le trait –, il y avait d’un côté les États-Unis, hostiles aux modèles internes et aux marges de manœuvre laissées aux banques pour le calcul de leur capital réglementaire ; de l’autre côté l’Europe, convaincue des bienfaits d’un cadre prudentiel calqué sur les modèles d’analyse du risque utilisés au quotidien par les établissements. La loi Dodd-Frank américaine, via son amendement Collins, autorise bien la prise en compte du résultat des modèles internes dans le calcul des RWA, mais uniquement si celui-ci est plus conservateur que la méthode standard. D’où leur souhait de voir introduire dans la réglementation internationale, un système similaire. Cette position extrême, après compromis, s’est trouvée reflétée dans l’introduction d’un « output floor », un plancher limitant l’économie de fonds propres permise par l’utilisation des modèles internes. Son calibrage a été la pomme de discorde qui a compromis un accord tout au long de l’année. Au point de s’interroger sur les conséquences d’une absence d’accord : ne risquait-on pas un dumping réglementaire entre les juridictions, notamment de part et d’autre de l’Atlantique ? N’était pas un dangereux précédent alors que le multilatéralisme est déjà mis à mal sur d’autres sujets ? « Ne pas conclure Bâle III, alors que l’essentiel avait été fait dès 2010, était prendre le risque d’une dérégulation qui n’aurait été rien moins qu'un scénario perdant-perdant, avec de graves conséquences pour la stabilité du système financier mondial, et c’était préparer le terrain à la prochaine crise financière », a ainsi rappelé l’ACPR dans un communiqué à l’annonce de l’accord, le 7 décembre. Reste à le mettre en œuvre désormais, les recommandations bâloises devant être transposées en droit local. En Europe, ce sera la tâche de la révision du règlement CRR et de la directive CRD 4. Une première mouture, sortie en novembre 2016, tente de transcrire les règles déjà entérinées à Bâle, autour du risque de marché, du NSFR et du ratio de levier. Les discussions sur ces textes continuent. Il faudra par ailleurs que la Commission travaille sur la transposition des dispositions ajoutées par l’accord du 7 décembre (lire Encadré). Tout en tenant compte de ce que font les autres juridictions, notamment outre-Atlantique, où l’administration Trump a ces derniers mois, fait montre de velléités dérégulatrices. Les débats ne s’éteindront donc pas avec cet accord international par ailleurs historique.
Ils ont dit
Attention aux conséquences
« Sur le sujet du Comité de Bâle, il faut souligner que le plancher de 72,5 % aujourd’hui sur la table des négociations [et adopté depuis, ndlr] n’a pas de sens d’un point de vue méthodologique : d’un côté, nous utiliserions des modèles internes reposant sur des données historiques réelles pour analyser précisément le risque, de l’autre, nous devrions avoir recours à un output floor à taux fixe. Nous pensons que l’approche basée sur les risques, celle utilisant les modèles internes, est bien plus efficace. C’est aussi la logique qui sous-tend le travail de révision des modèles mené par le superviseur européen
Karl-Peter Schackmann-Fallis, Managing Director, DSGV (Association des Caisses d’épargne allemandes), Revue Banque n°814, décembre 2017, pp. 23-25.
Des modèles internes sous la loupe de la BCE
« Les investisseurs cherchent la clarté et la simplicité. À cet égard une approche standard de mesure des actifs pondérés par les risques (RWA), simple a priori, est néanmoins susceptible d’aboutir à des variations qui ne reflètent pas fidèlement la réalité des risques. Des modèles internes sophistiqués peuvent aussi aboutir à des différences “injustifiées” entre banques ou entre pays. Cela rend moins pertinentes les comparaisons de ratios financiers qui reposent sur les RWA, ce qui alimente le scepticisme et la défiance vis-à-vis desdits modèles. Les investisseurs attendent que la BCE s’assure que les écarts obtenus dans le calcul des RWA de deux établissements soient la traduction d’un niveau de risque différent et non pas la conséquence de différences de modélisation du risque. Le constat des insuffisances des modèles est bien établi et documenté depuis plusieurs années suite aux travaux du Comité de Bâle et de l’Autorité bancaire européenne (EBA). Nul doute que des mesures de remédiation ont déjà été prises par les banques sous l’impulsion des superviseurs. Mais le chantier entrepris par la BCE est d’une tout autre ampleur. Il vise, et c’est là l’essentiel, selon une approche standardisée et en déployant des missions d’inspection sur place, à affiner le diagnostic et à imposer si nécessaire des mesures correctives. Les investisseurs attendent que la BCE communique sur les résultats de ses investigations, sans attendre la fin de ses travaux prévue en 2019. Restaurer la confiance dans les modèles est un enjeu important. »
Alain Laurin, Associate Managing Director, Moody’s, Revue Banque n° 807, avril 2017, p. 9.
Le traitement prudentiel de la dette souveraine en question
« Un débat s’est développé autour de la nature d’actif sans risque des titres souverains à la suite de la restructuration de la dette grecque de 2011. Au niveau européen, un groupe de
Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l'économie, Direction générale du Trésor, Revue Banque n°806, mars 2017, p.48-50.