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Moyens de paiement européens

Le lancement du prélèvement se fait-il dans de bonnes conditions ?

Créé le

20.12.2010

-

Mis à jour le

03.02.2011

La Commission européenne envisage ​l’interdiction de commissions d’interchange par transaction sur le prélèvement SEPA, telles qu'elles sont pratiquées dans un certain nombre de pays européens, dont la France. Les banques françaises estiment que cette approche instaure des inégalités de traitement peu propices à un· ​développement  volontariste  du prélèvement SEPA.

Le 17 novembre dernier, la Commission européenne (DG protection des consommateurs, marché intérieur et concurrence) a organisé une audition afin de lui permettre de compléter son projet de règlement européen établissant des dates butoir pour la migration des transferts et prélèvements nationaux vers des produits européens dans le cadre du « Single Euro Payment Area » (SEPA). Les débats se sont concentrés sur le prélèvement SEPA car c’est ce moyen de paiement qui fait l’objet des plus vives polémiques actuellement à Bruxelles. La communauté bancaire française a été invitée à présenter son point de vue au cours de cette audition aux côtés d’autres communautés bancaires (allemande et britannique), de représentants du commerce (EuroCommerce) et de consommateurs (ADUMPE). La Banque Postale a prononcé une déclaration officielle au nom de l’ensemble des banques françaises (encadré).

La difficulté du prélèvement SEPA

Le prélèvement SEPA, créé par l’ensemble des banques européennes sous la houlette de l’EPC (European Payments Council), est destiné à remplacer les systèmes de prélèvement nationaux afin de permettre notamment aux grands créanciers (téléphone, énergie…) de centraliser l’ensemble de leurs transactions dans l’Union européenne sur un seul compte en procédant à l’établissement de centrales d’encaissement pour toute la zone SEPA. Toutes les banques européennes n’ayant pas un nombre égal de clients créanciers et débiteurs, la difficulté du prélèvement SEPA est donc de trouver une approche commune entre des banques ayant des priorités et intérêts différents. Sans la participation effective des banques de débiteurs, les banques de créanciers ne peuvent pas offrir de service de prélèvement et centraliser la gestion des transactions de leurs clients au niveau paneuropéen. De leur côté, les banques de débiteurs ont un intérêt commercial moins marqué à offrir le prélèvement SEPA à leurs clients car seule une infime minorité de ces clients paie des fournisseurs étrangers ou dispose de résidences secondaires dans un autre pays de l’Union et aurait ainsi un intérêt à concentrer toutes leurs transactions sur un seul compte de paiement.

À quoi servent les commissions d'interchange ?

Comme tout moyen de paiement multilatéral impliquant des milliers d’acteurs bancaires de tailles et de natures différents, le prélèvement SEPA prévoit la possibilité du versement d’une commission d’interchange par les banques de créanciers aux banques de débiteurs afin de dédommager ces dernières des frais qu’elles supportent pour recevoir et gérer les transactions de prélèvement SEPA au profit des banques de créanciers. Cette commission d’interchange ne s’applique qu’à défaut d’accords bilatéraux entre opérateurs de paiement.

Or, contre toute logique, la Commission européenne envisage l’interdiction de commissions d’interchange par transaction à compter de 2012, de sorte que les banques de débiteurs seront contraintes d’offrir un service aux banques de créanciers et ce, gratuitement !

Un dogme politique

Contraintes, les banques de débiteurs le sont en effet car elles ne sont pas libres de refuser le prélèvement SEPA. Le législateur européen leur a imposé dans le règlement 924/2009 d'être accessibles et de traiter toutes les demandes émanant des banques de créanciers. La Commission européenne est, par conséquent, en faveur d’une facturation directe des consommateurs.

Ainsi, les banques de débiteurs pourraient devoir facturer les frais liés à ce service à l’ensemble de leurs clients dont la majorité écrasante, du fait de leur résidence dans un seul pays de l’Union rappelons-le, ne sont pas demandeurs de ce nouveau service. Consciente de ce risque, la Commission compte sur les fournisseurs pour que ceux-ci offrent des rabais à leurs clients afin de les inciter à utiliser le prélèvement SEPA, sans pour autant vouloir leur imposer ces rabais ni contrôler leur réalité. Les clients changeraient ainsi de fournisseur parce qu’un concurrent offrirait un rabais sur le prélèvement. Il s’agit d’un dogme politique car un moyen de paiement n’est qu’un accessoire, les tarifs et le service étant les seuls éléments essentiels sur lesquels se fonde un client pour changer de fournisseur.

À défaut d’accepter les commissions d’interchange par transaction, la Commission songerait à autoriser des commissions d’interchange sur les transactions « R » (rejets ou retours). Ainsi, la compensation des banques de débiteurs dépendrait exclusivement des dysfonctionnements du système, alors que les transactions de rejet ne doivent (et ne seront) qu’accidentelles dans un système de paiement sophistiqué comme le prélèvement SEPA. Elles sont le plus souvent le fait de comptes non approvisionnés et le financement du prélèvement SEPA reposera donc sur la clientèle la plus fragile.

Des discriminations injustifiées

L’approche actuelle de la Commission, si elle devait être confirmée par le Parlement européen, instaure ainsi des discriminations injustifiées et des inégalités de traitement peu propices à un développement volontariste du prélèvement SEPA par les banques de débiteurs.

Les commissions d’interchange multilatérales ont prouvé leur utilité au cours des vingt dernières années. Sans elles, les systèmes de paiement européens seraient restés au stade embryonnaire, avec un nombre limité d’acteurs bancaires, de commerçants et d’utilisateurs. L’Europe n’aurait pas pu devenir le formidable creuset d’innovation qu’elle a été, tout particulièrement dans le domaine des moyens de paiement, et qu’elle devrait continuer à être. On peut souhaiter que la Commission aura à cœur de permettre que le prélèvement SEPA soit lancé sur ces mêmes bases, où chaque acteur a intérêt à participer au lancement d’un nouveau moyen de paiement paneuropéen, à la plus grande satisfaction de l’ensemble des utilisateurs et non à un petit nombre d’entre eux.

 

 

 

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº732