Dette souveraine et assurance : intérêts croisés

&Agrave; l&rsquo;instar des dispositions prudentielles dans le domaine bancaire, le nouveau r&eacute;f&eacute;rentiel europ&eacute;en de solvabilit&eacute; des assureurs (Solvabilit&eacute; 2) fait preuve, dans son pilier 1, d&rsquo;une certaine mansu&eacute;tude &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du risque souverain. Un traitement favorable en pilier 1 sous Solvabilit&eacute; 2&hellip; En effet, Solvabilit&eacute; 2 conduit &agrave; ne pas retenir d&rsquo;exigences de capitaux au titre du risque de d&eacute;faut des &Eacute;tats (cf. l&rsquo;art. 180 du r&egrave;glement d&eacute;l&eacute;gu&eacute; (UE) 2015/35 de la Commission). Ces dispositions sp&eacute;cifiques concernent en particulier les modules de risque de spread (pour les obligations souveraines) et de risque de d&eacute;faut de contrepartie. Au premier ordre, le risque de d&eacute;faut des &Eacute;tats n&rsquo;appara&icirc;t ainsi, dans le pilier 1 de Solvabilit&eacute; 2, qu&rsquo;au travers de la prime de risque demand&eacute;e par les investisseurs pour supporter le risque souverain. Celle-ci est &eacute;videmment contenue dans la valeur de march&eacute; des obligations d&rsquo;&Eacute;tats utilis&eacute;e pour d&eacute;terminer les fonds propres Solvabilit&eacute; 2 des assureurs. Elle intervient &eacute;galement dans la d&eacute;termination de la &laquo; correction pour volatilit&eacute; &raquo; ( volatility adjuster ) qui est ajout&eacute;e &agrave; la courbe des taux sans risque de base pour l&rsquo;actualisation des provisions techniques. Ces dispositions conduisent de facto &agrave; faire pencher la balance dans le sens de l&rsquo;investissement dans des titres de dette souveraine, moins co&ucirc;teux en exigences de fonds propres. &hellip;dans le prolongement des dispositions pr&eacute;existantes Ces dispositions favorables au financement public s&rsquo;inscrivent dans le prolongement de mesures qui ont particip&eacute; &agrave; l&rsquo;investissement massif des assureurs dans les obligations d&rsquo;&Eacute;tats. Parmi ces mesures, le pr&eacute;c&eacute;dent r&eacute;f&eacute;rentiel prudentiel (Solvabilit&eacute; 1) instituait des r&egrave;gles sur les placements admis en repr&eacute;sentation des engagements. En particulier, des r&egrave;gles de dispersion et de r&eacute;partition entre les classes d&rsquo;actifs (comme le plafond de 40 % pour les actifs immobiliers ou le plancher de 34 % pour les obligations et placements assimil&eacute;s) ne s&rsquo;appliquaient pas aux valeurs &eacute;mises ou garanties par l&rsquo;&Eacute;tat (cf. notamment Vilain, 1989). Par ailleurs, en mati&egrave;re d&rsquo;assurance vie, les taux que peuvent garantir &agrave; la souscription les assureurs font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la moyenne semestrielle du taux des emprunts d&rsquo;&Eacute;tats (TME). Ainsi, sur des dur&eacute;es de moins de 8 ans, le taux minimum garanti est au plus de min{3,5 % ; 75 % du TME} et, pour les contrats &agrave; prime p&eacute;riodique ou au-del&agrave; de 8 ans, de min{3,5 %, 60 % du TME} [1] . Des dispositifs similaires existent par exemple en Allemagne, o&ugrave; la r&eacute;f&eacute;rence a pendant longtemps &eacute;t&eacute; 60 % de la moyenne du Bund [2] sur 10 ans. Si aujourd&rsquo;hui, compte tenu du niveau des taux et des nouvelles exigences de Solvabilit&eacute; 2, la tendance est &agrave; ne garantir (au-del&agrave; d&rsquo;une ann&eacute;e) que le capital investi, des stocks de vieux contrats existent toujours avec des TMG &eacute;tablis en r&eacute;f&eacute;rence aux taux d&rsquo;emprunt de l&rsquo;&Eacute;tat. Ce sort li&eacute; entre la garantie de l&rsquo;assur&eacute; &agrave; la souscription et le taux d&rsquo;emprunt de l&rsquo;&Eacute;tat a &eacute;galement contribu&eacute; &agrave; l&rsquo;investissement massif des assureurs dans la dette souveraine pour couvrir ces TMG. La place des obligations d&rsquo;&Eacute;tats dans les placements des assureurs&hellip; Malgr&eacute; la baisse de leurs taux de rendement, les obligations d&rsquo;&Eacute;tats occupent toujours une place de choix dans les actifs des assureurs : &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e en vigueur de Solvabilit&eacute; 2 au 1er janvier 2016, elles occupaient plus du quart de l&rsquo;actif total (en calcul Solvabilit&eacute; 2) des assureurs fran&ccedil;ais (cf. ACPR (2016c)), l&eacute;g&egrave;rement d&eacute;pass&eacute;es par les obligations d&rsquo;entreprises. &Agrave; cela, il conviendrait d&rsquo;ajouter la part qu&rsquo;elles occupent dans les OPCVM d&eacute;tenues par les assureurs (au titre des contrats en unit&eacute; de compte ou des fonds en euro). Malgr&eacute; la relative inertie des placements li&eacute;e &agrave; la longue dur&eacute;e des engagements, en particulier en assurance vie, deux ph&eacute;nom&egrave;nes apparaissent, concomitamment &agrave; la situation de taux bas : un fl&eacute;chissement de la part des investissements en titres souverains par rapport aux obligations d&rsquo;entreprise ; une ouverture des investissements en titres souverains en dehors de l&rsquo;Hexagone : en particulier d&rsquo;autres pays de la zone euro tels que l&rsquo;Espagne ou l&rsquo;Italie qui pr&eacute;sentent des spreads plus int&eacute;ressants que celui de la dette fran&ccedil;aise, tout en b&eacute;n&eacute;ficiant des m&ecirc;mes dispositions en mati&egrave;re d&rsquo;exigences de capitaux de solvabilit&eacute;. Ce dernier point a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; int&eacute;gr&eacute; par les assureurs allemands qui disposent d&rsquo;une exposition relative aux dettes souveraines &eacute;trang&egrave;res (notamment fran&ccedil;aises et italiennes) significativement sup&eacute;rieure &agrave; ce que l&rsquo;on observe pour les assureurs fran&ccedil;ais, cherchant ainsi &agrave; am&eacute;liorer les taux de rendement de leur portefeuille pour faire face notamment aux garanties de taux &eacute;lev&eacute;s accord&eacute;es aux assur&eacute;s. &hellip;et la part des assureurs dans la dette de l&rsquo;&Eacute;tat Au troisi&egrave;me trimestre 2016, les assureurs fran&ccedil;ais d&eacute;tiennent en direct 18 % de la dette de l&rsquo;&Eacute;tat fran&ccedil;ais (cf. la lettre mensuelle de janvier 2017 de l&rsquo;Agence France Tr&eacute;sor). &Agrave; cela, il convient de rajouter la part des titres d&rsquo;OPCVM contenant cette dette qu&rsquo;ils d&eacute;tiennent. La part de l&rsquo;assurance dans le financement de la dette publique est certainement beaucoup plus importante quand on consid&egrave;re que celle-ci est d&eacute;tenue &agrave; 60 % par des non-r&eacute;sidents (pour lesquels on ne dispose pas du d&eacute;tail par type d&rsquo;investisseur). Comme le montre le rapport de l&rsquo;ESRB (2015), la part des investissements en dette souveraine des assureurs est tr&egrave;s variable en fonction des pays. Il en va de m&ecirc;me de la r&eacute;partition entre dette souveraine domestique ou &eacute;trang&egrave;re. L&rsquo;Allemagne, la France et l&rsquo;Italie repr&eacute;sentant l&rsquo;essentiel de la profondeur du march&eacute; des obligations souveraines, ils b&eacute;n&eacute;ficient ainsi des investissements des assureurs &eacute;trangers, qu&rsquo;ils appartiennent &agrave; la zone euro ou pas. Un risque et des cons&eacute;quences complexes &agrave; mod&eacute;liser Au-del&agrave; des exigences de capitaux de solvabilit&eacute;, Solvabilit&eacute; 2, dans son deuxi&egrave;me pilier, impose aux assureurs de disposer d&rsquo;un dispositif ORSA d&rsquo;&eacute;valuation propre des risques et de la solvabilit&eacute; permettant, notamment, d&rsquo;&eacute;valuer son besoin global de solvabilit&eacute;. Cet exercice conduit en particulier &agrave; int&eacute;grer des risques qui ne sont pas pris en compte dans les &eacute;valuations du pilier 1 : risque business, d&rsquo;&eacute;volution de la r&eacute;glementation ou de d&eacute;faut des &Eacute;tats. Pour nombre d&rsquo;organismes, cet exercice conduit &agrave; s&rsquo;inscrire dans l&rsquo;approche modulaire de la formule standard en int&eacute;grant de nouveaux risques et en modifiant les param&egrave;tres utilis&eacute;s pour le pilier 1. Cette approche implique d&rsquo;&eacute;valuer des charges de capitaux propres par risque individuel, puis de les agr&eacute;ger au niveau de chaque module et, enfin, au global. L&rsquo;agr&eacute;gation des risques est cens&eacute;e permettre d&rsquo;int&eacute;grer les liens de d&eacute;pendance entre les diff&eacute;rents types de risque. Si l&rsquo;&eacute;valuation stand-alone du risque de d&eacute;faut d&rsquo;un &Eacute;tat souverain r&eacute;sulte souvent du mod&egrave;le employ&eacute; pour les titres de dette d&rsquo;entreprise, on comprend que sa d&eacute;pendance avec les autres risques est extr&ecirc;mement complexe &agrave; mod&eacute;liser. Quels effets auraient sur les taux de change, la notation des entreprises, le rachat de contrats par les assur&eacute;s ou encore l&rsquo;&eacute;volution de la fiscalit&eacute; et de la r&eacute;glementation, un d&eacute;faut de la France ? Des approches par sc&eacute;nario de chocs communs peuvent permettre de mesurer l&rsquo;ampleur d&rsquo;un risque dont la pr&eacute;vention ou la couverture peut sembler inatteignable pour les assureurs. 1 Le taux fixe de 3,5 % &eacute;tait de 4,5 % jusqu&rsquo;en 1995. 2 Cela explique en partie le niveau assez &eacute;lev&eacute; des taux garantis sur les contrats allemands qui a constitu&eacute; une des motivations de la r&eacute;forme de 2014 (Th&eacute;rond, 2016).

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