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Une page s’est tournée pour l’Europe financière

Créé le

09.11.2023

-

Mis à jour le

19.02.2024

Les secteurs bancaire et financier ont su s’adapter à la situation engendrée par le Brexit. Les instances européennes travaillent aujourd’hui en vue d’intégrer ce processus aux projets de long terme, comme l’Union bancaire et l’Union des marché de capitaux.

Le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) a eu un impact profond sur l’intégration économique et financière de part et d’autre de la Manche. Ce départ a rendu les activités commerciales transfrontalières plus coûteuses et compliquées. Heureusement, grâce à un effort de communication important tant au niveau de l’UE que des États membres, les prestataires européens de services financiers étaient dans l’ensemble bien préparés aux changements inévitables au 1er janvier 2021, lorsque la période de transition pour le Royaume-Uni a pris fin et l’accord de commerce et de coopération (TCA) entre l’UE et le Royaume-Uni est entré en vigueur à titre provisoire. La fin de cette période de transition a notamment signifié la fin de la validité des « passeports » du marché unique qui jusque-là permettaient aux prestataires de services financiers, par exemple des banques, établis au Royaume-Uni, de fournir des services transfrontaliers dans l’ensemble du marché unique sans qu’une autorisation distincte soit nécessaire dans chaque État membre.1

Si le TCA établit une base solide pour les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni, comme c’est l’usage pour les accords de libre-échange de l’UE, il ne couvre pas les services financiers de manière substantielle. La déclaration commune sur les services financiers adoptée parallèlement au TCA comprend cependant des dispositions pour l’établissement d’un protocole d’accord sur la coopération en matière de réglementation des services financiers entre l’UE et le Royaume-Uni.

Après l’accord de Windsor de février 2023, le protocole d’accord sur les services financiers a été signé le 27 juin 2023. Il prévoit la création d’un forum semestriel sur la réglementation financière entre l’UE et le Royaume-Uni. Nous espérons désormais entretenir avec ce dernier une relation de coopération suivie et mutuellement bénéfique en matière de services financiers, à l’image de celles que nous entretenons avec d’autres pays tiers dotés de centres financiers importants tels que les États-Unis.

Des questions d’intérêt commun

Même si le forum réglementaire n’est pas un lieu d’élaboration de politiques conjointes, il offrira aux deux parties une plateforme utile pour se tenir informées des dernières évolutions en la matière. Même si les deux parties élaborent leurs propres réglementations, nous sommes confrontés à de nombreux défis similaires dans le contexte géopolitique actuel en évolution rapide. Les deux parties peuvent donc tirer bénéfice d’une coopération sur des questions d’intérêt commun.

Cela fait maintenant plus de sept ans que le Royaume-Uni a choisi de quitter l’UE. Cette dernière s’est adaptée avec succès au défi du Brexit. Nos places financières ont réagi positivement pour aider les entreprises à s’adapter à la nouvelle réalité. Nous sommes aujourd’hui face à de nouveaux et importants défis mondiaux – défis qui sont des priorités non seulement pour le secteur financier de l’UE, mais aussi pour l’UE dans son ensemble –, allant de la guerre d’agression illégale de la Russie contre l’Ukraine, au changement climatique et à la perte de biodiversité, en passant par la transformation numérique et l’élargissement à l’Est de l’Europe. Une action énergique est requise de la part de toutes les parties prenantes, et notamment de nos centres financiers, alors que nous cherchons à répondre à ces priorités, y compris en matière de coopération dans le domaine des sanctions et de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’impact du Brexit a constitué un défi pour le secteur des services financiers mais il a également créé des opportunités en Europe. Londres restera probablement une place financière d’importance, mais les intermédiaires ont adapté leurs modèles économiques. Des centres financiers de l’UE ont déjà tiré parti de cette situation, en mettant l’accent sur leurs atouts respectifs pour attirer non seulement des délocalisations d’entreprises depuis Londres, mais aussi de nouvelles entreprises. Dans la pratique, nous avons constaté, entre autres, une concentration des sites bancaires à Francfort, de la gestion d’actifs à Dublin, des infrastructures de marché à Amsterdam et d’un large éventail d’activités financières à Paris. L’Autorité bancaire européenne, auparavant située à Londres, a été transférée à Paris.

Les centres financiers de l’UE peuvent, d’une part, s’appuyer sur les règles solides du marché unique pour coopérer étroitement dans un intérêt mutuel et, d’autre part, se livrer une concurrence loyale sur un pied d’égalité. Une telle concurrence peut être bénéfique pour tout le secteur financier, en permettant aux prestataires de services financiers d’évaluer et de choisir l’écosystème local qui répond le mieux à leurs besoins spécifiques, tout en bénéficiant d’un accès et de perspectives commerciales dans l’ensemble du marché unique. Une telle approche soutient l’approfondissement et la poursuite de l’intégration des marchés de capitaux de l’UE et complète son autonomie stratégique, renforçant son engagement en faveur de l’ouverture, de la solidité et de la résilience de son système économique et financier.

Les banques, un exemple d’adaptation

Les banques ont pris les mesures nécessaires pour s’adapter à la réalité créée par le Brexit. Avec une variété de modèles et d’approches économiques, notamment en termes de choix du siège et de structure des groupes, celles qui opéraient depuis Londres dans l’ensemble de l’UE ont réorganisé leur présence, en établissant des filiales, transférant des capitaux et recrutant ou déplaçant du personnel dans l’UE. Les clients européens sont désormais largement servis par les entités européennes.

La Banque Centrale Européenne a accompagné le processus, en fournissant des conseils et en analysant en détail, avec son desk mapping review, la configuration opérationnelle des groupes bancaires internationaux. Compte tenu de l’importance du processus, certains transferts sont toujours en cours. Cette évolution a pu parfois représenter un défi en matière de supervision et les autorités de surveillance de l’UE continueront à suivre ce processus de près.

Dans le domaine financier, la Commission européenne s’est attachée à proposer une législation ambitieuse, nécessaire à la stabilité financière, à l’intégrité des marchés et au renforcement de la compétitivité de l’économie de l’UE. Elle a déjà présenté la quasi-totalité des propositions législatives financières prévues dans son mandat actuel. Alors que nous nous préparons à aborder le nouveau cycle institutionnel après les élections au Parlement européen de juin 2024, nous devons répondre aux défis mondiaux en continuant à construire un système financier européen encore plus compétitif et axé sur la croissance, capable de soutenir le financement des besoins considérables en investissements verts, dans le numérique et les infrastructures au cours de la décennie à venir. Comme l’a annoncé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans son discours annuel sur l’état de l’Union en septembre 2023, un contrôle de la compétitivité sera effectué par un comité indépendant pour chaque nouvel acte législatif. L’UE continuera également d’adapter ses règles pour répondre aux besoins en constante évolution du secteur financier et garantir un système financier encore plus résilient. Les centres financiers dynamiques et innovants de l’UE sont à l’avant-garde de ce changement, stimulant l’innovation et répondant aux besoins de notre économie.

L’union des marchés de capitaux constitue un projet clé à long terme. Son développement est essentiel pour mobiliser les investissements afin de faciliter la transition verte et numérique, ainsi que pour soutenir un secteur financier européen attractif et inclusif, et pour encourager les consommateurs à investir de manière productive pour leurs projets de vie et leur retraite. Il existe une forte dynamique, au plus haut niveau politique, en faveur du développement de l’union des marchés de capitaux. Le soutien des États membres à cet effort, par exemple avec la feuille de route franco-allemande de septembre 2023, est essentiel.

Des centres financiers en expansion

Depuis l’adoption du dernier plan d’action de 2020, la Commission européenne a travaillé sans relâche à sa mise en œuvre, en présentant plusieurs propositions législatives ambitieuses, notamment dans des domaines tels que la législation en matière de compensation et d’insolvabilité. D’ici à la fin du mandat actuel, et malgré les défis en matière d’intégration des marchés causés par la pandémie de Covid-19, le développement et l’intégration des marchés de l’UE se seront améliorés.

Toutefois, l’ambition doit rester élevée, alors que nous cherchons à continuer de renforcer la compétitivité du secteur financier de l’UE et de ses centres financiers. La compensation est un domaine important dans ce contexte. L’UE a maintenu un système d’équivalence temporaire pour les contreparties centrales au Royaume-Uni, ce qui signifie que les institutions financières de l’UE peuvent continuer à accéder aux services de compensation au Royaume-Uni, de la même manière qu’avant le Brexit. Bien que cet arrangement temporaire soit nécessaire du point de vue de la stabilité financière et pour éviter des perturbations, il est primordial de continuer à accroître la capacité de compensation dans l’UE.

L’union bancaire est aussi une priorité majeure de la Commission européenne. Les banques de l’UE sont aujourd’hui beaucoup plus robustes qu’auparavant, notamment grâce aux importantes réformes législatives menées à la suite de la crise financière mondiale. Cette résilience des banques de l’UE a été remarquable lors des problèmes rencontrés dans les secteurs bancaires américain et suisse en mars de cette année.

La double transition écologique et numérique reste également au premier rang des priorités, parmi lesquelles la lutte contre le changement climatique est essentielle. Au moment de la transition vers un avenir durable, le système financier – y compris les centres financiers de l’UE – doit jouer son rôle. En ce qui concerne la transformation numérique, la Commission européenne continue de suivre le rythme d’un monde de plus en plus numérique et l’UE est l’une des premières places financières mondiales à avoir réglementé les marchés d’actifs cryptographiques et mis en place un cadre réglementaire en matière de résilience numérique opérationnelle.

Même si le Brexit a entraîné des changements fondamentaux, le secteur des services financiers de l’UE semble avoir largement tourné la page. L’environnement mondial évolue rapidement et il se révèle difficile. Il est crucial que l’UE reste compétitive, que nous soutenions la croissance économique et favorisions l’innovation. Les priorités politiques ont changé pour répondre à ces défis politiques et économiques. La Commission européenne a pris des mesures énergiques pour soutenir une Europe compétitive, garantissant une meilleure intégration et coopération financières, un meilleur fonctionnement du marché unique et une plus grande unité économique. Les centres financiers récoltent les fruits d’une réglementation forte et dynamique à l’échelle de l’UE, tirant parti d’une coopération mutuelle tout en rivalisant dans des conditions de concurrence globalement égales. Le développement continu des centres financiers au sein de l’UE, fondés sur des marchés financiers européens efficaces, compétitifs et bien réglementés, favorise une Europe compétitive et innovante.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº886bis
Notes :
1 En théorie, il en va de même pour les prestataires de l’UE qui fournissent des services financiers au Royaume-Uni à partir d’une société établie dans l’UE, par exemple en Belgique. Dans la pratique, de nombreuses activités de ce type ont pu se poursuivre au-delà du 1er janvier 2021, étant donné que le Royaume-Uni a instauré des régimes temporaires en ce sens pour de nombreux prestataires de services financiers de l’UE.
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