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Le point de vue des ONG

« La priorité reste pour nous la baisse des financements des énergies fossiles »

Créé le

16.10.2015

-

Mis à jour le

30.10.2015

Des banques sont sorties du financement de gros projets dans le charbon cette année, et certaines cessent de financer ce secteur. Les ONG demandent l’exclusion de tous les secteurs intensifs en carbone en parallèle aux efforts de financement des énergies renouvelables.

La CoP21 est-elle l’occasion pour les banques françaises de faire des annonces en matière de transition énergétique, concernant notamment le secteur du charbon ?

La CoP21 fait en effet un peu bouger les choses. Des banques ont fait ou préparent des annonces, et nous dresserons un bilan à la fin de la conférence de Paris.

Suite à notre intervention lors de leur Assemblée générale, Natixis a par exemple annoncé une nouvelle politique dans le financement des mines de charbon au sommet des montagnes des Appalaches aux États-Unis, politique que nous sommes en train d’analyser. Ces dernières années, les autres grandes banques françaises s’étaient déjà retirées des « principaux » producteurs de charbon dans ces mines. De même, en mars 2015, BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole se sont engagées à ne pas financer les mines du bassin de Galilée en Australie, la plus grande zone de charbon au monde.

Concernant le secteur du charbon, le Crédit Agricole en particulier a fait plusieurs annonces cette année. Il a été la première banque à avoir annoncé, en mai, la fin des financements de projets de mines de charbon. La seconde bonne nouvelle est l’arrêt des financements des entreprises qui ont une majorité de leur activité dans le secteur des mines, et là aussi, le Crédit Agricole est le premier à l’avoir fait. C’est intéressant, car cela ne concerne pas seulement les financements de projets, qui représentent en général entre 1 et 5 % des activités d’une banque, mais aussi les financements de prêts généraux à des entreprises, et les émissions d’actions et d’obligations. C’est donc une démarche de black listing, comme il en existe en gestion d’actifs. Enfin, le Crédit Agricole a mis fin en septembre aux financements de projets de centrales électriques au charbon, mais uniquement dans les pays à hauts revenus, où se trouvent 12 % de ces projets de centrales. Cela leur permet d’exclure le financement du projet charbon de Plomin C en Croatie.

Il a depuis été rejoint et dépassé par Natixis, qui a annoncé le 15 octobre la fin de tous les financements de projets charbon et des entreprises spécialisées dans ce secteur, incluant, en plus des mines, les centrales à charbon.

Pouvez-vous revenir sur la genèse des politiques sectorielles mises en place par les banques, à la demande des ONG ?

Nous menons des campagnes selon deux logiques : le retrait de projets controversés et la mise en place de politiques sectorielles. La première campagne en France a été lancée par Les Amis de la Terre il y a dix ans, en décembre 2005. Les ONG ont alors commencé à parler des impacts indirects avec les banques qui voulaient bien le faire. Au départ, certaines banques nous ignoraient, mais aujourd’hui nous pouvons discuter avec elles. Nous menons des campagnes pour demander l’exclusion des secteurs à risque pour l’énergie et le climat que sont les énergies fossiles, les grands barrages, le nucléaire, les agrocarburants…

Les banques françaises ne sont pas les premières à s’être doté de politiques sectorielles, elles ont été précédées par des banques anglo-saxonnes, mais BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole, qui ont commencé à en publier en 2010-2012, rendent leurs positions publiques, et publient des politiques parmi les plus fournies et les plus détaillées. Malheureusement, ces politiques restent éloignées de nos demandes de fond.

Que demandez-vous aux banques ?

Nous demandons l’exclusion à terme de tous les financements de ces secteurs favorisant les changements climatiques, en premier lieu le charbon, l’énergie fossile la plus émettrice de CO2, puis le pétrole, le gaz, le nucléaire, les agrocarburants… Nous demandons la transition énergétique : la réduction du financement des énergies fossiles, et la transition vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Jugez-vous que les banques françaises font des efforts croissants en termes de financement des énergies renouvelables ?

Oui, certainement. De plus en plus de banques prennent de plus en plus d’engagements dans ces secteurs, pour des montants de plus en plus importants. Cela se fait naturellement, car il y a de plus en plus de projets d’énergies renouvelables à financer, de plus en plus de transactions dans ce domaine. Mais la priorité reste pour nous la baisse des financements des énergies fossiles.

Quelles campagnes menez-vous à l’approche de la CoP21 et quelle sera votre action lors de la conférence ?

Nous nous sommes appuyés sur la dynamique des annonces concernant le secteur du charbon pour lancer, cet été, la campagne du Paris Pledge, un appel déjà signé par près de 150 ONG et 8 000 personnes (mi-octobre), pour faire pression sur les banques et leur demander de se retirer du charbon. Nous leur demandons de proposer un plan de fin progressive de leurs financements dans ce secteur. Crédit Agricole, Bank of America, Citi et Natixis ont fait des annonces, et on espère qu’il y en aura d’autres, particulièrement de BNP Paribas, sponsor officiel de la CoP21.

Au moment de la conférence, nous ferons le bilan de cette campagne du Paris Pledge, des banques qui seront signataires ou auront annoncé de nouveaux engagements.

Nous craignons qu’elles ne se limitent à la thématique de promesses de développement des énergies vertes et se positionnent peu sur la réduction des énergies fossiles. Or, si l’on continue à faire croître le financement des énergies fossiles, développer les énergies vertes sera inutile, car la transition énergétique consiste à basculer du fossile vers le renouvelable.

Les banques communiquent depuis des années sur leur impact carbone direct et commencent à envisager la mesure et la réduction de leur empreinte carbone indirecte…

L’impact direct n’est pas un sujet pour nous, car les impacts indirects, induits par le cœur d’activité des banques, les activités de financement et d’investissement, sont beaucoup plus importants, avec un écart au moins de l’ordre de 1 à 100. Seul le Crédit Agricole a publié les émissions de ses activités de BFI, ce qui est un début. De plus, la nécessité de calculer les émissions induites est désormais acquise, et la loi sur la transition énergétique va faire bouger les choses.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº789