Square

Titriser n’est pas jouer

Créé le

20.10.2010

La titrisation est au banc des principaux accusés de la crise. Le dernier acte en cours est l’investigation lancée par la SEC contre Goldman Sachs, qui lui reproche une utilisation dévoyée de la titrisation. Pour autant, si les pratiques sont montrées du doigt, la technique reste un indispensable instrument de financement de l’économie. Le consensus sur ce point est tout aussi large. Il s’agit donc de relancer la titrisation en lui rendant le processus vertueux qui était le sien lors de son apparition dans les années 1970 aux États-Unis.
Cela passe par différentes mesures, notamment réglementaires : redéfinition des critères des actifs à titriser, taux de rétention sur les titres émis, labels de qualité, revue des méthodologies des agences de notation… Mais il faudra aussi modifier les comportements, ceux des banques et des émetteurs bien sûr, mais aussi des investisseurs qui ne doivent plus acheter des produits qu’ils ne comprennent pas.
Le dossier (pp. 22 à 38) présente les points de vue de l’ensemble des acteurs de la chaîne de la titrisation : banquier, investisseur, agence de notation.
En matière de titrisation, de dérivés et dans bien d’autres domaines financiers, il faut plus de transparence : c’est une des conclusions de la crise récente, pour mieux comprendre, mieux maîtriser… Pourtant Hervé Alexandre, Université Paris-Dauphine, s’interroge (p. 45) : Lehman Brothers, dans son rapport annuel 2007, allait déjà jusqu’à détailler les hypothèses sous-jacentes au modèle Black & Scholes employé pour évaluer ses options… Et l’universitaire de mettre en garde : « La transparence n’est définie que très partiellement au regard de la quantité d’information, mais plutôt par rapport à la qualité et la capacité des utilisateurs à s’approprier cette information ». Une conclusion que ne démentiront pas Aymen Ajina et Danielle Sougne (HEC Business School Université de Liège) dont les travaux montrent que la qualité de l’information financière sur un titre détermine la transparence de son marché et partant, influe sur sa liquidité (p. 2).
Il est souvent difficile de faire voter une réglementation. Mais cette étape, loin d’être un aboutissement, n’est que le début d’une phase encore plus acrobatique : sa mise en œuvre. Deux exemples récents en donnent la démonstration. Ainsi la Directive sur les services de paiements et son ordonnance de transposition en juillet 2009 introduisent le nouveau statut d’établissement de paiement ; Éric Thiercelin (Simtec, IFCV) explique les paradoxes issus du texte sur le fonctionnement des comptes dans ces entités nouvelles (p. 47) ; de même, Philippe Castelnau (Telecom École de management) analyse (p. 51) les difficultés d’organisation suscitées par la 3e Directive antiblanchiment transposée en janvier 2009, concentrées dans la fonction nouvelle d’analyste KYC (Know your client).
Les pays émergents où la bancarisation classique s’avère difficile, voire impossible, vont-ils devenir le laboratoire d’innovations de la banque ? Les exemples y foisonnent d’une utilisation parfois inattendue mais astucieuse des moyens technologiques disponibles, au premier rang desquels figure le téléphone portable. Stéphanie Chaptal, responsable du Cahier Techno (p. 39), précise que sur les 6,8 milliards d’habitants sur terre, 4 milliards ont un téléphone portable, mais seul 1 milliard est bancarisé. Et elle cite, entre autres, l’exemple des Ougandais qui « achètent une carte de communication prépayée et, au lieu de l’utiliser sur leur téléphone, transfèrent le crédit sur une autre ligne, et le destinataire peut alors se faire rembourser son crédit temps en cash dans n’importe quelle boutique ». Mais cette appropriation inédite des moyens de financement redéfinit aussi le rôle des banques.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº724