Il faut faire état de l’instruction ACPR n° 2016-I-22 du 3 octobre 2016 modifiant l’instruction n° 2012-I-04 du 28 juin 2012 relative aux informations sur le dispositif de prévention du blanchiment de capitaux et du financement des activités terroristes, car elle est d’une grande importance pratique pour les établissements parabancaires implantant une succursale sur le territoire français.
1. Personnes placées sous la surveillance de l’ACPR. Soit, d’abord, l’article L. 612-2, III du CMF, qui nous dit que l’ACPR « est chargée de veiller au respect par les personnes mentionnées aux I et II exerçant en France en libre prestation de service ou libre établissement des dispositions qui leur sont applicables, en tenant compte de la surveillance exercée par les autorités compétentes de l'État membre où elles ont leur siège social qui sont seules chargées notamment de l'examen de leur situation financière, conditions d'exploitation, solvabilité, liquidité […] ». C’est en prenant appui sur cette disposition que l’instruction modifiée du 28 juin 2012 énonce que sont dénommés « établissements assujettis », notamment, les personnes mentionnées au III de l’article L. 612-2 exerçant en France en libre établissement, mais à l’exception des « établissements mentionnés à l’article L. 561-3, VI du Code monétaire et financier qui ne disposent pas d’une succursale » (art. 1er, 6).
2. Libre établissement par voie d’agents ou de distributeurs. Ne sont donc pas assujettis à la présente instruction les établissements de paiement ou de monnaie électronique ayant recours, pour exercer leur activité sur le territoire national, aux services d’un ou plusieurs agents ou distributeurs. Car l’on sait, en effet, que l’article L. 561-3, VI du CMF soumet spécialement lesdits établissements aux obligations de vigilance et de déclaration de notre Code, qui seront exercées par l’intermédiaire d’un représentant permanent désigné à cet effet. De sorte que ces établissements européens ne relèvent pas de l’instruction de 2012, mais d’une autre : l’instruction ACP n° 2013-I-08 du 24 juin 2013 relative aux informations à remettre en application du VI de l’article L. 561-3 et du III de l’article D. 561-3-1 du CMF.
Mais de dispositions propres aux établissements européens opérant via une succursale implantée sur le territoire français, il n’y en a point dans le Code, sauf erreur.
3. Obligations de reporting des succursales d’établissements européens. Voici la nouveauté apportée par l’instruction du 3 octobre 2016 : « Par exception à l’article 1, les succursales d’établissements de paiement et d’établissements de monnaie électronique ayant leur siège social dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen remettent au Secrétariat général de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, les seuls tableaux B1, B2, B3, B4, B5, B6, B8, B9 et B10 » (Instr. 28 juin 2012, art. 5, II, al. 1er, nouveau). Si nous comptons bien, lesdites succursales ne seront dispensées que du tableau 7 (Approche groupe) et devront donc remettre à l’ACPR, au plus tard le 28 février de chaque année (informations arrêtées au 31 décembre et devant être conservée pendant une durée de cinq ans à compter de leur transmission), les neuf autres tableaux auxquels sont tenus tous les établissements assujettis : B1 (Identité du responsable du dispositif de LCB-FT et du (des) déclarant(s) et correspondant(s) Tracfin), B2 (Organisation du dispositif de LCB-FT), B3 (Contrôle interne), B4 (Obligations de vigilance à l’égard de la clientèle), B5 (Obligations déclaratives), B6 (Dispositif et outils de gel des avoirs), B8 (Données statistiques), B9 (Questionnaires sectoriels) et B10 (Commentaires).
Ce n’est évidemment pas rien [1], d’autant que nos succursales doivent encore à l’ACPR (manifestement encore avant le 28 février), un rapport relatif aux conditions dans lesquelles le contrôle interne est assuré en matière de LCB-FT, établi en application des articles 258, 259 et 272 [2] de l’arrêté du 3 novembre 2014, accompagné d’une description détaillée de leur activité incluant :¶
Ainsi donc, les succursales françaises d’établissements de paiement ou de monnaie électronique européens se voient-elles imposer un reporting (presque) aussi complet que les assujettis nationaux. Tout cela est très bien, n’est peut-être pas nouveau, sauf que se découvre avec peut-être davantage d’acuité ceci : derrière les informations qu’elles doivent à l’ACPR, pèsent sur les succursales des obligations positives exigées de l’État d’accueil que nous ne voyons pas inscrites dans le CMF (ne serait-ce que la nomination d’un déclarant et d’un correspondant Tracfin), comme cela l’a été dans les articles L. 561-3, VI et D. 561-3-1 concernant les agents de services de paiement et distributeurs de monnaie électronique.
Achevé de rédiger le 4 novembre 2016.
[1]
[2]