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Réglementation

« Le nettoyage des bilans des banques françaises est achevé »

Créé le

05.09.2017

-

Mis à jour le

02.10.2017

Pourquoi Moody’s maintient-il une perspective stable au système bancaire français alors que les banques françaises demeurent confrontées à de nombreux défis ?

La perspective stable signifie que les notations des banques françaises ne devraient pas bouger dans les 12-18 mois à venir, ce qui n’exclut pas des changements ponctuels si nécessaire. Ce diagnostic s’inscrit dans un contexte macroéconomique plutôt favorable en France, porté par la perspective de réformes structurelles, avec un coût du risque toujours très faible pour les banques et une rentabilité préservée en dépit d’un contexte de taux défavorable. Enfin, les fonds propres des banques sont à des niveaux satisfaisants et devraient continuer à croître sous la pression des régulateurs tandis que les conditions de financement se sont assainies, la dépendance aux financements de marché ayant été réduite au cours des dernières années.

Comment expliquez-vous que le coût du risque des banques françaises soit aussi bas ? Que constatez-vous ailleurs en Europe ?

Le coût du risque est à un niveau historiquement très bas qui devrait se stabiliser autour du niveau actuel de 0,3 % des crédits. Le nettoyage des bilans des banques françaises est achevé et les conditions économiques sont désormais favorables, ce qui n’exclut pas ici ou là des poches de risques. Cette situation prévaut également dans d’autres systèmes bancaires. Certaines banques belges et néerlandaises ont récemment annoncé des résultats qui ne sont pas affectés par un coût du risque mais au contraire bénéficient de reprises nettes de provisions. Cela traduit une amélioration de la qualité des risques et souvent un excès de provisionnement passé ; cette situation est naturellement transitoire. On constate en Europe une grande diversité entre banques et entre pays. Par exemple, en Italie, le nettoyage des bilans n’est pas achevé.

Quel est votre pronostic sur l’évolution des coûts des banques françaises ?

Dans un contexte de forte pression sur les revenus, contenir les coûts d’exploitation est une nécessité d’autant plus difficile à réaliser que les banques doivent intensifier leurs efforts d’adaptation au monde digital. Cet effort est onéreux et nous pensons donc que les frais généraux des banques françaises ne vont pas baisser dans un proche avenir. Les bénéfices des actions de transformation ne porteront leurs fruits que très lentement. Le ratio frais généraux sur revenus (69 % à fin 2016) demeurera élevé dans les années à venir et, en tout état de cause, supérieur au niveau de celui de nombreux pairs européens. L’amélioration de ce ratio dépendra, en grande partie, de la capacité des banques françaises à augmenter leurs revenus. À cet égard, la diversification de leurs activités est un atout important. La France est l’un des rares pays européens où la marge nette d’intérêts des établissements représente moins de la moitié du total des revenus.

Moody’s octroie un cran de soutien gouvernemental dans les notations des grandes banques françaises : cela signifie-t-il que, comme en Italie, vous pensez que le gouvernement français pourrait, en cas de besoin, s’affranchir des règles de la BRRD ?

Il est exact que nous considérons que les États ne resteront pas indifférents au sort des créditeurs des banques (déposants ou investisseurs) en cas de grave difficulté, en particulier lorsque celles-ci présentent un caractère systémique. Cette opinion justifie un cran de soutien gouvernemental dans la notation des dépôts et des dettes senior de la plupart des banques françaises. En revanche, il est inexact de dire qu’un soutien public est prohibé par la BRRD et, ce faisant, qu’un État soutenant financièrement une banque en difficulté enfreindrait les règles européennes. La BRRD encadre les conditions d’intervention mais n’interdit pas un soutien public. Néanmoins, s’agissant des décisions prises récemment par le gouvernement italien avec l’aval des autorités européennes, nous considérons que l’esprit voire les règles de la BRRD n’ont pas été totalement respectés, tout en reconnaissant qu’il était prématuré d’en tirer des conclusions sur la crédibilité et l’efficacité du dispositif de résolution.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº812