Depuis la crise financière de 2008, il existe toute une littérature comparant la situation des surendettés (États ou individus) à de l’esclavage pour dette : ainsi, la dette ne serait pas d’abord une affaire comptable, une relation économique, mais un rapport politique d’assujettissement et d’asservissement. Elle deviendrait infinie, inexpiable, impayable, et servirait à discipliner les populations, à imposer des réformes structurelles, à justifier des tours de vis autoritaires, voire à suspendre la démocratie au profit de « gouvernements techniques » subordonnés aux intérêts du
L’esclavage, ce fléau de l’humanité, semble avoir existé dans toutes les sociétés humaines. Rançon des vainqueurs suite à un conflit, les vaincus, leurs femmes, enfants, biens et domesticité deviennent alors propriété de leurs ennemis. Ici, l’homme est une prise de guerre, un butin. Une autre forme d’esclavage apparaît un peu plus tard dans l’histoire de l’humanité : la traite, c’est-à-dire l’achat d’un homme, d’une famille, d’un village ou d’une tribu. Ici, l’homme est considéré comme une marchandise. Mais il existe une autre forme d’esclavage, la servitude pour
L’esclavage pour dette semble avoir existé dans la plupart des civilisations. On sait que Solon, au VIe siècle avant JC, le prohiba à Athènes. L’esclave pour dette est aussi mentionné dans la Bible (Deutéronome, 15, 12-17). L’esclavage pour dette disparaît en Occident au Moyen Âge, même si celui-ci connaît le « servage » – situation quasi similaire à l’esclave à la différence près que juridiquement le serf n’est pas une chose, un bien meuble, mais une personne tenue de fournir à une autre personne un travail et sans pouvoir changer de condition – mais celui-ci n’est pas applicable en cas de non-remboursement de dette.
Schématiquement, on peut distinguer trois formes d’asservissement pour dette : l’esclavage proprement dit ; la mise en gage ; le travail pour
L’esclave est l’homme privé de sa liberté fondamentale qui est celle de disposer de son corps, de ses mouvements, et de ses biens, et donc privé de droits. La « mise en gage » consiste pour sa part à placer quelqu'un auprès d'un créancier en garantie d'une dette (ou comme sécurité d'un emprunt). Le « gagé » (quelquefois appelé « otage ») est au service du créancier et lui doit tout son temps de travail ou presque. Si la dette n’est pas remboursée, le gagé devient alors esclave. Quant au travail pour dette, il ne s’agit pas à proprement parler d’un asservissement, mais d’un travail rendu obligatoire pour rembourser une dette qui n’a pas été honorée. Le travailleur est ici le débiteur. Contrairement à la mise en gage, le travail a une valeur, car il permet de rembourser la dette. C’est la situation du consommateur qui « fait la plonge » pour payer son repas, ou encore, de façon plus dramatique, de l’émigré en situation illégale qui paye son employeur des « frais » de son passage.
De la Convention des Nations Unies au « debt bondage »
Aujourd’hui, l’esclavage pour dette et, d’une manière générale, toute forme d’esclavage et d’asservissement sont interdits par la Convention des Nations Unies du 25 septembre 1926, complétée en
Ainsi, pour en revenir au cas des pays endettés, ou des personnes surendettées, parler d’esclavage constitue un abus de langage. Les citoyens grecs, ou les personnes surendettées, ne sont pas juridiquement des esclaves : ils restent propriétaires de leurs biens, de leurs corps et disposent des mêmes droits que tout autre
Il existe, hélas, de nombreux cas servitude pour dette dans le monde moderne, comme les immigrants qui s’endettent pour financer leur entrée clandestine dans certains pays et qui, une fois sur place, sont obligés de travailler (ce que les Anglo-Américains appellent le « debt bondage »), généralement dans des conditions illégales, pour rembourser le passeur. Mais assimiler juridiquement la situation des Grecs ou des surendettés à de l’esclavage ou de l’asservissement est techniquement inexact. Il n’en reste pas moins que la question de la souveraineté et de la démocratie constitue un vrai sujet pour la Grèce. Il serait plus exact de considérer que la Grèce a perdu une partie de sa souveraineté, plutôt que d’utiliser des mots aussi forts qu’esclavage ou servitude.