À trois reprises, Washington a laissé passer des occasions de casser le privilège commercial inacceptable dont s'est doté Pékin (un coût salarial ouvrier horaire en dollar en Chine qui, en 2004, était 80 fois inférieur à celui des États-Unis et environ 30 fois inférieur en 2012) :
- fin 1999 : Clinton donne son feu vert à l'entrée de la Chine à l'OMC, tout en validant le dispositif de contrôle des changes qui permet à Pékin de verrouiller le cours du yuan à un niveau très agressif ;
- novembre 2008 : les grands pays initient le G20. La Chine subordonne sa participation à la validation de sa politique de change unilatérale. Washington s'incline ;
- octobre 2012 : à l'approche du scrutin présidentiel, le candidat Romney puis le président sortant Obama sont tour à tour désavoués par les grands médias américains pour avoir tenté d'inscrire dans leurs programmes une confrontation douanière avec Pékin.
Mais, dès lors qu'il renonce, Washington s'abonne à un énorme déficit manufacturier et à son impact très fortement récessif et il recourt inévitablement à un laxisme économique prononcé : des déficits budgétaires énormes, une dette publique de 17 trillions de dollars et un recours massif à la planche à billets de la Fed (1 trillion de dollars en 2013). En dépit de tout cela, la croissance moyenne du PIB se limite à 2,25 % par an depuis juin 2009.
La renonciation à l'arme douanière conduit donc à une impasse et introduit par ailleurs deux risques lourds :
- un risque d'implosion politique : dès lors que la riposte douanière à l'égard de Pékin se trouve écartée du débat, les dirigeants politiques se divisent, parce qu'ils font face à un dilemme qui est sans issue positive : soit privilégier la croissance à court terme, mais en hypothéquant l'évolution à moyen terme, soit préserver l'économie à moyen terme, mais en prenant le risque d'une récession à court terme ;
- un risque d'affaissement géopolitique : appuyée sur la Russie, la Chine exploite le laxisme de Washington et les crises budgétaires répétées pour disqualifier le dollar. Si Pékin enclenche la marche du yuan à la convertibilité, c'est parce que la substitution du yuan au dollar comme monnaie du monde lui paraît désormais accessible. Or la suprématie monétaire induit assez vite la suprématie militaire.