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Chronique : Garanties

Cautionnement – Mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. 1°) Caution illettrée. Exigence d’un acte authentique. 2°) Loi de police (non)

Créé le

19.07.2016

Cass. 1re civ. 9 juillet 2015, F-P+B (n° 14-21.763), X c/ Banque populaire Côte d’Azur

Cass, 1re civ., 16 septembre 2015, FS-P+B+I (n° 14-210.373), Banca di credito cooperativo Valle Serian c/ X


La personne physique, qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique en qualité de caution envers un créancier professionnel (1re esp.).
Il incombe au juge français, saisi d’une demande d’application d’un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l’aide des parties, et de l’appliquer (2e esp.).
Selon l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, en l’absence de choix par les parties, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; est présumé présenter de tels liens celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ; cette présomption est écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays. Pour déclarer la loi française applicable au contrat de cautionnement souscrit par une personne résidant en France en garantie d’un prêt consenti par une banque italienne à un résident italien, l’arrêt d’une cour d’appel retient que le cautionnement est un contrat autonome et que c’est bien avec la France que le contrat litigieux présentait les liens les plus étroits, dès lors que la caution y résidait lors de sa conclusion et que la prestation était susceptible d’y être exécutée en cas de défaillance du débiteur principal. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le contrat de cautionnement litigieux, rédigé en italien, avait été conclu en Italie, que le prêteur avait son siège dans ce pays, que l’emprunteur y avait sa résidence habituelle et que le contrat de prêt dont l’acte de cautionnement constituait la garantie était régi par la loi italienne, ce dont il résultait que le contrat de cautionnement en cause présentait des liens plus étroits avec l’Italie qu’avec la France, la cour d’appel a violé l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 (2e esp.).
Pour déclarer la loi française applicable au contrat de cautionnement, l’arrêt retient encore que les textes du droit français relatifs à la protection de la caution et au formalisme de son engagement ont un caractère impératif. En statuant ainsi la cour d’appel a violé l’article 3 du Code civil, ensemble l’article 1326 du même code, les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation et l’article 7, § 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980. Ni l’article 1326 du Code civil, qui fait obligation à la partie qui s’engage seule envers une autre à lui payer une somme d’argent de porter sur le titre constatant cet engagement sa signature ainsi qu’une mention écrite par ellemême de la somme en toutes lettres et en chiffres, ni les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, lesquels imposent à la personne physique qui se porte caution envers un créancier professionnel de faire précéder sa signature d’une mention manuscrite, les mentions prévues par ces textes étant destinées à assurer une meilleure protection de la personne qui s’engage, ne sont des lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable, et de constituer une loi de police
(2e esp.).

Le formalisme prévu par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation continue à susciter une jurisprudence nourrie 1, comme en attestent deux arrêts, d’inégale importance, rendus par la Cour de cassation le 9 juillet 2015 2 et le 16 septembre 2015.

1. Le premier arrêt approuve la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir annulé le cautionnement souscrit envers une banque par une personne physique, à la limite de l’illettrisme à la suite d’un parcours scolaire très bref, la mention manuscrite prescrite par les dispositions du Code de la consommation ayant été rédigée par un banquier… La première chambre civile affirme que « la personne physique, qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique en qualité de caution envers un créancier professionnel ».

La Haute juridiction considère donc, aux termes d’une motivation pouvant s’appliquer dans différents cas de figure, que seul un acte authentique peut suppléer les mentions manuscrites de la caution personne physique lorsque celle-ci ne peut pas les rédiger, pour une raison ou une autre (caution analphabète mais aussi sans doute caution étrangère ou caution atteinte d’un handicap ne lui permettant pas d’écrire). La rédaction d’un acte authentique et l’intervention du notaire, tenu d’un devoir de conseil, permettent d’attirer l’attention de la caution sur les risques de son engagement 3. La solution devrait être étendue 4, pour les mêmes raisons, à l’acte sous seing privé contresigné par un avocat qui, aux termes de l’article 66-3-3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, est en principe aussi « dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

2. De manière plus remarquable, le second arrêt, se prononce sur la loi applicable au cautionnement et la nature des dispositions prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation.

En l’occurrence, par acte sous seing privé du 19 avril 2006, une banque italienne a accordé à un résident italien un prêt dont une personne, résidant habituellement en France, s’est rendue caution par acte séparé du 21 avril 2006, conclu en Italie. Assignée en paiement par la banque italienne, la caution a soutenu que la loi française était applicable à son engagement et a invoqué les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. Rejetant la demande de la banque, qui faisait valoir que le cautionnement était soumis à la loi italienne, la cour d’appel de Besançon a déclaré la loi française applicable au cautionnement, aux motifs qu’il s’agissait d’un contrat autonome et que c’était bien avec la France que le contrat litigieux présentait les liens les plus étroits, dès lors que la caution y résidait lors de sa conclusion et que la prestation était susceptible d’y être exécutée en cas de défaillance du débiteur principal. La cour d’appel a encore affirmé que les textes du droit français relatifs à la protection de la caution et au formalisme de son engagement avaient un caractère impératif. Cette motivation est censurée trois fois par la Cour de cassation !

La Haute juridiction rappelle d’abord, au visa de l’article 3 du Code civil, qu’« il incombe au juge français, saisi d’une demande d’application d’un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l’aide des parties, et de l’appliquer ». Elle affirme ensuite, au visa de l’article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, que, « selon ce texte, en l’absence de choix par les parties, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; qu’est présumé présenter de tels liens celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ; que cette présomption est écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays », de sorte qu’en déclarant la loi française applicable « alors qu’elle avait constaté que le contrat de cautionnement litigieux, rédigé en italien, avait été conclu en Italie, que le prêteur avait son siège dans ce pays, que l’emprunteur y avait sa résidence habituelle et que le contrat de prêt dont l’acte de cautionnement constituait la garantie était régi par la loi italienne, ce dont il résultait que le contrat de cautionnement en cause présentait des liens plus étroits avec l’Italie qu’avec la France, la cour d’appel a violé ledit texte susvisé ». Enfin, elle considère, et là réside l’apport essentiel de l’arrêt rapporté, que les dispositions en jeu ne relèvent pas d’une loi de police. Au visa de l’article 3 du Code civil, ensemble l’article 1326 du même code, les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la Consommation et l’article 7, § 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980, il est jugé que « ni l’article 1326 du Code civil, qui fait obligation à la partie qui s’engage seule envers une autre à lui payer une somme d’argent de porter sur le titre constatant cet engagement sa signature ainsi qu’une mention écrite par elle-même de la somme en toutes lettres et en chiffres, ni les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, lesquels imposent à la personne physique qui se porte caution envers un créancier professionnel de faire précéder sa signature d’une mention manuscrite, les mentions prévues par ces textes étant destinées à assurer une meilleure protection de la personne qui s’engage, ne sont des lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable, et de constituer une loi de police ».

Cette solution, d’une importance certaine au plan pratique, doit être approuvée. Si les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation sont assurément d’ordre public, il s’agit ici d’un ordre public de protection de la caution 5, dont l’inobservation est sanctionnée par la nullité relative de son engagement 6 (ou de la stipulation de solidarité avec le débiteur 7). On ne saurait donc considérer que l’on est en présence d’une loi de police ne pouvant pas être éludée alors même que la loi française ne serait pas applicable au cautionnement (en raison du choix d’une loi étrangère par les parties ou de l’application des dispositions de l’article 4 de la Convention de Rome).

Le formalisme prévu par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation continue à susciter une jurisprudence nourrie[1] , comme en attestent deux arrêts, d’inégale importance, rendus par la Cour de cassation le 9 juillet 2015[2] et le 16 septembre 2015.

1. Le premier arrêt approuve la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir annulé le cautionnement souscrit envers une banque par une personne physique, à la limite de l’illettrisme à la suite d’un parcours scolaire très bref, la mention manuscrite ...

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº163
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