Les deux arrêts du Tribunal de l’Union européenne s’inscrivent dans une longue suite de contentieux opposant le groupe Crédit Mutuel à Crédit Mutuel Arkéa, issu du rapprochement de plusieurs fédérations régionales de Crédit
Par deux décisions des 5 octobre et 4 décembre 2015, la BCE a organisé la surveillance prudentielle des entités du groupe Crédit Mutuel par l’intermédiaire de la CNCM. Elle a également rehaussé les exigences de fonds propres imposées à Arkéa en portant le ratio de fonds propres de catégorie 1 de 8 % à 11 %, puis 10,75 %. Après avoir vainement demandé le réexamen de ces décisions à la Commission administrative de réexamen de la BCE, Arkéa a saisi le Tribunal de deux recours en annulation.
Un organisme central ne doit pas nécessairement être un établissement de crédit
Le requérant soutenait, en premier lieu, que la surveillance prudentielle sur une base consolidée d’établissements affiliés à un organisme central n’est possible que si celui-ci dispose de la qualité d’établissement de crédit, ce qui n’est pas le cas de la
Au soutien de ce moyen, Arkéa affirmait d’abord que l’article 2 § 21, sous c) du règlement-cadre
Arkéa prétendait ensuite que le respect du règlement
- l’existence de comptes consolidés du groupe ;
- l’exercice d’une surveillance de la solvabilité et de la liquidité de l’ensemble des entités le composant sur la base de ces comptes consolidés.
Le Crédit Mutuel constitue bien un groupe au sens du droit de l’Union
Le requérant prétendait, en deuxième lieu, que le Crédit Mutuel ne peut être qualifié de « groupe soumis à la surveillance prudentielle » au sens de l’article 10 du règlement CRR auquel renvoie l’article 2 § 21, sous c) du règlement-cadre MSU. Aux termes de cette disposition, un tel groupe désigne « les entités soumises à la surveillance prudentielle ayant leurs sièges dans un même État membre participant [au MSU], sous réserve qu’elles soient affiliées de façon permanente à un organisme central qui exerce une surveillance prudentielle à leur égard dans les conditions décrites à l’article 10 du règlement [CRR] et qui est établi dans le même État membre participant ». Ces conditions sont au nombre de trois :
- les engagements de l’organisme central et des établissements qui lui sont affiliés doivent constituer des engagements solidaires ou les engagements des établissements qui lui sont affiliés doivent être entièrement garantis par l’organisme central ;
- la solvabilité et la liquidité de l’organisme central et de tous les établissements affiliés doivent être suivies dans leur ensemble sur la base des comptes consolidés de ces établissements ;
- la direction de l’organisme central doit être habilitée à donner des instructions à la direction des établissements affiliés.
Il se fonde, premièrement, sur la décision à caractère général n° 1-1992 de la CNCM du 10 mars 1992 pour établir l’existence d’un mécanisme de solidarité, au sein du groupe Crédit Mutuel, au profit des caisses en difficulté. Cette solidarité, qui s’exerce aussi bien à l’échelle régionale que nationale, peut prendre la forme d’avances, de subventions, de prêts ou de garanties à titre gratuit.
Le Tribunal rappelle, deuxièmement, que l’article L. 511-31 du Code monétaire et financier autorise les organes centraux, et notamment la CNCM, à prendre toutes mesures nécessaires pour garantir la liquidité et la solvabilité du réseau et des établissements qui leur sont affiliés. Il relève, par ailleurs, que la CNCM arrête les comptes consolidés et représente le Crédit Mutuel auprès des autorités chargées de la surveillance prudentielle du respect des exigences de solvabilité et de liquidité.
Le Tribunal considère, troisièmement, que la CNCM est bien compétente pour adresser des instructions à la direction des établissements affiliés. Ce constat découle de la lecture combinée des dispositions du code monétaire et financier et des statuts de l’organe central qui prévoient que la CNCM a le devoir de veiller à la liquidité et à la solvabilité du groupe et des entités qui le composent ainsi qu’au respect des exigences législatives et réglementaires, qu’elle est investie d’un pouvoir de sanction à l’égard des établissements affiliés et que ceux-ci sont tenus de respecter ses instructions.
Le requérant soutenait, en dernier lieu, que la BCE n’aurait pas dû lui imposer de fonds propres supplémentaires. Le Tribunal écarte ce troisième moyen, au motif que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en prenant en compte une possible séparation du groupe Crédit Mutuel qui aurait une incidence négative sur le profil de risque d’Arkéa. Sa sortie du groupe, qui impliquerait la perte du mécanisme de solidarité propre au Crédit Mutuel, pourrait entraîner la dégradation de sa note et, par conséquent, une augmentation de ses coûts de refinancement.
Arkéa a annoncé néanmoins son intention de former un pourvoi contre ces arrêts devant la Cour de justice.