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Plan de relance européen

Nicolas Véron : « Les marchés jouent le rôle de relais »

Créé le

18.12.2020

Après le blocage par la Pologne et la Hongrie, le plan de relance européen, Next Generation EU (NGEU), d’un montant de 750 milliards d’euros, est de nouveau sur les rails ; ne va-t-il pas arriver trop tard dans la mesure où les économies ont besoin de soutien en ce moment ?

NGEU a deux effets principaux sur les marchés, qui ne souffriront pas de ce petit délai. Premièrement, quand les investisseurs évaluent la soutenabilité de la dette des différents États membres, ils prennent désormais en compte l’engagement qu’a pris l’Union européenne (UE), au travers du mécanisme de subventions inscrit dans le plan, à attribuer des montants plus ou moins importants aux différents pays. Cette subvention étant anticipée par le système financier comme à peu près certaine, qu’elle soit versée en janvier ou en septembre 2021 n’a guère d’importance. Les marchés jouent le rôle de relais : les États émettent actuellement à des taux extrêmement bas ce qui leur permet de soutenir leurs économies. Deuxièmement, et de manière plus structurelle, avec l’adoption de NGEU, l’UE devient un grand emprunteur pour financer des dépenses de redistribution entre les États membres. Ceci constitue un changement majeur qui renforce la solidité financière de l’UE et surtout de la zone euro. Avec cette nouvelle donne, le risque de redénomination, c’est-à-dire d’éclatement de la zone euro, est drastiquement réduit voire pratiquement éliminé.

Mais en principe ces émissions au titre de NGEU seront temporaires…

Officiellement oui mais la compréhension qu’en ont les marchés – à juste titre selon moi –, c’est que l’UE est désormais installée comme grand émetteur de manière permanente. Le remboursement complet des obligations NGEU se fera à un horizon très lointain et la question du « comment » demeure ouverte. Si des ressources propres à l’UE ne sont pas trouvées, en principe les États membres peuvent être mis à contribution puisqu’ils ont apporté leur garantie mais, en pratique un refinancement par de nouvelles émissions sera naturellement plus attractif, même s’il n’est pas inscrit dans la lettre du plan. Et bien sûr, dans l’intervalle, d’autres programmes financés par des obligations de l’Union peuvent être décidés.

L’UE a déjà émis des obligations ; où est la nouveauté avec les émissions au titre de NGEU ?

De longue date l’UE émet de la dette. Elle a par exemple émis le 20 octobre 2020 pour 17 milliards d’euros dans le cadre du programme SURE et l’appétit des marchés pour ces actifs est établi. Mais les émissions prévues au titre de NGEU mettent en jeu des montants bien plus importants. C’est cela la grande nouveauté : l’UE est désormais positionnée durablement en tant qu’émetteur majeur sur la scène internationale.

Propos recueillis par S. G. le 16 décembre 2020.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº851