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TLAC

L’initiative allemande rend la BCE schizophrène

Créé le

21.09.2015

-

Mis à jour le

30.09.2015

3 questions à Jérôme Legras, directeur de la recherche, Axiom.

La BCE a réagi le 2 septembre dernier à l’initiative allemande destinée à faciliter la mise en œuvre du TLAC. Comment expliquez-vous cette réaction, qui est plutôt négative ?

En effet, la banque centrale a émis une mise en garde : seuls les titres seniors sont acceptés comme collatéral aux opérations de repo. Or, le projet de loi allemand, en modifiant la loi sur les faillites, établit que les obligations seniors seront subordonnées aux dépôts.

Comment la partie supervision de la BCE juge-t-elle le projet allemand ?

On peut observer une certaine schizophrénie de la BCE, car sa partie Supervision est plutôt favorable au projet allemand qui facilite la résolution d'une banque en difficulté. Il est toutefois communément admis que les obligations seniors constituent des instruments très sensibles, puisque souvent placées auprès d'investisseurs particuliers. Il est donc délicat, sur un plan politique mais aussi systémique, de les utiliser pour renflouer les fonds propres de la banque, même si un texte de loi rend la chose plus aisée.

En quoi le projet allemand facilite-t-il la résolution ?

D'un côté, la BRRD permet le bail-in sur les dettes senior, mais de l’autre, elle les met au même rang que les dépôts, qui sont protégés, explicitement ou implicitement. Le FMI a vu là une contradiction. De plus, pour qu’une résolution puisse être mise en œuvre, elle ne doit pas être, pour les investisseurs, moins avantageuse qu’une faillite ; or, les lois sur les faillites placent généralement sur un pied d’égalité les créanciers seniors et les déposants. Comment démontrer que les créanciers obligataires seniors ne sont pas moins bien traités qu'en faillite, s'ils sont les seuls à encaisser des pertes alors que les déposants, théoriquement pari passu, sont indemnes ? La création du TLAC vise notamment à réduire cette incertitude juridique. Le projet allemand répond au TLAC en inscrivant dans la loi sur les faillites que les déposants sont prioritaires sur les créanciers seniors. Pour tenir compte des remarques de la BCE en tant qu’institution monétaire, le projet a été reformulé : les dettes obligataires seniors ne sont plus subordonnées, ce sont les déposants qui sont « super-seniors ». Il n’est pas certain que cette astuce suffira à satisfaire aux critères de risque que s'impose la BCE dans le cadre de ses opérations de politique monétaire.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº788