Square

Covid-19

Bad bank européenne : une idée qui fait son chemin

Créé le

23.06.2020

Une structure de défaisance européenne permettrait de liquider les prêts non performants de toutes les banques de la zone euro.

La Banque Centrale Européenne (BCE) a mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir à une structure de défaisance européenne destinée à recevoir des centaines de milliards d’euros de prêts non performants, a révélé le 10 juin l’agence Reuters. Mais selon la Commission européenne, aucun « travail officiel » n’a eu lieu sur ce sujet. Les créances douteuses dans la zone euro s’élèvent officiellement à 500 milliards d’euros. Elles pourraient croître sous l’effet de la pandémie, jusqu’à doubler selon certains spécialistes. Les banques verraient alors leur bilan fragilisé et seraient incitées à réduire leur offre de prêts.

C’est un sujet récurrent depuis dix ans. « Il est bien sûr possible d’effacer complètement les prêts non performants, mais ce serait dommage car ils conservent une valeur résiduelle, explique Éric Dor, directeur des études économiques à IESEG School of Management. L’autre solution est de les vendre sur le marché. Une structure spécialisée à laquelle tous les prêts improductifs de la zone euro seraient confiés à la vente constituerait une solution plus efficace que de laisser chaque banque s’en charger. Une bad bank pourrait ainsi proposer aux investisseurs des paquets plus diversifiés et attractifs. »

La garantie du mécanisme européen de stabilité

La bad bank dont les contours se dessinent aujourd’hui achèterait les actifs toxiques en émettant des obligations, auxquelles le mécanisme européen de stabilité (MES) apporterait sa garantie. Ces obligations seraient rachetées par les banques elles-mêmes, qui obtiendraient ainsi un actif plus sain que le prêt détenu auparavant. Elles pourraient en outre déposer en collatéral ces obligations garanties par le MES, en vue d’emprunter à l’Eurosystème. Cependant, « la Commission européenne considère qu’une garantie apportée par le MES serait une aide publique, dont l’usage est fortement bordé par la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD), souligne Éric Dor. Pour les partisans de la bad bank européenne, il est nécessaire d’altérer légèrement cette législation. » Les partisans de cette bad bank, parmi lesquels Andrea Enria, président du conseil de surveillance de la Banque centrale européenne, estiment que la Commission pourrait faire évoluer sa position au cours des prochains mois, confrontée aux dégâts issus de la crise du Covid-19.

Un projet de bad bank avait déjà été discuté et rejeté il y a trois ans. La question de la mutualisation de l’assurance dépôt dans la zone euro constitue encore un obstacle. Si de nombreux pays l’appellent de leurs vœux, l’Allemagne rejette depuis des années toute idée d’une responsabilité partagée sur les dettes. Celle-ci a toutefois accepté une forme de mutualisation de la dette dans le cadre du plan de relance post-épidémique, financé par des emprunts émis par la Commission européenne.

G. D.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº846