L’internationalisation croissante des systèmes financiers depuis la fin des années 1970, qui a eu pour conséquence l’internationalisation des risques, notamment systémiques, et la propagation des crises financières, s’est accompagnée d’un renforcement de la coopération des régulateurs financiers. Les autorités nationales en charge du contrôle et de la surveillance du secteur financier se sont ainsi rapprochées au sein d’instances de coopération constituées aux niveaux européen et international. Dans l’Union européenne, la coopération entre les autorités nationales de surveillance a été encouragée par la création du Comité européen des contrôleurs bancaires, auquel a succédé en 2011 l’Autorité bancaire européenne, qui fait partie du Système européen de surveillance financière (
L’EBA affaiblie
Mais l’
Prévenir tout conflit d’objectifs
La proposition de règlement du Conseil confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissement de crédit publiée le
Dans cette perspective, l’organisation de la BCE devrait connaître d’importantes modifications afin de prévenir tout conflit d’objectifs entre la conduite de la politique monétaire et l’exercice de la surveillance prudentielle. La BCE s’acquitterait de ses missions en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit « séparément de ses missions de politique monétaire et de toute autre
Une coopération étroite avec les autorités européennes
La BCE devrait coopérer étroitement avec l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des marchés financiers, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et le Comité européen du risque systémique au sein du Système européen de surveillance
Surtout, la BCE se verrait reconnaître de larges pouvoirs en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit au sein de la zone euro. Les autorités nationales de surveillance, appelées à collaborer avec la BCE au sein du MSU, resteraient toutefois des acteurs importants de la supervision financière européenne.
I. Les pouvoirs renforcés de la BCE au sein du MSU
La proposition de règlement prévoit de confier à la BCE « des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle » afin de promouvoir la sécurité et la solidité des établissements de crédit, ainsi que la stabilité du système financier, « en tenant dûment compte de l’unité et de l’intégrité du marché
Les missions de surveillance prudentielle de la BCE
La BCE serait « seule compétente » pour exercer à des fins de surveillance prudentielle, dans le respect des dispositions applicables du droit de l’Union, un certain nombre de missions à l’égard des établissements de crédit établis dans les Etats participant au
- agréer les établissements de crédit ;
- évaluer les acquisitions et les cessions de participations dans ces établissements ;
- veiller au respect des actes de l’Union imposant aux établissements de crédit des exigences prudentielles en matière de fonds propres, de grands risques, de liquidité, de levier, ainsi que d’information prudentielle et d’informations à destination du public sur ces
sujets ;[11] - fixer des exigences prudentielles plus élevées et appliquer des mesures supplémentaires aux établissements de crédit dans les cas spécifiquement prévus par le droit de l’Union ;
- imposer aux établissements de crédit de détenir des coussins de fonds propres en plus des exigences de fonds propres posées par le droit de l’Union, fixer les taux de coussin contracyclique et adopter toute autre mesure visant à lutter contre les risques systémiques ou macroprudentiels dans les cas spécifiquement prévus par le droit de l’Union ;
- mener des tests de résistance prudentiels sur les établissements de crédit ;
- assurer la surveillance sur base consolidée des sociétés mères des établissements de crédit établies dans l’un des Etats membres participant au mécanisme de surveillance unique, et participer à la surveillance sur base consolidée, notamment au sein des collèges d’autorités de surveillance, des sociétés mères établies dans un Etat qui ne participe pas au mécanisme unique de surveillance ;
- ou encore coordonner et exprimer la position commune des représentants des autorités compétentes des Etats participants lorsqu’ils siègent au sein du conseil des autorités de surveillance et du Conseil d’administration de l’Autorité bancaire européenne, pour les questions relevant des missions de la BCE en matière de surveillance prudentielle.
Des pouvoirs d’enquête et d’agrément…
Pour l’accomplissement de ces missions, la BCE disposerait de pouvoirs d’enquête, d’agrément et de sanction.
En premier lieu, la BCE pourrait exiger de certaines personnes morales (établissements de crédit, compagnies financières holding, etc.) ou physiques (personnes participant aux activités de ces entités, tiers auprès desquelles ces entités ont externalisé des fonctions ou activités opérationnelles, etc.) qu’elles lui fournissent des informations ou lui transmettent des documents nécessaires à son contrôle. Elle aurait également le droit d’examiner les livres et enregistrements des personnes contrôlées et de leur demander des explications écrites ou orales. Les agents de la BCE et les autres personnes mandatées par celle-ci pourraient procéder à des inspections sur place, pénétrer dans les locaux et sur les terrains professionnels et apposer des scellés sur ces locaux, livres ou enregistrements.
En deuxième lieu, la BCE se verrait confier le pouvoir de délivrer et de retirer les agréments d’établissement de crédit, soit de sa propre initiative, soit sur proposition de l’autorité nationale compétente de l’Etat membre où l’établissement est
…et de sanctions
En dernier lieu, la BCE pourrait infliger des sanctions pécuniaires administratives aux établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes qui commettraient intentionnellement ou par négligence une infraction à une exigence découlant d’actes de l’Union directement applicables « pour laquelle des sanctions pécuniaires administratives peuvent être imposées par les autorités compétentes en vertu du droit de l’
Le montant maximal des sanctions ne devrait pas excéder deux fois les gains retirés de l’infraction ou les pertes qu’elle a permis d’éviter si ceux-ci peuvent être déterminés, ou 10 % du chiffre d’affaires annuel total réalisé par la personne morale en cause au cours de l’exercice précédent. S’il s’agit d’une filiale, le chiffre d’affaires annuel total de la société mère, tel qu’il ressort des comptes consolidés de l’exercice précédent, devrait être pris en
II. La coexistence de la BCE et des autorités nationales de surveillance
Les autorités nationales de surveillance conserveraient un rôle important au sein du mécanisme de surveillance unique.
Les compétences des autorités nationales
D’une part, les missions qui ne seraient pas confiées à la BCE resteraient de la compétence des autorités
Prêter assistance aux agents de la BCE
D’autre part, la BCE s’appuierait, pour l’accomplissement de ses missions, sur les autorités de surveillance des Etats participant au MSU qui ont une meilleure connaissance des marchés bancaires nationaux, régionaux ou locaux, et disposent de ressources importantes. Les autorités nationales aideraient la BCE, à sa demande, à préparer et à mettre en œuvre ses
Ainsi, les agents de l’autorité compétente de l’Etat participant dans lequel une inspection sur place serait menée devraient, à sa demande, prêter assistance aux agents de la BCE et aux autres personnes
De même, les autorités nationales seraient chargées d’examiner si les conditions d’agrément prévues en droit interne sont satisfaites et de proposer une décision à la BCE qui pourrait agréer l’établissement de crédit si elle a l’assurance que les conditions posées par le droit de l’Union sont également
Enfin, la BCE pourrait exiger des autorités nationales qu’elles prennent des sanctions appropriées lorsque l’accomplissement de ses missions en matière de contrôle prudentiel le nécessite et qu’elle n’a pas compétence pour exercer son pouvoir de
Des incertitudes demeurent
La proposition de règlement du Conseil présentée par la Commission européenne le 12 septembre 2012 s’avère ambitieuse. Son adoption ferait de la BCE le principal acteur de la supervision financière au sein de la zone euro, même si les autorités nationales de surveillance conserveraient une partie de leurs attributions et devraient concourir à la réalisation des missions de la BCE en matière de contrôle prudentiel.
Les inquiétudes demeurent cependant nombreuses. La BCE parviendra-t-elle à coopérer avec les autorités nationales de surveillance ? Ne sera-t-elle pas dépassée par l’ampleur de ses missions ? Pourra-t-elle contrôler efficacement les 6 000 établissements de la zone eurocrédit ? Le financement des nouvelles missions de la BCE par la perception de redevances de surveillance auprès des établissements de
S’il venait à être adopté en l’état par le Conseil, le règlement entrerait en vigueur le 1er janvier 2013 et la BCE assumerait pleinement ses nouvelles missions le 1er janvier 2014 au plus