Square

L’échange automatique des données financières entre états

Vers la fin de la fraude fiscale internationale ?

Créé le

25.05.2016

-

Mis à jour le

30.06.2016

Amplifiant le modèle de FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), l’accord de coopération sur l’échange automatique d’information (Automatic exchange of information – AEOI) organise un dispositif de coopération interétatique à partir de janvier 2016, destiné à lutter contre l’évasion fiscale. À la différence de FATCA, il ne s’agit pas d’identifier des contribuables américains, mais d’attribuer une résidence fiscale à chacun des clients et la reporter à l’État de résidence fiscale du client.

La mondialisation des échanges n’a pas été accompagnée d’une mondialisation de la fiscalité. Ce domaine est resté longtemps la chasse gardée des États, ponctuée d’accord binationaux de coopération. Ce décalage fiscal avec la vélocité des échanges et des flux financiers a été le terreau de l’optimisation fiscale. Il est désormais à la portée de tous, d’optimiser ses placements en investissant en dehors de son pays de résidence tout en bénéficiant du cadre fiscal le plus avantageux possible. Pour beaucoup de particuliers, la charge fiscale qui pèse sur leurs avoirs financiers incite à rechercher des dispositifs étrangers et/ou sophistiqués pour préserver leur marge brute. De plus, la tendance à l’alignement de la fiscalité des produits d’épargne et des revenus du travail pèse sur les stratégies d’investissement et alimente l’optimisation fiscale.

L’inconvénient de cette situation est un considérable manque à gagner pour les finances publiques et soulève aussi un problème d’égalité devant l’impôt.

Devant l’insuffisance des actions individuelles, les États se sont alliés pour créer une politique de transparence fiscale mondiale en partageant les informations fiscales : 90 pays sur les 189 que compte l’OCDE [1] se sont engagés à généraliser l’échange automatique de données bancaires entre États.

Une échéance de mise en place en 2017 a été avancée par les plus pionniers du groupe, près de 54 pays dont la France, le Royaume-Uni et, plus surprenant, de célèbres paradis fiscaux tels que les Îles Cayman. Le mythe du banquier suisse promet également d’être écorné puisque la Suisse s’est engagée difficilement pour une mise en œuvre en 2018.

Dans les pas de FATCA [2]

Avec un droit fiscal reposant sur la personne et non la résidence, le législateur américain a ainsi initié une remontée d’informations fiscales à l’échelle planétaire, aucun contribuable américain ne devant être hors d’atteinte. La loi FATCA a inauguré l’échange automatique d’informations fiscales. Elle a imposé aux institutions financières d’adapter leurs dispositifs de connaissance du client et leurs systèmes d’information (SI) au profit du Département américain du Trésor pour détecter les contribuables américains et les faire déclarer leurs avoirs. C’est l’esprit de ce modèle que l’OCDE a repris pour fonder l’AEOI.

L’accord OCDE

Concrètement, les institutions financières vont devoir renseigner la résidence fiscale et le numéro d’identification fiscale de leur client dans un formulaire d’échange, auquel seront ajoutées les informations fiscales échangeables dans le cadre de l’accord : soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs. Les entités juridiques de type trust ou fondations sont visées par cette obligation : les institutions financières devront identifier la personne physique qui contrôle effectivement ces entités. Les échanges devront répondre aux critères de la NCD [3] .

Plus précisément, le pays de la source de revenus devra transmettre de manière systématique et régulière au pays de résidence du contribuable les informations relatives à ses revenus. En termes d’organisation, il s’agit d’adapter les dispositifs d’analyses KYC/AML [4] et de garantir la maintenance de ces informations au fil de la relation. La chaîne d’information fiscale devant être de la meilleure qualité possible, afin de permettre un traitement exact par l’administration fiscale compétente in fine pour le client.

Vers la fin du secret bancaire ?

La mise en place « commune » de l’accord comporte déjà quelques failles.

Si tous les pays de l’OCDE sont signataires de l’accord, certains ont posé des conditions spécifiques d’application : la Suisse a d’ores et déjà précisé qu’elle ne communiquerait les informations financières qu’« aux pays ayant une importance pour l’industrie ». La Suisse gardera donc une certaine marge de manœuvre sur l’application de la norme. Les ressortissants des pays exclus de cette catégorie seront vraisemblablement encore bénéficiaires du secret bancaire.

En outre, en dépit du ralliement récent du Panama, du Bahreïn, du Liban, de Nauru et Vanuatu, qui ont annoncé qu’ils appliqueraient l’accord à compter de 2018, des pays en développement non membres de l’OCDE restent encore à l’écart de l’accord.

Ensuite, et au-delà des failles d’application, c’est aussi les conditions de mise en œuvre qui peuvent minimiser l’impact de l’accord : pour les banques ayant une obligation d’échange en 2017, la collecte d’informations se fera dès 2016 sur les comptes détenant des avoirs de plus de 250 000 euros. On peut donc aisément supposer que les détenteurs auront le temps de découper et placer leurs avoirs en conséquence.

Les enjeux opérationnels de la mise en œuvre

À l’instar de la loi FATCA, la mise en œuvre pour les banques et institutions financières n’est pas neutre, d’autant plus qu’il s’agit d’une obligation réglementaire. L’échange de données à caractères financiers implique des aménagements informatiques extrêmement délicats en termes de sécurité et de normalisation des fichiers. La confidentialité des données échangées est un des axes majeurs de la mise en œuvre et nécessite un cadre juridique adapté.

L’application de l’accord impliquera un investissement financier de la part des banques afin que leur SI puisse normaliser ces échanges, mais également et surtout de la part des administrations fiscales des pays destinataires, afin qu’elles puissent recevoir, stocker et traiter les informations transmises.

Le retour sur investissement reste considérable pour les pays signataires, même s’il s’agit de dispositifs qui donneront leur maturité sur le long terme. Mais peut-on réellement parler de la fin de la fraude fiscale ? Indiscutablement, le niveau de transparence va s’accroître et réduire les possibilités de fraude, mais l’histoire a montré que, malgré des cadres fiscaux souvent très rigides et très contrôlés, la présence de la moindre faille dans le système conduit à un détournement. L’application de l’AEOI exigera donc une rigueur d’exécution dans la chaîne d’information fiscale. Au-delà de cette première étape d’envergure dans la transparence fiscale internationale, il faudra envisager un prochain élargissement de l’accord, afin de couvrir les États non signataires et esquisser les contours d’une mondialisation de la fiscalité des particuliers.

 

1 Organisation de développement et de coopération économique.
2 Foreign Account Tax Compliance Act.
3 Norme commune de déclaration et de diligence raisonnable.
4 Know Your Customer/Anti-Money Laundering.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº798
Notes :
1 Organisation de développement et de coopération économique.
2 Foreign Account Tax Compliance Act.
3 Norme commune de déclaration et de diligence raisonnable.
4 Know Your Customer/Anti-Money Laundering.
RB