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Rétrospective 2014

Solvabilité 2 : la dernière ligne droite

Créé le

22.12.2014

-

Mis à jour le

24.12.2014

L’année 2014 a été marquée par des avancées décisives avec le vote de la directive Omnibus 2 complétant la directive Solvabilité 2,  ce qui a enclenché l’ensemble de la mécanique des textes de niveaux 2 et 3 (voir Encadré).  Elle a également été rythmée par l’exercice préparatoire de l’ACPR couvrant les trois piliers de Solvabilité 2 [1] qui consistait à fournir au régulateur un questionnaire général de préparation, des états prudentiels au 31 décembre 2013, note méthodologique et annexe technique incluses, un rapport ORSA [2] (solo et groupe), avec la possibilité de remettre ses états au format XBRL, format qui deviendra obligatoire en 2016.

Au final, ont été remis 388 questionnaires et 460 jeux d’états (dont 198 au format XBRL), ces derniers couvrant 99 % du marché de l’assurance vie et 89 % du marché non-vie. Lors de la dernière conférence de l’ACPR consacrée à l’état d’avancement du chantier le 18 décembre dernier, Romain Paserot, chef de projet Solvabilité 2 et directeur du Contrôle des assurances à l’ACPR, s’est félicité de la forte mobilisation que rencontrent ces exercices préparatoires ; il a également noté que les travaux étaient bien engagés dans la mise en oeuvre du pilier 1, un peu moins sur les exigences du pilier 2, avec encore du travail sur la formalisation des politiques écrites ou le contrôle des activités sous-traitées. Enfin, le pilier 3 est le moins avancé, notamment en ce qui concerne la préparation des rapports narratifs et la qualité des données. Romain Paserot a insisté sur ce dernier point : c’est une bonne politique de gestion des données qui fait le « terreau d’une bonne supervision » ; or celle-ci reste encore insuffisante et les assureurs doivent veiller à organiser une production industrielle fiable des données requises.

De nouveaux exercices de préparation seront menés en 2015, englobant des états plus nombreux, également présentés sur une base trimestrielle, et complétés par des rapports narratifs. En outre, commenceront en 2015 les procédures d'approbation notamment liées aux modèles internes. Les assureurs devront donc encore donner un sérieux coup de collier en 2015 pour atterrir au 1er janvier 2016, date de l'entrée en application du dispositif prudentiel.

Une autre étape importante l’année prochaine sera la transposition par ordonnance de la directive en droit français, les codes des assurances, de la mutualité, et de la Sécurité sociale étant tous les trois concernés. L’habilitation vient d’en être actée dans la loi DDADUE [3] adoptée le 17 décembre. L’ordonnance et son décret, quasiment finalisés, devraient être publiés dans les délais prévus à savoir d’ici au 31 mars 2015.

 

Ils ont dit ...

 

Un nouveau prisme d'analyse

« La réglementation européenne met la solvabilité, et grâce à elle, le niveau de capital nécessaire pour couvrir les engagements de l’assureur (sous une hypothèse très lointaine de probabilité de ruine) au centre de l’analyse économique, technique et commerciale des performances et des résultats de l’assureur. Désormais, tout lui est subordonné. Ce point est majeur, dans la mesure où il risque de détourner les analystes d’une vision plus “technique” et moins financière des entreprises d’assurance. La marge de solvabilité supplante “l’embedded value” des sociétés Vie et le “ratio combiné” des entités Non-Vie dans l’analyse de leurs performances.»

Philippe Morin, membre diplômé, Institut des actuaires français, et Patrick Thourot, professeur, ENASS, CNAM, président d'Altia, introduction à Solvency 2 en 125 mots-clés, RB Édition, janvier 2014.

 

Les enjeux de l'ORSA

« L’attention de tous a été concentrée, au début de cette année 2014, sur l’ORSA (Own Risk and Solvency Assessment). [...] L’exercice ORSA est en principe unique pour un groupe d’assurance, mais le groupe devra indiquer comment le besoin global de solvabilité des filiales est couvert et quel est le rôle de l’ AMSB [4] de chaque filiale (Orientation 23). L’ORSA doit couvrir toutes les entités réglementées et non réglementées, qu’elles soient situées dans l’Espace économique européen ou en dehors de celui-ci (Orientation 19). L’EIOPA s’inquiète aussi des risques spécifiques liés aux interdépendances au sein du groupe (Orientation 21) et définit les risques spécifiques au Groupe qui font que la somme des BGS [5] des entités n’est pas égale (est inférieure) au BGS du Groupe : sources de fonds propres et besoins supplémentaires du Groupe, disponibilité, transférabilité et fragilité des fonds propres des entités du Groupe (d’où l’intérêt de la succursalisation des filiales !), transfert des fonds propres au sein du Groupe, cohérence (“alignement”) des stratégies des entités et “risques spécifiques” liés à l’existence du Groupe – la totalité est plus risquée que la somme des risques des parties – (Orientation 22) ».

Philippe Morin, membre diplômé, Institut des actuaires français, Patrick Thourot, professeur associé, ENASS, CNAM, président d'Altia, Banque et Stratégie n° 330, novembre 2014, ENASS Papers 8, p 58

 

Le déploiement du pilier 3

« Solvabilité 2 exigera la production d’informations réglementaires quantitatives et narratives nouvelles, dont le niveau de détail requis ainsi que le délai et le caractère récurrent de leurs remises sont sans précédent. L’organisation, les processus et les systèmes d’information devront certainement être revus et repensés dans le cadre de l’industrialisation nécessaire pour intégrer ce reporting réglementaire à la production de la communication financière existante ».¶

Isabelle Esteves, Senior Manager, et Germain Hervé, Manager, PwC, Banque et Stratégie n° 323, p. 22.

 

Le modèle de la bancassurance contraint d'évoluer

« Afin de minimiser leurs futurs besoins en fonds propres dans le cadre de Solvabilité 2, la plupart des captives bancaires d’assurance vie réduisent les actifs considérés comme étant “à risque” dans leur allocation. Concrètement, cela revient à diminuer la part des actions (pénalisées par Solvabilité 2 en raison de leur trop grande volatilité), celle de l’immobilier (pénalisé en raison du risque de liquidité) et des obligations dont le rating est inférieur à BBB. Dans cette logique, les captives continuent à investir dans des obligations d’Etat considérées “plus solides”. Quel avenir y a-t-il aujourd’hui à rentrer de l’OAT à 10 ans rémunérée 1,20 %, alors même qu’il faut derrière absorber entre 60 et 90 centimes de frais annuels de gestion ? En cas de remontée brutale des taux d’intérêt ou de nouvelle prochaine crise financière – hypothèse réaliste au regard de la situation de la zone euro –, les captives se retrouveront coincées avec des actifs totalement inadaptés à l’évolution de l’environnement financier. »

Cyrille Chartier-Kastler, fondateur, Facts & Figures, Revue Banque n° 778, décembre 2014, p. 33.

 

Réhabiliter la titrisation

« C’est un pas dans la bonne direction : pour les acteurs de la titrisation, les mesures présentées dans les actes délégués relatifs à CRD 4 et Solvabilité 2, publiés par la Commission le 10 octobre, apportent un assouplissement au traitement prudentiel des ABS [6] . Les titrisations « de haute qualité » trouvent davantage leur place dans le coussin de liquidité du ratio LCR [7] , les ABS sur les crédits automobile, aux PME et à la consommation venant rejoindre les RMBS [8] dans le compartiment 2B du buffer. De même, la charge en capital réclamée aux assureurs ne pourra dépasser 3 % par année de maturité du titre. »

Séverine Leboucher, journaliste à Revue Banque, « Le Mois en Revue », Revue Banque n° 777, novembre 2014, p. 13.

 



1 Pilier 1 : exigences quantitatives en matière de fonds propres et de calculs des provisions techniques ; pilier 2 : exigences en matière d’organisation et de gouvernance des organismes ; pilier 3 : exigences en matière d'informations prudentielles et de publication (source : APCR). 2 Own Risk and Solvency Assesment. 3 Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. 4 Administration, Management and Supervisory Body. 5 Besoin global de solvabilité. 6 Asset-backed Securities. 7 Liquidity Coverage Ratio. 8 Residential Mortgage-backed Securities.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº779
Notes :
1 Pilier 1 : exigences quantitatives en matière de fonds propres et de calculs des provisions techniques ; pilier 2 : exigences en matière d’organisation et de gouvernance des organismes ; pilier 3 : exigences en matière d'informations prudentielles et de publication (source : APCR).
2 Own Risk and Solvency Assesment.
3 Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.
4 Administration, Management and Supervisory Body.
5 Besoin global de solvabilité.
6 Asset-backed Securities.
7 Liquidity Coverage Ratio.
8 Residential Mortgage-backed Securities.