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Résolution des crises bancaires : vers un cadre commun européen

Créé le

11.10.2012

-

Mis à jour le

29.10.2012

La Commission a dévoilé le 6 juin 2012 une proposition de directive créant un cadre européen pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires. Un certain nombre d’outils seraient confiés aux superviseurs nationaux et aux futures autorités de résolution. La création de fonds abondés par les établissements et d’un outil dit « bail-in » assurerait le financement des crises.

La crise financière a mis en exergue les insuffisances des outils et des pratiques de gestion des crises bancaires en Europe et dans le monde. Trois éléments principaux ont été mis en évidence.

Du Too Big to Fail au cercle vicieux banques/États

Premièrement, l'écosystème des institutions de crédit et des grandes entreprises d'investissement est dominé par des acteurs dont la taille et les ramifications au sein de l'économie sont telles qu'une faillite non ordonnée entraînerait vraisemblablement avec elle tout le système économique. Ces établissements « Too Big to Fail » bénéficient donc d'une garantie implicite qui leur assurerait le soutien de l'État, au cas où leur survie serait menacée. Cette garantie place leurs concurrents dans une situation moins favorable ; elle réduit la vigilance des créanciers et leur motivation à limiter les risques. Le contribuable assume les conséquences, au profit des créanciers, voire des dirigeants. Cette situation s'est démontrée positivement – les nombreux plans de sauvetage des banques dans le monde entier – et négativement – la faillite de Lehman Brothers a plongé l'économie mondiale dans le chaos.

Deuxièmement, à mesure que la crise avançait, progressivement, on mesurait mieux la spirale infernale alimentant à tour de rôle les crises budgétaires et les défauts bancaires. Les États s'endettent pour honorer la garantie des établissements en difficulté, ce qui affaiblit la santé des banques, qui détiennent une part très importante de la dette publique, et la confiance des marchés dans la capacité de l'État à continuer de jouer son rôle de pompier… ce qui renforce à son tour la difficulté de l'État à se financer.

La nécessité d’un cadre européen

Enfin, particulièrement au sein de l'Union européenne, des mécanismes de gestion de crise de dimension fondamentalement nationale ont été débordés face à des établissements de portée transnationale. Face à la faillite, les autorités nationales sont divisées. Elles disposent de moyens financiers et réglementaires de portées très diverses et sont tentées de se retrancher au sein de leurs frontières, au mépris des conséquences éventuelles, à la fois pour les contribuables et pour l'activité dans d'autres parties du marché intérieur.

Pour ces raisons, la Commission a dévoilé le 6 juin 2012 une proposition de directive établissant pour la première fois un cadre européen pour le redressement et la résolution des défaillances des banques et de certaines entreprises d'investissement. La proposition s'inscrit dans le cadre des travaux menés au niveau international et des « attributs clés d'une résolution efficace » développés au FSB [1] . Elle s'appuie également sur des travaux de préparation de longue haleine et une analyse d'impact minutieuse. Le cadre ainsi proposé se caractérise par trois grands volets.

La boîte à outils des autorités

Tout d'abord, la proposition suggère la désignation, dans chaque État membre, d'autorités de résolution. Ces dernières constituent un véritable réseau et se concertent, pour ce qui est des groupes transfrontières, au sein de « collèges », sur le modèle de ce qui existe actuellement pour la supervision. L'autorité du groupe a un rôle particulier d'entraînement des différentes autorités concernées, l'Autorité bancaire européenne (EBA) disposant pour bon nombre de décisions d'un rôle de médiation contraignante, en cas de désaccord.

Ensuite, le cadre harmonise la boîte à outils minimale confiée aux autorités de supervision pour la prévention, l'intervention précoce et la résolution des crises bancaires. En temps normal, les institutions soumettent aux autorités des plans de redressement énonçant les mesures qu'elles envisagent de prendre en cas de détérioration de leur situation financière. Elles transmettent également les informations nécessaires à la rédaction par les autorités de plans de résolution, qui prévoient les mesures pouvant être ordonnées en cas de détérioration irréversible de la situation. Avant même la survenance d'une crise, les autorités évaluent la « résolvabilité » des établissements et peuvent ordonner des mesures structurelles pour permettre, en cas de difficulté, la résolution ordonnée. Ainsi parées, les banques peuvent désormais faillir. C'est la fin du « Too Big to Fail ». Pour mettre fin au repli sur soi observé pendant la crise, la proposition limite autant que possible les obstacles pouvant être opposés par les États membres aux opérations de soutien financier intragroupe.

Si les mesures de prévention ne permettent pas le redressement de la situation et que le défaut est irréversible, les autorités placent l'établissement dans le cadre spécial d'une opération de résolution visant à la dissolution ordonnée tout en préservant les activités dont la cessation menacerait la stabilité financière, telle que la gestion des dépôts couverts ou les services de paiement. Néanmoins, la résolution, qui constitue une exception au régime de la liquidation, n'est ouverte aux autorités que si tous les objectifs et conditions de déclenchement énoncés aux articles 26 et 27 de la directive sont vérifiés. Dans ce cadre, les autorités disposent de quatre grands outils structurels :

  • la cession de tout ou partie de l'activité à un acquéreur  ;
  • la constitution d'un établissement relais (bridge bank) sous contrôle public, chargé de gérer les fonctions systémiques en attendant la cession ;
  • la cession d'un certain nombre d'actifs à une structure spéciale de gestion (SPV) ;
  • enfin, le fameux bail-in ou « renflouement interne » – par opposition au sauvetage externe ou bail out –, qui préserve l'établissement tout en imposant les pertes aux créanciers.

Des fonds pour assurer le financement des résolutions

Enfin, la proposition introduit un système de financement de la résolution. La préservation des activités systémiques d'une banque a un coût, qu'il s'agisse d'éponger les pertes, garantir la cession d'actifs, recapitaliser une banque relais, etc. Contrairement à la situation existante, ce sera désormais aux créanciers, en fonction de leur rang, d'assumer l'absorption des pertes. Comme dans une liquidation, celles incombant aux dépôts couverts sont assumées par les fonds de garantie de dépôts existants, sous la forme d'un versement en espèces, qui ne peut être supérieur à la charge qu'ils auraient dû assumer en cas de faillite. Les besoins additionnels de financement temporaire, par exemple pour la recapitalisation d'une banque relais, sont relayés par la création dans chaque État membre de fonds de résolution préfinancés par des contributions du secteur bancaire, ajustées en fonction du profil de risque de chaque établissement.

La proposition tient également compte des liens étroits existant entre les systèmes de garantie des dépôts et les régimes de résolution dans la préservation de la stabilité financière, et autorise une synergie maximale entre fonds de garantie des dépôts et fonds de résolution, ceux-ci pouvant être fusionnés au sein d'un État membre en un seul fonds soumis à un préfinancement global équivalent à 1 % des dépôts couverts, complété par des contributions ex-post au fur et à mesure des déboursements. En cas de crise au sein d'un groupe transfrontière, chaque dispositif de financement contribue à la résolution du groupe en application d'un plan agréé auparavant par les autorités de résolution. Pour accentuer encore la résilience du système à l'échelle de l'Union européenne, la proposition prévoit un dispositif de soutien permettant à un fonds devant faire face à des besoins de financement dépassant ses capacités disponibles d'emprunter au fonds mieux loti d'un autre État membre, en attendant de pouvoir lever suffisamment de contributions ex post auprès de son secteur bancaire.

Doté de ces principales caractéristiques, le régime proposé répond aux principales défaillances mises à jour par la crise. Certes, il s'agit encore d'un système intermédiaire à mi-chemin entre la situation actuelle et un véritable système intégré disposant d'une autorité de résolution unique et d'un fonds assurant une puissance de feu maximale. C'est néanmoins un pas significatif dans la construction d'un système européen de gestion des crises bancaires juste et efficace.

1 Financial Stability Board.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº753
Notes :
1 Financial Stability Board.
RB