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Gouvernance économique

La re-régulation financière suite au G20

Créé le

21.11.2011

-

Mis à jour le

30.11.2011

En dépit de certaines conclusions décevantes au regard des enjeux, le G20 de Cannes a su démontrer le rôle décisif de l'impulsion politique dans les avancées réglementaires.

3 ans après sa création, le G20 est devenu le forum de gouvernance économique mondial le plus important. Il a su dicter l’agenda mondial de la relance économique, réformer les institutions économiques et monétaires, et mettre en marche un agenda énorme de re-régulation financière. Il a rapidement relégué le G7/8 à une place secondaire. En Europe, il a remplacé le marché intérieur comme moteur de l’intégration financière.

Même si le sommet de Cannes a été perçu par les médias comme moins important et dominé par la crise souveraine européenne, le G20 a su maintenir le cap. Dans un contexte de rebond économique, le G20 a appelé à renforcer les pouvoirs de surveillance du Fonds monétaire international (FMI), et s’est mis d’accord pour revoir ses ressources à la hausse. Dans le domaine de la régulation financière, il a énoncé la liste des banques globalement systémiques, a prévu des mesures plus strictes de contrôle du « système bancaire parallèle » et a appelé à plus de transparence des marchés dérivés de matières premières. Il a en même temps fait l’état des décisions prises aux réunions précédentes et a à nouveau souligné l’importance de ces mesures à ceux des États qui tardaient à les appliquer.

Agenda du G20 : des avancées certaines

Dans ce contexte, l’Union européenne est bien avancée dans son calendrier du G20. Même si les États-Unis ont déjà « tout » fait en adoptant le Dodd-Frank Act en juin 2010, l’Union européenne l’a quant à elle appliqué thème par thème. À ce jour, le sujet le plus important restant ouvert est la liquidation bancaire, thème sur lequel une proposition est attendue début 2012. Sur tous les autres sujets abordés par le G20, de nouvelles législations ont été adoptées, ou proposées (voir Tableau 1).

Si l’on compare la réponse à la crise des États-Unis avec celle de l’UE, on constate que, dans certains domaines, l’UE est même plus avancée que les États-Unis, comme par exemple dans le domaine de la rémunération et de la taxation des transactions financières. La rémunération dans le secteur financier est abordée dans un amendement de 2010 de la directive Ratio de capital (CRD), dans la nouvelle directive des Fonds à levier (AIFMD) et dans la régulation des agences de notation (CRA).

Par contre, les États-Unis sont plus avancés dans les domaines de la liquidation bancaire et de la structure des banques. Sur ce dernier point, les États-Unis ont adopté la Volcker rule, qui limite les participations des banques dans des transactions avec les fonds à levier. L’UE tarde à imposer des règles dans ce domaine, même si quelques États membres l’ont proposé, comme la Grande-Bretagne avec le « ring fencing », ou le cloisonnement de la banque de détail dans le rapport Vickers.

Un autre domaine dans lequel l’UE a devancé les États-Unis concerne les réformes institutionnelles. Alors que les Américains ont tardé à introduire une grande réforme de leur système de supervision financière, les Européens l’ont fait avec la création des nouvelles autorités financières : EBA, ESMA et EIOPA. Ces autorités peuvent vraiment être considérées comme des autorités fédérales de supervision embryonnaires, avec des missions très importantes au regard de leurs ressources jusqu'à présent assez réduites. Elles superviseront les instances nationales, reprendront certaines de leurs tâches, et arbitreront entre elles en cas de désaccord.

Une autre réforme institutionnelle qui s’est opérée des deux côtés de l’Atlantique concerne la supervision macroprudentielle. C’était une des recommandations du G20 de Londres (avril 2009), qui s’est traduite aux États-Unis par la création du Financial Services Oversight Council, géré par le Trésor américain, et en Europe par le Conseil européen de risque systémique (ESRB), géré par la Banque Centrale Européenne. Ce dernier est toutefois en retard comparé à son homologue américain, car il a été mis en place plus tardivement.

Europe/US : des divergences regrettables

En ce qui concerne certains aspects spécifiques, mais cruciaux, des différences de détail importantes entre les régulations peuvent être relevées.

  • Agences de notation (CRA) : l’UE a adopté sa première régulation dans ce domaine en 2009. La régulation actuelle n’est applicable que depuis quelques mois, mais est déjà plus intrusive que la régulation américaine, qui elle se limite a une forme d’enregistrement.
  • Fonds à levier (AIFMD) : la directive européenne, adoptée en novembre 2010, est assez complète et supervise tout le secteur des fonds non-SICAV, les fonds à levier et le private equity. Elle pourrait s’appliquer aussi à des placements privés. Le Dodd-Frank Act maintient des exceptions importantes, et l’impact sur l’accès au marché européen pour des fonds des pays tiers a donné lieu à plusieurs lettres du secrétaire du Trésor américain Tim Geithner au Commissaire européen Michel Barnier.
  • Produits dérivés : la régulation européenne va rendre obligatoire l’utilisation des chambres de compensation centrales pour les produits dérivés sur base d’éligibilité, tandis que Dodd-Frank inclut d’office tous les produits pour compensation et transaction centrale, avec certaines exceptions. La nouvelle mouture de la MiFID, proposée le 24 octobre, va dicter des critères de transparence de prix pour les produits dérivés.
  • Bâle III (ou CRD 4 en droit européen) : même si l’application de Bâle III aux États-Unis se prépare, son avenir reste incertain, étant donné que les Américains n’ont jamais appliqué Bâle II. L’UE a proposé des mesures d’application en juillet 2011, mais avait déjà, par la CRD II (juillet 2009) et CRD III (novembre 2010) fait évoluer Bâle II. On citera pour l’exemple l’obligation de détenir 5 % de produits structurés sur le bilan. Cette règle est aussi prévue dans le Dodd-Frank Act, sous le nom de « risk retention rule ».
  • Liquidation bancaire : les États-Unis ont donné des pouvoirs accrus au « Federal Deposit Insurance Corporation » (FDIC) dans la résolution des banques, mais il est fort probable que l’Union européenne ne puisse sortir des propositions importantes. Le droit des sociétés est un domaine extrêmement complexe et difficile à harmoniser, compte tenu par exemple des différences de pouvoir des actionnaires. Il est donc fort probable que la Commission européenne se limite à des propositions spécifiques, qui harmoniseraient certains aspects de la résolution bancaire, comme par exemple la dette convertible en cas de problèmes (les « co-co’s ») dans l’UE.
  • Garantie des dépôts : une occasion manquée, qui restera entièrement nationale d’après les propositions actuellement en discussion. Un fonds européen de garantie des dépôts pourrait être un fond de taille importante, avec des fonds privés, pour faire aussi face à des faillites bancaires, comme c’est le cas dans certains États membres. Ceci ne semble pas en considération pour l’instant.
Le dernier exemple, qui ne ressort pas directement de l’agenda du G20, illustre bien le fait que ce dernier, dans le contexte européen, a repris l’agenda du marché intérieur. La crise a prouvé qu’un marché intérieur financier nécessite un filet de sécurité européen, sans quoi les déposants préféreront les banques locales aux banques étrangères. La Commission avait fait une proposition prudente dans ce domaine, mais les éléments « européens », tels que les emprunts entre systèmes de garanties, ont été évincés de la proposition au cours des discussions au Conseil et au Parlement européen.

Dans le contexte de la gouvernance économique mondiale, il est néanmoins encourageant de voir que le G20 a pu jouer un rôle aussi important dans l’agenda de la re-régulation financière, ce qui montre que ce forum est essentiel pour créer un environnement comparable pour une industrie financière mondiale.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº742