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Réforme du système bancaire

Pour un durcissement de la réglementation

Créé le

20.02.2012

-

Mis à jour le

28.02.2012

Jugée responsable de la crise qui affecte durablement l’économie mondiale, la finance alimente massivement les programmes des candidats. Pour tous, il faut engager sans plus attendre une réforme profonde du système.

Séparer les activités de banque de détail et de banque d’investissement

F. Hollande, N. Sarkozy, F. Bayrou, J.-L. Mélenchon, N. Dupont-Aignan, M. Le Pen

La publication des règles Volcker aux États-Unis, puis celle du rapport Vickers au Royaume-Uni, ont largement influencé les réflexions des candidats.

Si l’UMP ne fait pas état de cette idée dans son programme actuel, il faut noter que Michel Barnier, commissaire européen du Marché intérieur, a commandé un rapport sur la question qui devrait lui être remis au cours du premier semestre 2012.

La quasi-unanimité des programmes politiques tranche avec les opinions divisées des économistes et l’opposition des banques. Le 26 janvier dernier, Michel Aglietta rappelait à juste titre que « nulle étude n’a[vait] pu à ce jour trancher quant à l’efficacité économique de l’une ou l’autre des formes d’organisation ».

Des dangers du deleveraging

Occupées à réduire et renforcer leur bilan pour se conformer aux exigences de Bâle III, les banques craignent une application indifférenciée de cette mesure qui ne tiendrait pas compte des spécificités du système bancaire d’Europe continentale, fondé sur l’intermédiation. Auditionné par le Sénat le 15 février, François Pérol, président du directoire de BPCE, a mis l’accent sur le changement de business model qu’une telle mesure impliquerait pour les banques, et pour le financement de l’économie en général : « La réduction des bilans e ntraîne celle des crédits, et donc le développement des activités de marché. »

Campagne présidentielle oblige, les banques se sont révélées peu audibles jusqu’à présent, à tel point qu’il est difficile d’imaginer que cette séparation ne sera pas mise en œuvre.

Interdire des produits financiers

F. Hollande, E. Joly, J.-L. Mélenchon, Ph. Poutou, N. Dupont-Aignan, M. Le Pen

Peu soucieux de commenter les travaux passés et en cours des instances européennes, visant à encadrer les produits financiers dits « toxiques », beaucoup de programmes dressent une liste « à la Prévert » des instruments appelés à être interdits ou plus durement réglementés.

Ainsi, le PS veut interdire les « produits financiers toxiques » et les stock-options (sauf pour les entreprises en création).

Le Front de Gauche va au-delà : outre les ventes de gré à gré, les ventes à découvert et la titrisation « en chaîne », il souhaite interdire les LBO, les stock-options et les engagements hors bilan.

Le FN se situe sur une ligne somme toute similaire sur cette question, préconisant une interdiction des « produits dérivés spéculatifs » au niveau international, ainsi qu’un encadrement des LBO.

Debout la République propose d’encadrer (voire d'interdire, sans préciser) la titrisation, les produits dérivés, les engagements hors-bilan, les ventes à découvert, la spéculation sur les matières premières et les dark pools.

Quant au NPA, il veut purement et simplement « interdire les mouvements spéculatifs ».

Plus précis dans son action, EELV propose une interdiction des CDS, notamment sur les dettes souveraines, et souhaite que l’Agence européenne des marchés financiers donne son autorisation avant la commercialisation par des banques d’un nouveau produit.

Contrôler les mouvements de capitaux

M. Le Pen, J.-L. Mélenchon, E. Joly, Ph. Poutou, N. Dupont-Aignan,

Le FN, le Front de Gauche, le NPA et Debout la République prévoient des mesures de contrôle des mouvements de capitaux. En réponse au questionnaire adressé par ATTAC aux différents candidats, Eva Joly mentionne la nécessité d'une limitation dans la circulation des capitaux par une modification des traités européens.

Nationaliser (partiellement) les banques

J.-L. Mélenchon, Ph. Poutou, N. Dupont-Aignan, M. Le Pen

Le NPA propose une nationalisation de l’ensemble des établissements bancaires, sans indemnité, alors que le Front de Gauche limite cette nationalisation sans indemnité aux seuls établissements bancaires défaillants.

Pour le NPA, l’idée consiste à nationaliser une banque de dépôt pour provoquer un « choc concurrentiel » et faire baisser les frais bancaires. Dans la même ligne d’idée, le FN propose une nationalisation partielle et temporaire, pour les seules banques de dépôt, dans le but d’assainir le secteur bancaire.

Encadrer le crédit

F. Hollande, E. Joly, Ph. Poutou, M. Le Pen

La campagne présidentielle 2012 n’échappe pas à la tradition, avec son lot de propositions de « crédit responsable » destinées à protéger les consommateurs du surendettement.

François Hollande propose d’encadrer le crédit à la consommation, sans plus de précision. Il a néanmoins adouci la position première du PS, laquelle consistait à interdire les crédits renouvelables, pour instaurer un « crédit social à la consommation » assorti d’une formation à la gestion des finances personnelles.

EELV, comme le NPA, est favorable à une sélectivité du crédit qui différencie le taux d’intérêt en fonction de l’utilité sociale et écologique d’un projet. Les Verts proposent en outre l’interdiction de la publicité pour le crédit à la consommation, le plafonnement des taux pratiqués et le droit pour une personne de se déclarer en faillite.

Les partis situés aux deux extrêmes du spectre politique ont adopté une position sévère sur la question : le FN souhaite encadrer les taux des crédits à la consommation et des crédits immobiliers, avec notamment une révision de la procédure de fixation du taux d’usure. Quant au Front de Gauche, il propose de créer « les conditions pour imposer aux banques le financement, à des taux d’intérêts faibles », de projets à valeur ajoutée dans les régions.

Limiter les bonus

F. Hollande, N. Dupont-Aignan, M. Le Pen

À l’occasion de son passage dans l’émission télévisée Des paroles et des actes, le 2 février, Martine Aubry, 1re secrétaire du PS, a émis le vœu que les bonus des financiers soient soumis à l’impôt sur le revenu. Cependant, le programme du PS ne fait qu’évoquer la mesure, sans la préciser.

Le FN propose de réintégrer dans l’assiette de l’IS les rémunérations supérieures à 1 million d’euros. Le 27 février dernier, François Hollande [1] a annoncé la création d'une tranche supplémentaire d'impôt, à 75%, pour ces mêmes revenus.

Quelque peu caduc, le programme de Debout la République propose d’étaler les bonus dans le temps, de les assujettir aux impôts et taxes sur le revenu et d’introduire un malus en cas de mauvaise performance. Cette dernière idée mise à part, ces dispositions ont déjà été intégrées dans les textes régissant les bonus.

Renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et sociale

F. Hollande, N. Sarkozy, E. Joly, M. Le Pen

Les programmes du PS et du FN proposent le renforcement de la lutte contre la fraude, sans préciser les moyens d’action envisagés.

L’UMP veut créer un « FBI » de la fraude fiscale et sociale, qui s’accompagnerait de la création d’un fichier national des fraudeurs sociaux. Il est à noter que le 8 février dernier, le gouvernement a engagé des discussions officielles pour étudier les conditions de l’adoption des règles américaines FATCA par cinq pays européens [2] . De plus, le régime des sanctions encourues par les fraudeurs vient d’être renforcé.

En ligne avec les dispositions récentes du gouvernement, EELV prône l’adoption d’un équivalent de FATCA et le renforcement des personnels dédiés à la traque de la fraude.

Les banques sont spécifiquement visées dans nombre de programmes (PS, FDG, EELV, Debout la République, FN), qui intègrent une interdiction d’exercer dans des paradis fiscaux.

Obliger les banques à détenir une part de la dette publique

J.-L. Mélenchon, M. Le Pen

Outre cette mesure, FN prévoit également de supprimer le monopole des marchés financiers et des banques en ce qui concerne le financement de l’État. La possibilité pour la Banque de France de détenir des titres de la dette publique serait rétablie.

Il est à noter qu’EELV se positionne clairement contre cette idée. En réponse au questionnaire adressé par ATTAC aux différents candidats, sa candidate Eva Joly considère que les banques détiennent déjà beaucoup de dette souveraine, notamment au travers de leurs filiales d’assurance vie.

Mettre fin à l’optimisation fiscale

F. Hollande, J.-L. Mélenchon, Ph. Poutou, E. Joly, M. Le Pen

Plusieurs partis, sans viser spécifiquement les banques, souhaitent mettre fin aux optimisations fiscales des grandes entreprises. Les mécanismes de transfert des bénéfices permettent en effet aux grands groupes internationaux de se soustraire à l’impôt français sur les sociétés.

Le FN promet d’interdire purement et simplement ces mécanismes.

EELV propose la mise en place d’un taux plancher de l’IS à 17 %. Dans le même ordre d’idée, le Front de Gauche veut aligner l’imposition des grandes entreprises (8 % en moyenne) sur celle des PME (30 %). Le NPA propose de fixer le taux d’IS à 50 %.

Le PS est le plus sévère, spécifiquement vis-à-vis des banques : outre un taux d’IS modulé en fonction de la taille des entreprises (35 % pour les plus grandes), il prévoit un impôt supplémentaire de 15 % sur les bénéfices des banques.

1 Parole de candidats, TF1, 27 février 2012 2 Outre la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont signé ce protocole avec les États-Unis.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº746
Notes :
1 Parole de candidats, TF1, 27 février 2012
2 Outre la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont signé ce protocole avec les États-Unis.