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« Pour bien gérer les crises, il faut avant tout s’entraîner »

Créé le

23.06.2011

-

Mis à jour le

29.06.2011

Que retenez-vous du Forum des auteurs sur le thème : « à quoi servent les marchés financiers »?

P.-Y.T. Ce fut un dialogue utile et riche, mettant en lumière tant les convergences que les points de questionnement entre les participants. C’était l’occasion, en effet, de faire échanger les parties prenantes des marchés financiers dans leur diversité.

M.-A. L. Ces marchés continuent à jouer un rôle central pour drainer l’épargne et allouer le capital, envoyer les bons signaux de prix et permettre aux acteurs de s’échanger des risques. Mais la crise a aussi montré qu’il fallait « ouvrir le capot » des marchés financiers, afin d’examiner comment rendre plus efficace leur fonctionnement.  De ce point de vue, l’amélioration des modèles quantitatifs de gestion des risques, la prévention des conflits d’intérêt et la transparence de l’information sur les marchés sont à nos yeux trois beaux sujets pour cette période d’après-crise !

En tant qu’expert en gestion de risque, quels sont les risques de demain ?

M.-A. L. Lorsqu’un produit devient très populaire auprès des investisseurs, cela devrait toujours susciter une vigilance accrue en termes de gestion des risques. Par exemple, l’explosion actuelle des encours des ETF (Exchange Traded Funds), leur sophistication et leur extension à des classes d’actifs par nature peu liquides, comme certaines matières premières,  appellent un suivi renforcé des risques de contrepartie et de liquidité. Lors du krach éclair du 6 mai 2010 aux États-Unis, certains investisseurs exposés sur des ETF ont brutalement découvert ces risques, à leurs dépens. P.-Y.T. Une autre source de vulnérabilité réside dans les « angles morts » de la régulation, notamment sur la formation des prix. S’agissant des marchés OTC par exemple, les méthodes de valorisation de certains actifs ne sont pas toujours transparentes. Certains prix sur les marchés de l’énergie sont aujourd’hui diffusés par des agences privées non régulées. Les régulateurs ont encore beaucoup de travail à faire pour supprimer ces angles morts, mais en attendant, le Risk Manager est en première ligne !

Comment optimiser une gestion de crise ?

C.V. Pour bien  gérer les  crises, il faut avant tout s’entraîner à préserver la continuité. Ce n’est pas lorsqu’on est dans la tourmente, avec des références bouleversées, qu’il faut commencer à réfléchir. La gestion de crise, c’est la gouvernance de la continuité d’activité et du retour à la normale. La façon dont certains outils sont utilisés dans ce contexte est cruciale.

M.-A.L. Prenons l’exemple des stress tests : ils ont été un leitmotiv pendant la crise, mais leur véritable utilité se découvre avant. Leur but est de mesurer les points de décrochage d’un établissement en cas de choc économique. Les réflexes de la navigation par beau temps ne sont pas les mêmes que dans la tempête. Il faut simuler les difficultés, non pas pour se faire peur, mais pour se préparer à les gérer le plus efficacement possible. L’analyse des résultats des stress tests permet aussi de réduire les points faibles identifiés en réorientant au besoin la stratégie, la gestion de la liquidité, la gouvernance… Des stress tests dont les conclusions ne dérangent personne ne servent à rien !

C.V. Le choix des scénarios, la robustesse des données et des modèles, les modes de validation des résultats  sont les ingrédients clés pour les mener efficacement. Leurs résultats peuvent alors soutenir une communication externe de nature à renforcer la confiance.

Quelles sont les bonnes pratiques de gestion de risques ?

C.V. Les cartographies des vulnérabilités doivent être basées sur une maille d’analyse pertinente. Elle ne doit pas être trop détaillée, pour éviter de se perdre, mais identifiant bien les maillons faibles, notamment les points de rupture possible des processus, et les points de contrôles incontournables. L’un des enseignements de la crise est que face à l’accroissement des effets dominos (risques systémiques), l’attention portée à la mesure et à la gestion des risques extrêmes devient une bonne pratique à encourager.

P.-Y.T. Encore faut-il que les méthodes et les outils soient adaptés, tant pour l’acquisition des connaissances sur les risques que pour la modélisation de leurs impacts. Il faut aussi s’assurer que ceux qui doivent juger du risque sont bien informés des événements potentiels et de leurs impacts pour eux-mêmes… et pour les autres ! Il est utile d’appliquer ces bonnes pratiques à l’analyse du fonctionnement des marchés.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº738