Un débat agité occupe la sphère habituellement feutrée des discussions entre régulateurs prudentiels. Ceux-ci – et il faut utiliser le pluriel, car en dépit de l'accroissement des pouvoirs du FSB, il n'y a pas (encore ?) de régulateur international unique, la BRI qui écrit les règles des accords de Bâle n'est en réalité qu'un lieu de création de compromis, mais non une Autorité avec un grand A – sont en train de revoir leurs outils de suivi de la robustesse des banques et la controverse fait rage entre, d'une part, les modèles internes et leurs RWA (voir Encadré) et le ratio de levier, d'autre part.
Dans la recherche des causes (et des coupables) de la crise, il est apparu assez vite que :
- le cadre de Bâle II avait beaucoup de défauts, d'où la rapidité avec laquelle Bâle III a vu le jour ;
- au milieu de nombreuses faiblesses, figurait le choix de laisser les banques définir largement par elles-mêmes, quels étaient leurs risques et donc leurs besoins de fonds propres.
Les RWA sur la sellette
Le constat posé assez tôt par de nombreux observateurs, notamment
Mais l'on peut noter que les changements de méthodes et notamment le passage en méthodes internes d'une plus grande partie des portefeuilles (cas de BNP Paribas en 2009 ou de BPCE en 2012) ont une influence directe, certes explicable, sur les évolutions des pondérations apparentes, comme le montre le Tableau 1.
Des détails insuffisants
Les données sur les catégories de risques, prises séparément, mettent aussi en évidence un léger mouvement de baisse des pondérations qui n’est pas complètement intuitif. Ainsi, sur les risques de la catégorie corporate, on constate une légère hausse en 2009 pour Crédit Agricole et SocGen, mais la tendance générale est plutôt orientée à la baisse. Cela peut en partie s’expliquer par la bonne tenue du risque de la catégorie des grandes
La réforme en cours des RWA
La dispersion des RWA apparents a fait l’objet d’études spécifiques de la part des régulateurs et en 2013, la BRI et l’EBA ont publié trois analyses sur ce sujet. Ces études partent à la fois de
Ces études mettent en évidence que la très forte dispersion apparente des pondérations (de l’ordre de 1 à 4 ou même de 1 à 5) peut s’expliquer en général pour plus de la moitié des écarts constatés par des différences très visibles de méthodes. Cependant comme le montrent les simulations réalisées sur des portefeuilles hypothétiques, l’écart résiduel non expliqué est largement réduit mais il demeure significatif puisqu’il va de 1 à 2 sur les portefeuilles de trading et de 1 à 1,5 sur les portefeuilles du livre bancaire. De ce fait la BRI a entamé un travail de refonte des règles (une revue fondamentale) qui est bien avancée sur les
- une limitation du rôle des modèles internes, certains portefeuilles trop complexes ou à pertes trop rares en sont exclus ;
- une correction de certains résultats des modèles internes avec l’introduction de planchers (c’est-à-dire un niveau de risque minimal pour chaque type d’actif) ;
- une utilisation réelle des modèles standards comme alternative crédible aux modèles interne. Sur ce dernier point la BRI a fait des propositions pour les rendre plus utilisables c'est-à-dire plus sensibles aux risques, mais avec des traitements prédéfinis. En cas de défaillance des modèles internes (backtesting médiocre) il sera donc possible d’imposer aux banques l’utilisation de modèles standards. Et pour que ceux-ci soient une référence utile, la BRI devrait demander la publication simultanée des pondérations selon les deux méthodes pour les banques qui utilisent les modèles internes.
Le ratio de levier tend à s’imposer
Ce travail de refondation est nécessairement long et dès lors un certain nombre de régulateurs et d’investisseurs plaident pour la mise en place rapide de ratios de levier, plus simples et tout aussi efficaces. C’est très largement la position de la nouvelle autorité prudentielle britannique, la
- celles-ci sont finalement complexes car le ratio de levier doit désormais prendre en compte les risques potentiels des engagements hors bilan ;
- l’appréciation des effets des dérivés et des repos (financements contre titres) sont très complexes.
Un marché américain très typé
Cette lutte d’influence devrait perdurer sur 2014, et pour en comprendre les enjeux il faut revenir aux accords initiaux de Bâle dans les années 1980. La pondération des risques avait été introduite pour tenir compte des différences de structures entre systèmes financiers et bancaires. L’organisation des banques américaines est en effet très spécifique du fait de l’existence des agences
Le ratio de levier est un instrument micro-économique assez frustre – qualifié de Bâle zéro par de nombreux banquiers européens –, mais qui s’adapte bien à des modèles bancaires assez « typés ». Il est donc probablement prudent à ce stade de lui conserver un rôle de pilotage secondaire, non proéminent, associé à celui des modèles internes pour déterminer le capital requis au niveau de chaque banque. Par contre son utilité macroéconomique n'est pas à prouver ; le suivi de l’évolution des crédits grâce au ratio de levier donne bien un signal de bulle et ceci sert dans Bâle III de fondement aux