Square

Rétrospective 2020

Lutte contre le blanchiment : vers une autorité de surveillance européenne

Créé le

18.12.2020

Les États membres de l'Union européenne ont identifié deux faiblesses du système actuel de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : les divergences dans les transpositions nationales de la législation européenne et l’absence d’organe central de surveillance.

Malgré cinq révisions du cadre juridique, le blanchiment d’argent demeure un problème persistant en Europe. Le scandale de la Danske Bank à Copenhague, puis les divulgations des « Cyprus papers » et des « FinCen files » ont montré que des milliards de dollars de transactions suspectes parvenaient à traverser le marché européen. Six pays (France, Pays-Bas, Italie, Espagne, Lettonie et Allemagne) ont appelé, après l’affaire Danske Bank, à constituer une nouvelle autorité de supervision, distincte de l'Autorité bancaire européenne.

Un règlement européen d’application directe

Le 4 novembre dernier, les ministres de l’Économie et des Finances de l’Union européenne réunis en visioconférence pour un Conseil Ecofin débattaient du plan d’action de la Commission européenne en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, visant à améliorer l’application, la supervision et la coordination des règles en vigueur depuis 2018. Les conclusions des ministres devaient fournir à la Commission européenne des orientations pour les propositions législatives qu'elle présentera en 2021. Les États membres ont en effet identifié deux faiblesses du système actuel : les divergences dans les transpositions nationales de la législation européenne et l’absence d’organe central de surveillance.

Les ministres ont insisté sur la nécessité d’un règlement européen unique et d'application directe dans l'ensemble de l'Union. Bruxelles esquisse désormais les contours d’une nouvelle autorité européenne, « dotée du pouvoir d'intervenir ponctuellement et d'assumer la surveillance à la place d'une autorité nationale de surveillance dans des situations exceptionnelles clairement définies, sur la base de critères objectifs et transparents », indique le compte-rendu de la visioconférence. Les autorités nationales pourront aussi demander le soutien ou l'intervention de l'autorité européenne de surveillance. Le nouveau superviseur disposera de pouvoirs de surveillance directs sur un nombre limité d’entités à haut risque. Il pourra enquêter sur le terrain, mener des instructions et imposer des sanctions.

La France évaluée par ses pairs en 2021

« Les crypto-actifs peuvent être utilisés comme une source de criminalité en général », a enfin rappelé Olivier Dussopt, ministre délégué français chargé des comptes publics. A cet égard, le Conseil des ministres a invité la Commission à étendre la liste des prestataires assujettis au-delà du cadre actuel de l'Union européenne, conformément aux recommandations du Groupe d'action financière (GAFI). Tout juste trentenaire, le GAFI rassemble des représentants de la Commission européenne, des États membres du G7 et de huit autres pays et procède à des évaluations mutuelles des politiques de LCB-FT. Or, le tour de la France approche. Initialement prévue en 2020, la visite des membres du GAFI en France a été reportée, en raison de la situation sanitaire mondiale. La présentation de son rapport d’évaluation mutuelle est désormais prévue lors de la plénière d’octobre 2021. La conformité et l’efficacité de sa politique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme seront examinées de près.

 

 

Ils ont dit

La France dispose d’un arsenal juridique préventif extrêmement robuste

La France a mis en œuvre des seuils de paiement en espèces parmi les plus bas d’Europe qui permettent de fortement limiter la possibilité de payer de façon anonyme et d’échapper à toute traçabilité. C’est un rempart important contre l’opacité qui nourrit toutes les formes de criminalité, en particulier le financement du terrorisme et le blanchiment. Nous pouvons nous appuyer également sur un nombre large de professions assujetties à la LCB-FT et cohérent avec les risques identifiés dans notre pays, qui permet d’apporter un double regard sur des transactions potentiellement suspicieuses : la maturité forte de l’assujettissement des institutions financières et de leurs pratiques, et la complémentarité du secteur non financier, notamment des professions réglementées et assermentées du chiffre et du droit.

Eléonore Peyrat, cheffe de la Délégation française au GAFI, cheffe du bureau en charge de la lutte contre la criminalité financière et des sanctions internationales, Direction générale du Trésor, Revue Banque n° 844, p. 18.

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/panorama-des-forces-en-presence-en-vue-evaluation

 

 

Le GAFI garantit un traitement équitable pour tous les pays

 

En évaluant les systèmes nationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le GAFI garantit un traitement équitable pour tous les pays. Les évaluations ont montré – tout comme les scandales de blanchiment de capitaux à grande échelle parus dans les articles de presse – que de nombreux pays doivent procéder à des réformes et, plus important encore, se concentrer sur des résultats tangibles qui permettent de réduire la criminalité, même après la mise en place des lois.

 

David Lewis, the FATF-GAFI Executive Secretary, Évaluations mutuelles du GAFI

Revue Banque n°844, p. 16.

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/efficacite-un-defi-relever-pour-les-pays

 

La coopération entre Tracfin et l’ACPR, une force du système français

L’ACPR a un officier de liaison auprès de Tracfin, ce qui fluidifie les échanges dans les deux sens. L’ACPR veille dans ses contrôles à ce que les déclarations des institutions financières à Tracfin soient effectuées sans retard, étayées et complètes. Réciproquement, Tracfin fournit de précieuses informations à l’ACPR sur les zones de risques, tant au niveau national que pour chaque institution, ce qui permet à l’ACPR d’adapter l’intensité de sa supervision au niveau de risque. Tracfin a une connaissance approfondie de la qualité des dossiers clients et de la vigilance de chaque institution, grâce à l’analyse des déclarations de soupçon, mais aussi grâce aux réponses aux 17 000 demandes adressées chaque année par Tracfin aux déclarants en application de son droit de communication [...].

Stéphane Mahieu, Chef de projet évaluation GAFI, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), Revue Banque n° 844, p. 26.

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/acpr-une-approche-controle-fondee-sur-les-risques

 

Les équipes de l’AMF surveillent les pratiques de commercialisation des produits atypiques

Conformément aux conclusions de l’ANR [Analyse sectorielle des risques de l’AMF], les fraudes fiscales et les escroqueries constituent les principales menaces identifiées au niveau national. L’AMF les observe dans l’exercice de ses missions de protection des épargnants et travaille à les réduire. Les équipes de l’AMF surveillent à ce titre les pratiques de commercialisation des produits atypiques lorsqu’elles sont le fait des conseillers en investissement financier : les contrôles réalisés ont permis d’établir une cartographie plus précise de ces produits et des montages auxquels ils donnent lieu.

Dominique Lepagnot, Responsable Lutte antiblanchiment, Autorité des marchés financiers (AMF), Revue Banque n° 844, p. 29.

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/amf-refondu-sa-doctrine-en-matiere-lcb-ft-pour-rep pp.29-31

 

Ce que la BCE peut faire pour prévenir le blanchiment de capitaux

La mission des autorités chargées de la prévention du blanchiment de capitaux et de la lutte contre le financement du terrorisme est de veiller à ce que les établissements de crédit et les autres entités assujetties respectent les exigences relatives à la prévention du blanchiment de capitaux et à la lutte contre le financement du terrorisme prévues dans le droit applicable. Nous devons donc admettre que ces autorités et les autorités de surveillance prudentielle assument des rôles très différents et qu’il existe peu de synergies.

Yves Mersch, membre du directoire, vice-président du Conseil de surveillance prudentielle, BCE, Banque & Droit HS-2020-1, février 2020, p. 6.

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/prevention-blanchiment-capitaux-lutte-contre-finan

 

Le nouveau dispositif de connaissance de la clientèle (KYC), après la transposition de la 4e directive LCB-FT bis

L’entrée en relation à distance n’étant désormais plus considérée comme une situation à risque élevé, la pratique du KYC (Know Your Customer) devrait se concentrer – hors hypothèses exceptionnelles permettant des mesures de vigilance simplifiées ou, au contraire, nécessitant des mesures complémentaires – sur la vérification standard ou commune de l’identité du client, personne physique ou morale. Or quelques modifications notables y ont été apportées par l’ordonnance du 12 juin 2020 et ses décrets d’application du même jour, l’une et les autres étant applicables depuis le 14 février dernier.

Pierre Storrer, Avocat au Barreau de Paris, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, Revue Banque n° 843, p. 84.

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/chronique/kyc-apres-transposition-4e-directive-lcb-ft-bis

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº851