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Résolution

Les impacts du bail-in sur le modèle bancaire

Créé le

05.12.2014

-

Mis à jour le

14.01.2015

La mise en place du bail-in et celle du TLAC qui la suivra de peu auront de nombreuses conséquences sur la structure de financement des banques, tant sur la composition de leur passif que sur leur organisation juridique d’émission. Avec à la clé, une pression inévitable sur leur rentabilité.

Le bail-in dont le terme signifie « renflouement interne » est un principe adopté par les instances européennes fin 2013. Ce système de renflouement interne dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2016 vient partiellement remplacer le bail-out (renflouement externe) privilégié pendant la crise et faisant appel à l’épargne publique pour venir en aide aux banques en difficulté.

En cas de défaillance d’un établissement de crédit, le bail-in prévoit de faire appel aux actionnaires et aux créanciers de la banque pour supporter les pertes encourues selon une hiérarchie prédéfinie. Certains types de créances (non garanties) seraient automatiquement convertis en capitaux propres et la valeur du portefeuille des instruments détenus par les créanciers subirait une décote.

Mécanisme de fonctionnement du bail-in en cas de crise bancaire

En cas de réalisation et donc d’activation du bail-in, les éléments de passifs juniors et seniors dits « bail-inables » (qui devront représenter 8 % du passif total de la banque) seront mobilisables. Si cela s’avère nécessaire, un fond mutualisé de résolution, abondé par le secteur bancaire, pourra fournir une couche de protection supplémentaire en recapitalisant l’établissement en difficulté à hauteur de 5 %. Dans le cas où les pertes excéderaient 13 % du passif, l’État ainsi que le Mécanisme de stabilité européen (MSE) pourraient être sollicités en dernier recours.

Ainsi, par ordre hiérarchique et dans un premier temps, les actionnaires et détenteurs de capital réglementaire pourront potentiellement perdre l’intégralité de leur investissement (absorption des pertes en priorité par les fonds propres). Dans un second temps, les créanciers détenteurs de dettes subordonnées puis de dettes seniors pourront également subir des pertes et des conversions en capital. Dans un troisième temps, les dépôts non garantis, c'est-à-dire ceux supérieurs à 100 000 euros pourront également être mobilisés. À ce sujet, pour éviter une fuite des dépôts et donc une instabilité du système bancaire, les dépôts de personnes et PME supérieurs à ce montant bénéficieront d'un traitement préférentiel garantissant qu'ils ne subiront aucune perte avant que les autres créances sécurisées aient été épuisées.

D’un autre côté, en cas de défaillance, la logique du bail-in prévoit de ne pas affecter certains passifs dits « sécurisés » tels que les dépôts garantis, les obligations sécurisées de type covered bonds, les passifs liés aux activités « vitales » de l’établissement…

Les impacts du bail-in sur le modèle bancaire

La mise en place du bail-in va générer de nombreux impacts sur le modèle bancaire, notamment sur la structure de financement des banques ainsi que sur des aspects de rentabilité :

  • les établissements de crédit seront tenus de maintenir un passif minimum « bail-inable » suivant un ratio défini par les régulateurs. Ces seuils devront probablement pour certains établissements nécessiter une augmentation des fonds propres ou bien des émissions de dettes subordonnées (dettes hybrides notamment). Ces fonds propres supplémentaires auront un impact négatif sur le Return On Equity (ROE) ;
  • les banques vont devoir intégrer des coûts de refinancement plus élevés pour l’ensemble des dettes non garanties (dettes subordonnées/dettes hybrides) qui seront « bail-inables », les banques ayant pour objectif d'émettre une quantité suffisante de titres subordonnés, permettant de préserver les créanciers seniors ;
  • la fin du bail-out et donc de la garantie implicite des États vis-à-vis des banques va accroître le risque de détention des titres émis par celles-ci. Les primes de risque de défaut payées par les banques seront donc accrues et par « contagion », leur coût de financement également ;
  • la mise en place d’un fonds national de résolution mutualisé et abondé par l’ensemble des banques va générer des coûts de participation supplémentaires (ce fond devrait être doté de 55 milliards d’euros à terme).
Malgré ces éléments, si la théorie économique se vérifie et que le coût du capital reste constant à terme, la majoration du coût de financement de la dette non garantie pourrait être compensée à terme par une baisse du coût de financement de la dette senior qui se trouve, elle, davantage protégée, offrant de fait un risque moindre et donc une rémunération plus faible vis-à-vis des investisseurs.

Dans cette hypothèse, la refonte significative de la structure des passifs des banques en lien avec le bail-in présentera un coût supplémentaire temporaire qui devrait se résorber dans le temps.

Du bail-in au TLAC, une complexification accrue

La volonté du régulateur de prémunir toujours davantage les contribuables d’une faillite bancaire et d’harmoniser cela à un certain nombre de pays, risque de fortement complexifier la déclinaison opérationnelle de certains dispositifs très récents et partiellement « similaires » ou « complémentaires » au bail-in (celui-ci ayant déjà été adopté en Allemagne, Irlande, Danemark et partiellement au Royaume Uni).

Ainsi, le GLAC (Gone Concern Loss Absorbing Capacity) et maintenant le TLAC (Total Loss Absorbing Capital), conçus aux États-Unis, visent à définir un socle commun sur le bail-in applicable aux grandes banques systémiques (G-SIB). Ce dispositif prévoit notamment d’imposer aux banques, à compter de 2019, un niveau de fonds propres et d’instruments assimilés représentant 16 à 20 % des actifs pondérés (Risk Weight Asset – RWA).

Dans sa définition actuelle, le TLAC prévoit que, au-delà des fonds propres et des dettes subordonnées, la dette senior bancaire non sécurisée puisse être éligible au ratio si elle est supérieure à 1 an et subordonnée à d’autres créanciers seniors.

Le TLAC adopte donc une vision plus large que le bail-in en incluant davantage d’instruments financiers mobilisables et éligibles au numérateur du ratio « fonds propres/actifs pondérés ».

Les banques vont devoir s’adapter à ce nouveau cadre réglementaire et à ces nouvelles contraintes sur plusieurs volets :

  • d’une part, s’assurer que la dette senior en circulation est « éligible » au TLAC et répond bien aux deux conditions prévues (dette supérieure à 1 an et subordonnée à d’autres créanciers seniors) ;
  • d’autre part, revoir leur structure juridique afin d’émettre leur dette senior via une holding de tête dont les créanciers passeront « derrière » les créanciers des filiales opérationnelles (cette nouvelle organisation juridique permettra d’un côté de répondre à une des deux conditions d’éligibilité de la dette senior au ratio et de l’autre, permettra en cas de faillite bancaire de faire « payer » les créanciers seniors avec une approche « centralisée », c'est-à-dire via la structure de tête).

Le modèle bancaire sous pression

À travers ce décryptage du bail-in et du TLAC, nous constatons que la prise en compte de ces dispositifs fortement liés visant à protéger les contribuables va à nouveau impacter le modèle bancaire, dont le « centre de gravité » ne cesse de se déplacer.

En effet, le bail-in va imposer dans un premier temps d’adapter la structure de financement des banques avec une fragmentation des bilans bancaires, tandis que le TLAC va imposer une nouvelle définition du capital au sein des établissements de crédit et donc des ratios de solvabilité.

Au-delà des difficultés prévisibles de mise en œuvre de ces deux dispositifs au sein des banques et de leurs déclinaisons opérationnelles en termes d’organisation, de processus et de systèmes d’information, il est certain que ces nouvelles contraintes réglementaires pèseront à nouveau sur la rentabilité des banques.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº779