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Stratégie nationale

Les enjeux du financement de la transition énergétique

Créé le

22.11.2019

L’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 est inscrit dans la loi française. L’État déploie une stratégie climatique mais les engagements nationaux nécessitent la mobilisation des capitaux privés et du secteur financier. Le rôle de la banque de détail est crucial, notamment pour financer la rénovation énergétique des logements des particuliers.

Nous vivons aujourd’hui une situation d’urgence climatique. Les rapports successifs du GIEC nous rappellent que nous sommes la dernière génération en capacité d’agir avant que les conséquences du changement climatique ne deviennent irréversibles. La France est pleinement mobilisée, depuis plusieurs années, pour faire face à ce défi sans précédent. Suite à l’Accord de Paris, elle a été l’un des premiers pays au monde à s’engager, en juillet 2017, à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cet objectif est désormais inscrit dans la loi relative à l’énergie et au climat, promulguée le 8 novembre 2019. Il est également au cœur de la nouvelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC) en cours de discussion, qui détaillera en 2020 comment les différents secteurs contribueront à la décarbonation de l’économie française, et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui donnera une feuille de route pour augmenter la part des énergies renouvelables et améliorer notre efficacité énergétique dans les dix prochaines années. Le renforcement de notre ambition a enfin conduit la Commission présidée par Alain Quinet à rehausser la valeur de l’action pour le climat, c’est-à-dire la valeur monétaire que la société accorde aux réductions de gaz à effet de serre.

Financement de la rénovation énergétique et des mobilités propres

Du financement de la transition dépend la réussite de cette stratégie climatique, en particulier dans les secteurs du logement et des transports. Cet été, nous avons simplifié l’un des dispositifs les plus emblématiques, l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), qui est un instrument de soutien aux travaux de rénovation énergétique des logements anciens. La lutte contre les « passoires thermiques », qui concernent encore 7,5 millions de logements en France, est un levier d’action crucial pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre ; c’est également une mesure de justice sociale pour ceux qui paient aujourd’hui des factures énergétiques démesurées. Nous avons donc facilité l’obtention d’un tel prêt, en alignant notamment les conditions d’ancienneté des logements avec celles du Crédit d’impôt pour la transition écologique (CITE), ainsi que la durée de remboursement, fixée à 15 ans au lieu de 10. Désormais, tous les logements dont la construction a été achevée 2 ans avant le début des travaux sont éligibles, alors qu’auparavant, n'étaient concernés que ceux achevés avant le 1er janvier 1990. De même, nous avons relevé l’ensemble des plafonds, toujours dans la limite de 30 000 euros. Enfin, conscients de la difficulté que peuvent rencontrer les particuliers à identifier ces dispositifs, nous avons choisi d’élargir ce dispositif aux travaux déjà engagés.

Par ailleurs, la Caisse des Dépôts et Consignations dispose également d’une offre de financement subventionnelle de la rénovation énergétique des logements sociaux les plus énergivores. Le plafond de ce prêt a été rehaussé en 2019 : les « éco-prêts » au logement social sont désormais accordés dans la limite de 22 000 euros par logement, à des taux inférieurs au taux du Livret A, sous condition de gains énergétiques substantiels.

En matière de transports, conformément au projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) définitivement adopté le 19 novembre dernier, nous renforçons notre action et en particulier l’investissement en faveur de transports du quotidien plus propres, dans une logique à la fois sociale et écologique. À cet égard, le budget 2020 traduit un effort inédit en faveur de l’entretien, de la régénération et de la modernisation des réseaux existants. La création du forfait mobilités durables, qui permettra aux employeurs de verser jusqu’à 400 euros par an sans charges ni fiscalité aux salariés en covoiturage ou à vélo, doit créer les conditions d’un report croissant vers les mobilités actives et partagées. Enfin, compte tenu des émissions prépondérantes encore associées au parc automobile et pour préparer l’atteinte de l’objectif de fin de vente des véhicules utilisant des énergies fossiles d’ici 2040, nous avons augmenté de 50 % (+ 131 millions d’euros par rapport à 2019) l’enveloppe dédiée au bonus à l’achat d’un véhicule électrique. La prime à la conversion, qui a fait l’objet d’un verdissement à l’été pour mieux cibler l’achat de voitures propres, permettra de sortir du parc un million de véhicules très polluants sur l’ensemble du quinquennat.

Rôle du secteur privé

Malgré tout, nous sommes fermement convaincus que la seule action des Pouvoirs Publics ne permettra pas de faire advenir la transition écologique et solidaire. C’est pourquoi le rôle du secteur privé, tout particulièrement financier, sera décisif. Depuis 2015 et la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la France a travaillé à créer un cadre propice au développement de la finance durable et à la mobilisation des capitaux privés. L'article 173 de cette loi a établi de nouvelles obligations d'information pour les entreprises financières et non financières, avec le double objectif d'améliorer la qualité de l'information disponible et l’appropriation par les entreprises et institutions financières des questions climatiques. Le gouvernement a, dans le cadre de la loi Énergie-Climat, élargi les obligations de reporting pour couvrir les questions de biodiversité.

La Place financière de Paris est historiquement à la pointe en matière d'investissement socialement responsable. La mobilisation pour la finance durable s'est accélérée depuis 2015, grâce à l'initiative de coordination Finance for Tomorrow, au sein de Paris Europlace. Le 2 juillet, les représentants de la Place financière ont pris des engagements ambitieux concernant le calendrier de sortie du financement des activités liées au charbon, et ce à partir de 2020. Tous les acteurs devront présenter une stratégie individuelle de sortie du charbon, dont l’avancement sera mesuré chaque année par un observatoire du verdissement de la Place créé par les fédérations, et également par les superviseurs, via un rapport annuel rendu public.

Suivi des engagements

Dans ce but, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ont chacune créé une commission consultative climat et finance durable. Ces organes permettront d’assurer le suivi des engagements en s’appuyant sur l’expertise des nombreux chercheurs représentés dans les deux commissions. Cette approche rigoureuse est une condition sine qua non pour la crédibilité des démarches engagées et pour atteindre une véritable transparence en matière de redevabilité.

S’agissant plus particulièrement des banques et des sociétés de financement, nous pouvons d’ores et déjà saluer les engagements pris en décembre 2018, à la demande du président de la République, visant à faciliter l’accès au crédit pour financer les investissements liés à la transition écologique, tels l’achat de véhicules électriques. Les premiers retours montrent que ces engagements se sont traduits par des mesures concrètes, notamment la mise en place de sources de financement diversifiées : crédit affecté, location achat, prêts personnels adaptés. Plusieurs établissements ont par ailleurs également proposé un préfinancement de la prime à la conversion mise en place par le Gouvernement, accélérant son impact. Nous espérons que cette mobilisation sera poursuivie et amplifiée dans les mois à venir.

Action coordonnée

Au-delà de ces progrès, il reste pour tous d’importants efforts à effectuer. S’agissant du secteur financier, deux changements sont indissociables :

  • l’accélération du financement des projets verts sera sans effet si les projets intenses en carbone continuent d’être massivement financés. L’État n’est pas exempt de tout reproche en la matière, et le président de la République a d’ailleurs appelé les grands pays à cesser de financer des grandes installations polluantes à l’étranger ;
  • les banques devront donc être transparentes sur la manière dont elles financent les énergies fossiles.
Le défi auquel nous faisons face nécessite une action coordonnée de l’ensemble des parties prenantes : l’État sera aux côtés du secteur privé, et notamment financier, pour mettre en place les solutions de financement de la transition écologique et solidaire. Le rôle des banques de détail sera crucial en la matière, pour assurer une transition juste à l’ensemble des particuliers quels que soient leurs niveaux de revenus.

Enfin, au-delà de ces engagements nationaux, nous mènerons en parallèle ce combat à l’échelle européenne et internationale. Nous avons pris une part active aux négociations du Paquet finance durable de la Commission européenne, dernièrement sur le projet de taxonomie des activités durables d’un point de vue environnemental dont nous souhaitons l’aboutissement le plus rapide possible. Cette taxonomie définira en effet un langage commun pour l’ensemble des acteurs en matière de finance durable, permettant l’émergence de standards et la redirection effective des capitaux, publics comme privés, vers le financement de la transition écologique et solidaire. Cette transparence accrue éclairera in fine les choix des épargnants qui pourront plus facilement s’orienter vers des produits verts.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº838