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Information financière

Les données standardisées des prêts non performants

Créé le

07.12.2018

-

Mis à jour le

27.12.2018

Dans l’objectif de développer un marché secondaire européen des NPL, l’EBA a été chargée de préparer des états de données standardisées sur les NPL. Ces démarches vont dans le sens d’un modèle complet et harmonisé pour décrire, au niveau du contrat élémentaire, tous les actifs et passifs d’une banque.

Le 12 septembre dernier, l’autorité bancaire européenne publiait une version modifiée des états de données standardisés NPL (EBA NPL templates) pour faciliter les transactions sur des prêts non performants (NPL) en Europe. L’initiative doit contribuer à développer le marché secondaire des NPL et ainsi réduire la part non productive des bilans des banques. Avec d’autres démarches de data templates, elle ouvre aussi des perspectives intéressantes sur la structuration et l’harmonisation des données des établissements de crédit.

Les expositions non performantes correspondent aux sommes prêtées pour lesquelles le débiteur n’a pas honoré les échéances de paiement pour une période fixée. Il n’y a eu paiement ni du principal ni des intérêts, et le prêt est donc en défaut ou proche du défaut : la probabilité de percevoir tout ou partie des sommes dues est substanciellement réduite. La présence de telles expositions au bilan des établissements de crédit, lorsque leur volume est important, pèse sur le risque et la rentabilité. Un haut niveau de NPL dégrade la solvabilité, la liquidité, la notation et donc la capacité de refinancement des banques. Il est donc important d’en maîtriser l’amplitude.

Les NPL en Europe

Une définition harmonisée des expositions non performantes a été proposée par l’autorité bancaire européenne (EBA), d’abord pour des besoins de reporting avec l’introduction des modèles FINREP CRD IV en 2014. Ainsi, sont considérés non performants tous les prêts présentant des impayés de plus de 90 jours ou ayant un risque fort de ne pouvoir être recouvrés, même s’ils ne sont pas classés en défaut. Les prêts restructurés suite à des difficultés financières du débiteur sont généralement non performants dès 30 jours d’impayés.

L’EBA et la banque centrale européenne (BCE) ont également publié des lignes directrices pour identifier et gérer les actifs non performants. Le guide BCE publié le 20 mars 2017 et enrichi le 15 mars 2018 requiert pour les banques les plus touchées l’élaboration d’une stratégie de réduction des NPL. Il précise également les modalités de calcul des dépréciations et des abandons de créances, ainsi que les attentes en matière de communication financière. Ces recommandations ne sont pas obligatoires, mais constituent une base de dialogue avec les établissements dans le cadre du SREP [1] . Dans ses lignes directrices du 31 octobre 2018 sur la gestion des expositions non performantes, l’EBA fixe à 5 % de NPL parmi l’ensemble des prêts le seuil au-delà duquel une stratégie de gestion est nécessaire.

Ces éléments répondent au plan d’action de remédiation des NPL publié en juillet 2017 par le Conseil de l’Europe, qui a constaté une trop lente décroissance de leur niveau. Celui-ci a représenté jusqu’à 8 % du total des prêts en zone euro en 2013 (World Development Indicators de la Banque Mondiale), avec néanmoins une forte disparité observée entre les pays. Le plan requiert également une amélioration du reporting de supervision, avec de nouveaux états FINREP prévus en 2020, et le développement d’un marché secondaire des actifs dépréciés.

Les transactions sur NPL

Pour réduire le volume de NPL au bilan des banques, il faut en faciliter la revente à d’autres investisseurs : sociétés de recouvrement, gestionnaires d’actifs, fonds spéculatifs… Néanmoins, manquant de données complètes, fiables et comparables, le marché secondaire pour les NPL est peu actif en Europe. C’est pourquoi l’EBA a été chargée de préparer un dataset harmonisé pour réduire les asymétries d’information entre acheteurs et vendeurs de NPL. Améliorer l’information sur les portefeuilles d’actifs non performants disponibles à la vente peut augmenter la base d’investisseurs potentiels, aider à la fixation des prix et finalement faciliter les transactions.

Sous l’appellation « EBA NPL templates », l’EBA a établi deux jeux d’états (encadré) pour la sélection et la vente des portefeuilles de NPL. Le premier jeu, dit « EBA NPL portfolio screening template » donne une information synthétique à destination des investisseurs. Les états « EBA NPL transaction templates », avec un niveau d’information le plus granulaire (au niveau du contrat), contiennent toutes les informations nécessaires aux acheteurs potentiels pour mener une due diligence financière et valoriser le portefeuille de NPL. Outre les modèles d’état, l’EBA a préparé des instructions d’utilisation, un dictionnaire des champs présents dans les états et des règles de contrôle. Les établissements sont encouragés à utiliser les « NPL templates » pour fournir des données comparables et standardisées aux investisseurs. La transmission doit être accompagnée de clauses de confidentialité adéquates, dans le respect des règles sur les données à caractère personnel contenues dans les états.

Les états 1.1 publiés en septembre 2018 par l’EBA comprennent des modifications légères par rapport à la version originale publiée en test en décembre 2017. Les retours d’expérience ont démontré qu’ils étaient globalement bien adaptés. Les évolutions comprennent des corrections et une revue des champs « legal » (contentieux) sur les procédures d’insolvabilité et de restructuration. La connaissance des dates et délais dans ces procédures est en effet déterminante sur la valorisation des prêts.

La mise en pratique

La mise à disposition par l’EBA des états NPL incite les établissements à détenir les informations qui y sont attendues dès l’origination du prêt, dans une définition qui respecte celle donnée par l’EBA dans le dictionnaire fourni avec les états. EBA et BCE souhaitent un meilleur suivi des NPL : l’identification permanente des NPL permet de prévenir leur accumulation et d’anticiper les mesures de réduction. Aussi, les états détaillés proposés par l’EBA peuvent être utilisés par les banques hors transaction, pour en réaliser le monitoring.

Néanmoins, l’existence et l’utilisation de tables de données n’affranchit pas chaque établissement, même lorsque le taux de NPL est faible, de préparer les stratégies de gestion et les principes de décision pour se décharger de ses actifs non performants. Si les informations des « NPL data templates », en qualifiant précisément chaque contrat dans le portefeuille mis en vente, doivent conduire à un prix plus juste, réduisant la marge d’incertitude de l’investisseur, il restera en général un écart conséquent entre la valeur dépréciée dans les livres de la banque et la valeur de marché du portefeuille cédé. La perte doit être comparée au coût des efforts de recouvrement et de la réduction de la qualité de crédit du bilan de l’établissement.

Les données structurées

Les « EBA NPL templates » proposent un modèle de données pour qualifier un prêt, ses échéances, ses parties prenantes, les sûretés associées et l’historique de gestion (échéancier, flux, restructurations, contentieux…). L’EBA, forte de son expertise en standardisation des données, a maintenu la cohérence avec les états réglementaires comptables FINREP et statistiques Anacredit. L’ensemble structure les données pour décrire un prêt.

Il existe des initiatives similaires pour d’autres produits : par exemple, les travaux sur les titrisations STS [2] ou le reporting des transactions MiFID2/MiFIR pour les marchés d’instruments financiers. La BCE avait aussi mené en 2013 une initiative loan-level pour décrire les titres de créance et prêts.

Ces démarches de data templates structurés et standardisés vont dans le sens d’un modèle complet et harmonisé pour décrire, au niveau du contrat élémentaire, tous les actifs et passifs d’une banque. La comptabilité donne une description standardisée du bilan, agrégée au niveau des comptes. Les data templates pourraient faire de même, à un niveau bien plus détaillé d’information.

Achevé de rédiger le 7 décembre 2018.

 

1 Processus de surveillance et d’évaluation prudentielle (Supervisory Review and Evaluation Process).
2 Simple, transparente, standardisée.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827
Notes :
1 Processus de surveillance et d’évaluation prudentielle (Supervisory Review and Evaluation Process).
2 Simple, transparente, standardisée.