Les banques centrales sur tous les fronts

Pour tout esprit form&eacute; dans l'orthodoxie des ann&eacute;es 1980 et 1990, il para&icirc;t &eacute;vident que les banques centrales existent avant tout pour garantir la stabilit&eacute; de la monnaie, profitant de leur ind&eacute;pendance pour lancer r&eacute;guli&egrave;rement de graves avertissements &agrave; des &Eacute;tats toujours trop dispendieux. Pourtant, historiquement, les banques centrales se sont cr&eacute;&eacute;es pr&eacute;cis&eacute;ment pour renflouer des gouvernements au bord de la faillite. Sans le d&eacute;faut de l'&Eacute;chiquier royal sous Charles II, apr&egrave;s la restauration anglaise, puis l'incapacit&eacute; de Guillaume d'Orange &agrave; financer ses guerres contre Louis XIV, le pouvoir politique n'aurait pas confi&eacute; &agrave; une banque le monopole de l'&eacute;mission de papier-monnaie (en contrepartie d'une prise en charge de la dette publique). La pratique du seigneuriage &ndash; financer le souverain par la diff&eacute;rence entre le co&ucirc;t de production de la monnaie fiduciaire et sa valeur lib&eacute;ratoire &ndash; a &eacute;t&eacute; encadr&eacute;e par l'&eacute;tablissement des banques centrales, jusqu'&agrave; devenir marginale dans le financement des &Eacute;tats, mais la capacit&eacute; de &laquo; mon&eacute;tiser la dette &raquo; est toujours une tentation. Au moins dans les situations extr&ecirc;mes, il n'y a en fait pas de contradiction &eacute;vidente entre le fait, pour une banque centrale, de financer plus au moins directement un souverain &ndash; en pratique par des achats d'obligations &ndash; et le maintien d'un objectif final de stabilit&eacute; des prix, pour autant que cet objectif soit compris de mani&egrave;re sym&eacute;trique, c'est-&agrave;-dire lorsque les risques de d&eacute;flation sont pris en compte. La &laquo; grande r&eacute;cession &raquo; de 2008 peut se comprendre analytiquement de la mani&egrave;re suivante [1] . Dans un mod&egrave;le ultra-simplifi&eacute;, l'&eacute;conomie est r&eacute;duite &agrave; deux cat&eacute;gories de consommateurs : l'une &laquo; impatiente &raquo;, pr&ecirc;te &agrave; d&eacute;penser aujourd'hui davantage que son revenu courant, l'autre &laquo; patiente &raquo;, pr&ecirc;te &agrave; &eacute;pargner. Lorsque tout va bien, le secteur bancaire va servir d'interm&eacute;diaire entre les deux cat&eacute;gories, transformant l'&eacute;pargne des uns en cr&eacute;dit pour les autres, contre un taux d'int&eacute;r&ecirc;t qui va r&eacute;mun&eacute;rer de mani&egrave;re ad&eacute;quate la prise de risque des agents &laquo; patients &raquo;. Lorsque le syst&egrave;me bancaire ne fonctionne plus &ndash; par exemple parce que le risque effectif s'est r&eacute;v&eacute;l&eacute; sup&eacute;rieur au risque d'escompte, comme dans la crise des subprime &ndash;, l'offre de cr&eacute;dit se tarit et les agents &laquo; impatients &raquo; doivent r&eacute;duire leur consommation. En r&eacute;duisant radicalement le taux d'int&eacute;r&ecirc;t, la politique mon&eacute;taire tente d'inciter les agents &laquo; patients &raquo; &agrave; changer d'attitude, &agrave; abandonner l'&eacute;pargne pour la consommation. Le &laquo; seul &raquo; probl&egrave;me alors est que, par construction, le taux d'int&eacute;r&ecirc;t peut difficilement passer en dessous de z&eacute;ro. Il y a une limite au pouvoir d'incitation de la politique mon&eacute;taire. Si, m&ecirc;me &agrave; taux z&eacute;ro, les agents &laquo; patients &raquo; ne reprennent pas le chemin de la d&eacute;pense, la spirale r&eacute;cessive peut rapidement se transformer en spirale d&eacute;flationniste, ce qui conduira en retour &agrave; augmenter la valeur r&eacute;elle de la dette accumul&eacute;e, engendrant ainsi un risque de d&eacute;faut g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;. Les banques centrales doivent trouver &laquo; autre chose &raquo; et le financement de l'&Eacute;tat peut faire partie de l'arsenal. La Fed &agrave; la rescousse de l'&Eacute;tat am&eacute;ricain Le programme d'achat d'obligations du Tr&eacute;sor am&eacute;ricain par la Fed a deux effets positifs sur l'&eacute;conomie : il permet d'abord de rendre g&eacute;rable le financement des d&eacute;ficits publics, et ensuite engendre un &laquo; effet de richesse &raquo; positif. En effet, si les agents &laquo; impatients &raquo; ne peuvent plus consommer et les agents &laquo; patients &raquo; ne veulent pas consommer davantage, l'&Eacute;tat se substitue &agrave; la d&eacute;pense priv&eacute;e. Le risque, toutefois, est que cette politique budg&eacute;taire expansive soit vue par les investisseurs comme vou&eacute;e &agrave; l'&eacute;chec et que la hausse de la dette publique s'accompagne d'une augmentation des taux d'int&eacute;r&ecirc;t (sous l'effet d'une exigence accrue des investisseurs) qui, &agrave; son tour, menace la reprise. Toutefois, la banque centrale peut contr&ocirc;ler indirectement le niveau du co&ucirc;t de financement de l'&Eacute;tat &ndash; qui sert d'ancrage &agrave; l'ensemble des taux d'int&eacute;r&ecirc;t de l'&eacute;conomie &ndash; en retirant de la circulation une fraction importante du stock de dette publique, en pratique en l'achetant. &Agrave; court terme, la r&eacute;duction de l'offre r&eacute;siduelle de titres permet de limiter le taux d'int&eacute;r&ecirc;t. Les conditions de financement de l'&Eacute;tat sont &eacute;galement am&eacute;lior&eacute;es &agrave; moyen terme. En effet, il est en d&eacute;finitive vain de distinguer le bilan du souverain de celui des banques centrales, puisque l'&Eacute;tat est en g&eacute;n&eacute;ral leur seul actionnaire ; ainsi, les int&eacute;r&ecirc;ts pay&eacute;s sur la dette accumul&eacute;e par la banque centrale sont revers&eacute;s &agrave; l'&Eacute;tat sous forme de dividendes. La soutenabilit&eacute; de la dette publique ne peut plus &ecirc;tre jug&eacute;e &agrave; l'aune du stock total de titres &eacute;mis rapport&eacute; au PIB. Il convient en fait de retirer du calcul la fraction acquise par la Banque centrale &ndash; en tout cas tant qu'elle ne la reverse pas dans le march&eacute;. Par ailleurs, la baisse des taux d'int&eacute;r&ecirc;t soutient les prix des actifs &ndash; pas simplement financiers, mais aussi immobiliers. L'effet de richesse ainsi produit participe au soutien de l'&eacute;conomie : le patrimoine net des agents &laquo; patients &raquo; progresse, ce qui peut les inciter &agrave; &eacute;pargner moins. La banque centrale, si elle accepte ce m&eacute;canisme &ndash; ce qui est clairement le cas de la Fed &ndash;, va maintenir son soutien au financement du souverain tant qu'elle consid&egrave;re que les risques de d&eacute;flation dominent, ce qui d&eacute;pend de l'&eacute;tendue de l' output gap [2] accumul&eacute;. En effet, l'inflation n'est pas directement d&eacute;pendante du rythme de croissance courant de l'&eacute;conomie, mais est plut&ocirc;t sensible au niveau des capacit&eacute;s de production exc&eacute;dentaire dans l'&eacute;conomie. Dans les raisons qui ont pouss&eacute; la Fed &agrave; ne pas r&eacute;duire ses achats de titres d&egrave;s septembre 2013, l'incertitude sur la taille de la contraction budg&eacute;taire qui r&eacute;sulterait des n&eacute;gociations difficiles entre la Maison Blanche et le Congr&egrave;s, et donc l'incertitude sur les risques &agrave; la baisse sur la demande int&eacute;rieure et l' output gap , ont sans doute domin&eacute;. Le r&ocirc;le plus complexe de la BCE Le contexte europ&eacute;en &ndash; dans lequel la BCE doit composer avec 17 politiques budg&eacute;taires diff&eacute;rentes &ndash; ne permet pas l'application simple d'un tel mod&egrave;le. Dans la zone euro, les risques de d&eacute;faillance compl&egrave;te d'&Eacute;tats souverains ont &eacute;t&eacute; &ndash; et sont sans doute encore &ndash; r&eacute;els. Pourtant, la BCE a refus&eacute; de s'engager durablement dans des programmes d'achat massifs d'obligations publiques. Plus encore, lorsque &ndash; dans le cas grec &ndash; la dette a finalement fait l'objet d'une restructuration, la BCE a choisi d'exclure de l'accord le stock d'obligations grecques qu'elle d&eacute;tenait. Les contraintes juridiques jouent un r&ocirc;le. En effet, participer &agrave; une restructuration reviendrait pour la banque centrale &agrave; accepter un financement mon&eacute;taire des finances publiques d'un &Eacute;tat membre, ce qui est express&eacute;ment interdit par le Trait&eacute; europ&eacute;en. Plus fondamentalement, la r&eacute;ticence de la BCE &agrave; s'engager sur le march&eacute; obligataire &ndash; m&ecirc;me si elle l'a fait bri&egrave;vement en lan&ccedil;ant le programme SMP [3] , ce qui est permis par son statut &ndash; int&egrave;gre deux dimensions : l'al&eacute;a moral . Que gagnerait collectivement la zone euro si les &Eacute;tats membres s'engageaient sciemment dans des politiques budg&eacute;taires non soutenables en s'appuyant sur une garantie de financement apport&eacute;e par la BCE ? Au-del&agrave; du soulagement conjoncturel temporaire, les causes profondes des crises souveraines ne seraient toujours pas trait&eacute;es ; une relative fragilit&eacute; institutionnelle et d&eacute;mocratique de la zone euro . Puisque les &Eacute;tats membres sont conjointement les garants financiers de la BCE &ndash; ce sont les souverains qui la renfloueraient en cas de perte, via les banques centrales nationales &ndash;, un financement mon&eacute;taire massif de l'un d'entre eux repr&eacute;sente de toute mani&egrave;re un co&ucirc;t potentiel pour les contribuables des autres pays. L'espace politique et les opinions publiques de la zone euro sont-ils parvenus &agrave; un niveau d'int&eacute;gration suffisant pour accepter cette union financi&egrave;re sans limite ? La r&eacute;ponse &agrave; ce stade est sans doute non. Pour la BCE, forcer le passage &agrave; des transferts potentiellement illimit&eacute;s de souverain &agrave; souverain sans mandat d&eacute;mocratique clair pourrait &agrave; terme cr&eacute;er un &laquo; choc en retour &raquo;, une r&eacute;bellion des opinions publiques qui menacerait in fine l'existence m&ecirc;me de la zone euro. Super Mario La solution interm&eacute;diaire &ndash; et efficace, du moins pour l'instant &ndash; consiste pour la BCE &agrave; assortir ses interventions &eacute;ventuelles &agrave; une conditionnalit&eacute; tellement politiquement co&ucirc;teuse pour l'&Eacute;tat ainsi soutenu que l'al&eacute;a moral dispara&icirc;t. Le &laquo; coup de g&eacute;nie &raquo; de Mario Draghi qui a introduit un nouvel outil, l' OMT [4] , c'est d'avoir alli&eacute; &agrave; l'efficacit&eacute; politique du MES (conditionnalit&eacute; et surveillance par les autres &Eacute;tats) la cr&eacute;dibilit&eacute; du pouvoir financier illimit&eacute; de la banque centrale. L'al&eacute;a moral a-t-il totalement disparu ? Probablement non. En effet, les anticipations des march&eacute;s ont rendu la simple menace d'un d&eacute;clenchement de l'OMT suffisante pour ramener la prime de risque pay&eacute;e par les &Eacute;tats membres &agrave; des niveaux soutenables. La moindre discipline de march&eacute; se traduit d&eacute;j&agrave; par un rel&acirc;chement des efforts dans certains pays p&eacute;riph&eacute;riques. Les d&eacute;bats actuels sur la TVA et la taxe fonci&egrave;re en Italie en sont des exemples concrets. La BCE va devoir s'engager dans une communication d&eacute;licate, suffisamment rassurante pour maintenir les primes de risque sous contr&ocirc;le, mais aussi suffisamment ambigu&euml; sur les conditions d'une intervention pour laisser de l'espace &agrave; la discipline de march&eacute;. La m&ecirc;me tension entre risque de d&eacute;flation et al&eacute;a moral se retrouve dans la gestion par les banques centrales du risque de d&eacute;faillance bancaire. Les principes d'intervention des banques centrales en cas de &laquo; panique bancaire &raquo;, ou de mat&eacute;rialisation d'un risque syst&eacute;mique pour utiliser une terminologie plus moderne, sont grosso modo les m&ecirc;mes depuis que Walter Bagehot, &agrave; l'&eacute;poque r&eacute;dacteur en chef de The Economist , les a &eacute;nonc&eacute;s en 1873 : il convient de &laquo; noyer &raquo; le march&eacute; mon&eacute;taire de liquidit&eacute;s, sans se pr&eacute;occuper &ndash; au moins dans un premier temps &ndash; de distinguer, parmi les banques, celles qui sont victimes d'un manque temporaire d'acc&egrave;s au financement et celles qui sont fondamentalement insolvables. En effet, une telle distinction est impossible &agrave; op&eacute;rer lorsque la crise engendre une variabilit&eacute; anormale des prix d'actifs. Toutefois, Walter Bagehot introduisait une condition &agrave; l'exercice par la banque centrale de sa mission de &laquo; pr&ecirc;teur en dernier ressort &raquo; : le prix de cette liquidit&eacute; devait &ecirc;tre suffisamment dissuasif pour &eacute;liminer l'al&eacute;a moral. La quantit&eacute; de &laquo; monnaie banque centrale &raquo; doit &ecirc;tre illimit&eacute;e, mais le taux d'int&eacute;r&ecirc;t doit rester substantiel. On peut retrouver la trace lointaine de cette approche dans la politique men&eacute;e par la BCE dans la premi&egrave;re phase de la crise financi&egrave;re, en 2008, o&ugrave; la banque centrale a compris &ndash; plus vite que la Banque d'Angleterre par exemple &ndash; qu'il fallait ouvrir grandes les portes de la liquidit&eacute; tout en menant une politique mon&eacute;taire restrictive, allant jusqu'&agrave; relever les taux directeurs en juillet 2008 alors que la r&eacute;cession avait d&eacute;j&agrave; commenc&eacute;. Soutenir les banques &agrave; bout de bras Les principes de Bagehot ont toutefois leurs limites lorsque la panique bancaire se communique &agrave; l'&eacute;conomie r&eacute;elle. En effet, si la solvabilit&eacute; des banques est menac&eacute;e parce que la r&eacute;vision des prix d'actifs &agrave; la baisse devient persistante, imposer un co&ucirc;t de financement dissuasif devient contre-productif. Comme dans le cas de la relation avec le souverain, quand la crise est persistante, prot&eacute;ger la viabilit&eacute; du syst&egrave;me bancaire par une d&eacute;tente du taux d'int&eacute;r&ecirc;t s'aligne sur l'objectif de stabilit&eacute; des prix. En effet, si l'on accepte l'id&eacute;e qu'&agrave; long terme l'inflation est li&eacute;e &agrave; la quantit&eacute; de monnaie d&eacute;tenue par les agents non financiers, alors un credit crunch est un vecteur de d&eacute;flation (il ne peut y avoir de cr&eacute;ation mon&eacute;taire sans cr&eacute;dit). Toutes les banques centrales, dans une deuxi&egrave;me phase de la crise, ont alli&eacute; une offre de liquidit&eacute; abondante &agrave; une diminution drastique des taux d'int&eacute;r&ecirc;t, soutenant en pratique &laquo; &agrave; bout de bras &raquo; le syst&egrave;me bancaire. Attention aux banques zombies Une telle approche n'est en revanche pas sans risque macro&eacute;conomique. En effet, elle peut aboutir &agrave; une prolif&eacute;ration de &laquo; banques zombies &raquo; elles-m&ecirc;mes g&eacute;n&eacute;rant des &laquo; entreprises zombies &raquo;. Le m&eacute;canisme &ndash; observ&eacute; au Japon dans les ann&eacute;es 1990 &ndash; est le suivant. Des banques intrins&egrave;quement insolvables survivent parce qu'&agrave; leur financement de march&eacute; s'est substitu&eacute; un financement &laquo; automatique &raquo; par la banque centrale &agrave; bas co&ucirc;t. Ces banques, &agrave; leur tour, maintiennent leurs lignes de cr&eacute;dit &agrave; des entreprises elles aussi intrins&egrave;quement insolvables, parce que &laquo; couper &raquo; ces lignes en provoquant la d&eacute;faillance des emprunteurs les obligerait &agrave; reconna&icirc;tre une perte dans leurs comptes qui pourrait aller jusqu'&agrave; faire passer leur ratio de capital en dessous des seuils r&eacute;glementaires. Parall&egrave;lement, comme les banques sont incit&eacute;es &agrave; r&eacute;duire la taille globale de leurs bilans &ndash; un autre moyen de maintenir leurs ratios de capital &ndash; l'octroi de financement suppl&eacute;mentaire aux &laquo; mauvais risques &raquo; existants ne peut se faire qu'au d&eacute;triment d'&eacute;ventuels &laquo; bons risques &raquo; (de nouveaux clients potentiels). Maintenir les banques sous perfusion &ndash; m&ecirc;me si la pression politique en ce sens est parfaitement compr&eacute;hensible &ndash; finit par conduire &agrave; la stagnation &eacute;conomique en emp&ecirc;chant le d&eacute;veloppement des entreprises les plus innovantes et productives. L'AQR, un diagnostic indispensable Comment alors est-il possible pour les banques centrales de concilier leurs diff&eacute;rents objectifs implicites ? Selon nous, la seule voie possible est l'intervention directe dans la gestion du bilan des banques commerciales via l'arme de la r&eacute;gulation. C'est la voie choisie par la BCE en imposant au secteur bancaire europ&eacute;en un nettoyage en profondeur de ses actifs comme pr&eacute;alable &agrave; la prise en charge de la supervision bancaire. L' Asset Quality Review qui doit intervenir en 2014 vise pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; lutter contre les risques de &laquo; zombification &raquo; de l'&eacute;conomie europ&eacute;enne. En for&ccedil;ant les banques &agrave; reconna&icirc;tre une bonne fois pour toutes, et de mani&egrave;re harmonis&eacute;e dans l'ensemble de la zone euro, l'&eacute;tendue de leurs cr&eacute;ances douteuses, la BCE va les obliger &agrave; assainir rapidement leur ratio de capital. C'est une condition pr&eacute;alable au red&eacute;marrage du cr&eacute;dit, qui lui-m&ecirc;me est sans doute le signal qu'attend le Conseil des Gouverneurs pour commencer &agrave; normaliser sa politique mon&eacute;taire. L'exercice peut g&eacute;n&eacute;rer du &laquo; bruit &raquo;, c'est-&agrave;-dire des perturbations, en particulier si la capacit&eacute; des &Eacute;tats &agrave; financer d'&eacute;ventuels besoins de recapitalisation de banques n'est pas au rendez-vous dans les pays les plus fragiles de la zone euro &ndash; ce qui incidemment explique l'insistance de la BCE &agrave; voir se construire un m&eacute;canisme de recapitalisation cr&eacute;dible au niveau &laquo; f&eacute;d&eacute;ral &raquo; &ndash;, mais il n'y a probablement pas d'alternative. D&egrave;s 2009, les &Eacute;tats-Unis avaient impos&eacute; &agrave; leurs banques une recapitalisation massive et rapide. Cet effort avait &eacute;t&eacute; crucial pour la reprise de 2010. L'Europe n'a que trop attendu. 1 Nous empruntons ici aux d&eacute;veloppements du Prix Nobel Paul Krugman. 2 L'output gap est la diff&eacute;rence entre le niveau effectif du PIB et celui qu&rsquo;il aurait atteint s&rsquo;il s&rsquo;&eacute;tait maintenu sur son rythme tendanciel sans intervention de la banque centrale. 3 SMP &ndash; Securities Market Programme : m&eacute;canisme d&rsquo;achat d&rsquo;obligations d&rsquo;&Eacute;tat par la BCE sur le march&eacute; secondaire. Il fut lanc&eacute; en mai 2010 et a &eacute;t&eacute; retir&eacute; de l&rsquo;arsenal de la BCE officiellement en septembre 2012, les derniers achats ayant &eacute;t&eacute; faits en f&eacute;vrier 2012. &Agrave; la diff&eacute;rence du syst&egrave;me adopt&eacute; par la suite (OMT, voir ci apr&egrave;s), il n&rsquo;&eacute;tait pas assorti de conditions pour les &Eacute;tats recevant ce soutien. 4 En vertu de ce dispositif, si un &Eacute;tat se trouve en difficult&eacute; pour honorer sa dette, la BCE ach&egrave;tera sans limite les obligations &eacute;mises par ce pays, &agrave; condition qu&rsquo;il ait demand&eacute; l&rsquo;aide du M&eacute;canisme europ&eacute;en de stabilit&eacute; (MES). Le MES conditionne son aide &agrave; la mise en œuvre, par l&rsquo;&Eacute;tat demandeur, de r&eacute;formes structurelles visant &agrave; am&eacute;liorer sa situation &eacute;conomique.

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