LCB-FT : la notion de bénéficiaire effectif

Quelles sont les obligations r&eacute;glementaires concernant les b&eacute;n&eacute;ficiaires effectifs ? La loi Sapin 2 du 8 novembre 2016, compl&eacute;t&eacute;e par l&rsquo;Ordonnance du 1er d&eacute;cembre 2016, ainsi que la transposition de la 4e directive europ&eacute;enne adopt&eacute;e en mai 2015 imposent aux &eacute;tablissements financiers une obligation en mati&egrave;re de recherche des b&eacute;n&eacute;ficiaires effectifs de leurs clients corporate. Simple dans son &eacute;nonc&eacute;, cette obligation est plus complexe dans sa mise en œuvre. Rappelons tout d&rsquo;abord la d&eacute;finition d&rsquo;un b&eacute;n&eacute;ficiaire effectif (BE), soit toute personne physique d&eacute;tenant plus de 25 % du capital. Mais il s&rsquo;av&egrave;re que, m&ecirc;me dans les textes, cette d&eacute;finition est beaucoup plus large : en d&eacute;finitive, en l&rsquo;absence de BE identifi&eacute;, les banques sont tenues de faire une &eacute;tude sur les dirigeants ou toute autre personne exer&ccedil;ant un contr&ocirc;le au sein de la soci&eacute;t&eacute;. Cela va donc beaucoup plus loin que la seule identification des propri&eacute;taires de l&rsquo;entreprise et cela demande des investigations beaucoup plus importantes, d&rsquo;autant que les textes pr&eacute;cisent qu&rsquo;il faut &eacute;galement identifier les BE dans les entit&eacute;s d&eacute;tenues par la soci&eacute;t&eacute; cliente. Il faut donc rechercher les BE dans les participations ascendantes, parmi les actionnaires, mais aussi descendantes, dans les filiales, lors de l&rsquo;entr&eacute;e en relation, mais aussi tout au long de la dur&eacute;e de vie du contrat. La recherche de BE doit &ecirc;tre constamment mise &agrave; jour. Quels sont les moyens &agrave; mettre en œuvre pour rechercher les b&eacute;n&eacute;ficiaires effectifs ? Selon les textes, la recherche doit &ecirc;tre ad&eacute;quate, exacte et actualis&eacute;e, mais les mesures &agrave; prendre ne sont pas pr&eacute;cis&eacute;es ; ce sera &agrave; la jurisprudence de pr&eacute;ciser ces notions. On peut n&eacute;anmoins citer Axa qui, en 2016, s'est vue infliger une amende de 2,5 millions d&rsquo;euros par l&rsquo;ACPR pour manque de process ; il n&rsquo;y avait pas de corruption av&eacute;r&eacute;e, mais les proc&eacute;dures internes mises en place ont &eacute;t&eacute; jug&eacute;es insuffisantes par l'Autorit&eacute;. L'actualisation induit une mise &agrave; jour r&eacute;guli&egrave;re, sans que la fr&eacute;quence soit pr&eacute;cis&eacute;e. En pratique, les banques vont faire des mises &agrave; jour en fonction des risques : une soci&eacute;t&eacute; qui pr&eacute;sente un risque plus important fera l'objet de mises &agrave; jour plus fr&eacute;quentes et la p&eacute;riodicit&eacute; adopt&eacute;e d&eacute;pendra des process mis en place par chaque &eacute;tablissement. Car une des grandes nouveaut&eacute;s de la 4e directive LCB-FT, reprise et accentu&eacute;e dans la 5e directive LCB-FT adopt&eacute;e le 19 avril par le Parlement europ&eacute;en, est la mise en place d&rsquo;une approche par les risques. Recueillir de l&rsquo;information ne suffit plus : il faut qu&rsquo;elle soit trait&eacute;e dans un mod&egrave;le de risques, qui permettra d&rsquo;&eacute;valuer le risque de corruption, de blanchiment ou de financement du terrorisme. Pour autant, aucun texte aujourd&rsquo;hui ne pr&eacute;cise de quoi doivent &ecirc;tre compos&eacute;s ces mod&egrave;les de risques, si ce n&rsquo;est qu&rsquo;ils doivent correspondre &agrave; la cartographie des risques &eacute;tablie par les entit&eacute;s assujetties aux directives LCB-FT. Ainsi, une banque doit d&rsquo;abord d&eacute;finir sa cartographie des risques, puis, &agrave; partir de l&agrave;, construire un mod&egrave;le d&rsquo;&eacute;valuation des risques. Le BE va &ecirc;tre int&eacute;gr&eacute; dans ce mod&egrave;le qui va &eacute;valuer le risque que le tiers avec qui la banque est engag&eacute;e pratique des actes de corruption ou de blanchiment d&rsquo;argent. Mais le BE est un &eacute;l&eacute;ment du risque &agrave; &eacute;valuer parmi d&rsquo;autres, comme la localisation g&eacute;ographique (le risque pays), ou l&rsquo;activit&eacute; (le risque sectoriel). L&rsquo;output est d&rsquo;avoir un niveau de risque. On peut imaginer avoir un syst&egrave;me de mod&eacute;lisation des risques &agrave; trois niveaux &ndash; &eacute;lev&eacute;, mod&eacute;r&eacute; et faible &ndash;, avec &agrave; la cl&eacute; un process qui refuse syst&eacute;matiquement en cas de demande d&rsquo;entr&eacute;e en relation avec une entit&eacute; class&eacute;e en risque &eacute;lev&eacute;, exige une analyse approfondie de la part des services comp&eacute;tents en interne pour un risque mod&eacute;r&eacute;, et accepte sans autre autorisation n&eacute;cessaire dans le cas d&rsquo;un risque faible. Les banques pourront-elles &eacute;galement s'appuyer sur le registre national ? La transposition de la directive europ&eacute;enne anti-blanchiment oblige en effet toutes les soci&eacute;t&eacute;s &eacute;tablies sur le territoire fran&ccedil;ais &agrave; d&eacute;clarer leurs BE aupr&egrave;s des greffes dans un registre national. Celui-ci est op&eacute;rationnel en France depuis avril dernier. En cas de manquement &agrave; cette obligation, les sanctions vont de 6 mois de prison pour les personnes physiques &agrave; 7 500 euros d&rsquo;amende pour les soci&eacute;t&eacute;s, ce qui est tr&egrave;s faible : pour un syst&egrave;me mafieux, les enjeux &agrave; la cl&eacute; sont bien sup&eacute;rieurs aux sanctions encourues. Ce registre centralis&eacute; est mis &agrave; disposition de certaines cat&eacute;gories de personnes list&eacute;es par d&eacute;cret, incluant les &eacute;tablissements de cr&eacute;dit, les antiquaires, les avocats, les mutuelles, les fonds de pension, les trusts, les &eacute;tablissements de jeu ou encore les autorit&eacute;s. Toutefois, les modalit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; ce registre ne sont pas encore fix&eacute;es. Aujourd&rsquo;hui, elles s&rsquo;orientent vers la d&eacute;signation d&rsquo;une personne r&eacute;f&eacute;rente au sein de l'entit&eacute; concern&eacute;e, qui sera seule habilit&eacute;e &agrave; faire les demandes, ces derni&egrave;res devant se faire une par une. Ce dernier point va poser un probl&egrave;me op&eacute;rationnel, car de plus en plus de due diligence sont aujourd'hui n&eacute;cessaires et il sera tr&egrave;s chronophage de devoir faire ses demandes au cas par cas. Se pose enfin la question de savoir comment ces informations vont &ecirc;tre actualis&eacute;es. Toutefois, une banque ne pourra pas pr&eacute;tendre ne pas avoir trouv&eacute; de BE si celui-ci ne figure pas dans le registre. La consultation du registre n&rsquo;est pas suffisante et il lui faudra aller au-del&agrave;, faire une &eacute;tude du groupe et rechercher les BE avec des mesures &laquo; ad&eacute;quates &raquo;. Quels autres moyens peuvent d&eacute;ployer les banques pour faire les recherches sur les b&eacute;n&eacute;ficiaires effectifs ? Elles peuvent faire elles-m&ecirc;mes des recoupements sur les informations dont elles disposent et enfin recourir &agrave; des services externes sp&eacute;cialis&eacute;s comme ceux de Bureau van Dijk, car il peut &ecirc;tre parfois ardu d'identifier les BE dans des montages pr&eacute;cis&eacute;ment con&ccedil;us pour les masquer. Ainsi une participation &eacute;valu&eacute;e &agrave; un niveau minoritaire dans les d&eacute;clarations faites au registre national ou dans les statuts, peut s&rsquo;av&eacute;rer majoritaire par le biais des participations crois&eacute;es ou circulaires sous-jacentes. Ce syst&egrave;me de participations circulaires est tellement propice aux syst&egrave;mes de blanchiment d&rsquo;argent que certains pays qui ont des enjeux importants dans la lutte contre les mafias comme l&rsquo;Italie, interdisent ce type de d&eacute;tention &agrave; plus de 10 %. Mais ces montages restent aujourd&rsquo;hui l&eacute;gaux en France. Ces recherches peuvent s'av&eacute;rer encore plus complexes quand il faut chercher l'information dans d'autres pays qui ne sont pas aussi structur&eacute;s que la France en mati&egrave;re d&eacute;clarations des entreprises, sans oublier l'actualisation r&eacute;guli&egrave;re de ces informations. Il peut s&rsquo;av&eacute;rer plus avantageux en termes de temps de passer par un prestataire ext&eacute;rieur, dont c&rsquo;est l&rsquo;activit&eacute; principale et qui peut mutualiser les recherches sur plusieurs clients. Quels sont les impacts op&eacute;rationnels de cette recherche de BE pour les banques ? Le premier point d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute; est qu'elles devront d&eacute;signer leur r&eacute;f&eacute;rent, seule personne habilit&eacute;e &agrave; faire des demandes au registre national des BE. Ensuite, il s&rsquo;agit d&rsquo;informations assez d&eacute;licates qui ne peuvent pas &ecirc;tre diffus&eacute;es &agrave; tout le monde, m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la soci&eacute;t&eacute;. Il va donc falloir prot&eacute;ger en interne cette information et en organiser sa circulation, pour ne la transmettre qu&rsquo;aux personnes habilit&eacute;es (les Compliance Officers), &eacute;galement d&eacute;finies par d&eacute;cret. Enfin, certaines obligations de la loi Sapin 2 sont contradictoires avec celles pr&eacute;vues par la CNIL. La loi Sapin 2 oblige &agrave; conserver toutes sortes d&rsquo;informations, notamment les &eacute;tudes des lanceurs d&rsquo;alerte, alors que la CNIL demande que les informations soient supprim&eacute;es quand le dossier est clos. Quelle r&egrave;gle les soci&eacute;t&eacute;s vont-elles privil&eacute;gier ?

RECHERCHEZ UN ARTICLE, UNE CHRONIQUE, PARMI L'ENSEMBLE DES PUBLICATIONS

RECHERCHEZ UN AUTEUR

Archive

LCB-FT : la notion de bénéficiaire effectif

Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, la réglementation prévoit que les banques recherchent les bénéficiaires effectifs de tous leurs clients corporate. Une obligation qui peut s'avérer complexe à mettre en œuvre.

À retrouver dans la revue

Banque de détail

[Web Only] Tarifs bancaires : les banques amortissent l’inflation

Blockchain/Cryptoactifs

Les garanties bancaires
sont d’excellents cas d’usage

Banque de financement et d'investissement (BFI)

« Paris est le centre de gravité
pour tous les instruments financiers traités en euros »

Paiements

Le droit de la responsabilité civile appliqué à des virements frauduleux en devises

Archive

Panorama réglementaire des actifs numériques

Archive

Sberbank : une valeur anéantie à zéro en fonds de portefeuille

Archive

La transformation repose sur des directions responsables et des équipes pluridisciplinaires

Suivez-nous

RECHERCHEZ UN ARTICLE, UNE CHRONIQUE, PARMI L'ENSEMBLE DES PUBLICATIONS

RECHERCHEZ UN AUTEUR

LCB-FT : la notion de bénéficiaire effectif

Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, la réglementation prévoit que les banques recherchent les bénéficiaires effectifs de tous leurs clients corporate. Une obligation qui peut s'avérer complexe à mettre en œuvre.

À retrouver dans la revue

[Web Only] Tarifs bancaires : les banques amortissent l’inflation

Les garanties bancaires sont d’excellents cas d’usage

« Paris est le centre de gravité pour tous les instruments financiers traités en euros »

Le droit de la responsabilité civile appliqué à des virements frauduleux en devises

Panorama réglementaire des actifs numériques

Sberbank : une valeur anéantie à zéro en fonds de portefeuille

La transformation repose sur des directions responsables et des équipes pluridisciplinaires

Les garanties bancaires
sont d’excellents cas d’usage

« Paris est le centre de gravité
pour tous les instruments financiers traités en euros »