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Rétrospective 2020

Entre Brexit et crise économique, l’Europe en proie aux incertitudes

Créé le

07.12.2020

Tandis que le virus de la Covid-19 se répandait sur le monde entier, bouleversant les économies pour une durée impossible à déterminer, l’Union européenne vivait en parallèle une seconde incertitude, liée au Brexit. Si le Royaume-Uni est d’ores et déjà sorti de l’UE – le 31 janvier 2020 – l’année 2020 a été celle de la transition : une année pendant laquelle rien n’a changé sur le plan pratique et réglementaire et qui devait laisser le temps de trouver un accord en vue d’organiser la relation future entre Britanniques et Européens. Cet accord n’est toujours pas finalisé le 7 décembre, quand ces lignes sont écrites. L’alternative à un accord serait un « no deal » qui rendrait le divorce beaucoup plus brutal.

Il a vite été considéré comme peu probable que l’accord sur la relation future puisse concerner les services financiers. Quant au régime des équivalences, s’il est utilisé en matière de compensation (voir encadré), il ne rencontre guère de succès dans les autres domaines financiers ; il est vrai qu’il présente des contraintes importantes et que l’UE a quelques réticences à l’accorder, craignant que la réglementation britannique ne diverge de la sienne. Aussi, nombre de banques anglaises ou américaines basées à la City ont dû créer des filiales dans l’UE pour pouvoir y commercialiser leurs services après la période de transition. Et la BCE veille à ce que ces entités ne soient pas des coquilles vides (une filiale bancaire présente en zone euro doit avoir une activité réelle en termes de gestion, de contrôle et de gouvernance des risques). Les banques de l’UE quant à elles, lorsqu’elles ont une entité basée à la City, doivent obtenir pour celle-ci une licence de la part du superviseur britannique.

Si le secteur bancaire et financier est loin d’être le plus concerné par le suspens autour de la signature d’un éventuel accord entre Londres et Bruxelles, l’issue de cette négociation aura nécessairement un impact sur l’économie britannique et celle de l’UE. Boris Johnson a donné le sentiment de ne pas redouter le « no deal » et le camp européen, sous la houlette de Michel Barnier, a exprimé son impatience. De plus, les négociations ont été perturbées par la Covid-19 dont plusieurs membres des équipes de négociation ont été victimes. Mais là n’est pas le seul effet de cette nouvelle forme de Coronavirus. Outre son impact sur la santé des personnes, le virus a condamné la quasi-totalité des pays au confinement, réduisant les taux de croissance à des niveaux indigents. Malgré les mesures de soutien, l’inquiétude est immense, fin 2020, pour la santé des entreprises qui, si elles font défaut sur leurs prêts bancaires, pèseront sur les bilans des banques. Le 2 décembre, l’EBA a réactivé les lignes directrices qu’elle avait publiées au début de la crise sur les moratoires, ceux-ci ne devant pas conduire automatiquement à la dépréciation des créances concernée. En introduisant cette souplesse, l’EBA cherche à préserver la capacité des banques à continuer de financer l’économie. S. G.

 

Ils ont dit

Pas de coquille vide en zone euro

« La BCE n’autorisera jamais de coquilles vides dans la zone euro : une filiale bancaire présente en zone euro doit avoir une activité réelle en termes de gestion, de contrôle et de gouvernance des risques. Et pour ce qui concerne les pays de l’UE qui sont hors zone euro, l’Autorité bancaire européenne (ABE) a adopté une doctrine semblable à la nôtre. Quant aux activités de marché dépendant de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), cette Autorité partage la même vision. » Edouard Fernandez-Bollo, membre du Conseil de surveillance prudentielle, BCE, Revue Banque n° 843, avril 2020, p. 28. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/bce-autorisera-jamais-coquilles-vides-dans-zone-eu

 

Inenvisageable dérégulation britannique

« Nous n’envisageons pas que le Royaume-Uni puisse s’engager dans la voie de la dérégulation. Le succès du secteur britannique des services financiers est fondé sur son rôle de leader mondial en matière de régulation. Et quoi qu’il arrive dans les années à venir, le Royaume-Uni continuera d’être un précurseur – cela maintiendra notre succès dans les domaines émergents de l’industrie financière comme la finance responsable et les FinTechs. » William Russell , Lord Mayor, City of London, Revue Banque n° 843, avril 2020, p. 26. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/city-face-au-brexit

 

Les CCP britanniques pourraient menacer la stabilité financière

« Même si d’après l’accord de transition actuellement en vigueur, les CCP britanniques sont tenues de respecter EMIR jusqu’au 31 décembre 2020, il existe un réel risque que les autorités britanniques finissent avec le temps par s’en affranchir et donc, par faire diverger leur droit national du droit communautaire. » Nathalie Aufauvre, directrice Générale de la Stabilité financière et des Opérations, Banque de France, et Thomas Carré, expert, Banque de France, Revue Banque n° 843, avril 2020, p. 30. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/enjeux-brexit-en-matiere-compensation

 

LCH Ltd : la compensation des swaps de taux en euros devrait migrer

« L’Europe ne demande pas à LCH Ltd de couper son contrat en deux : c’est toute la compensation des swaps de taux en euros qui devrait logiquement migrer vers l’UE, que cette compensation fasse intervenir une contrepartie européenne ou pas. Tout simplement parce que le prêteur en dernier ressort est la BCE. » Christian Noyer, représentant spécial sur le Brexit pour les questions financières pour le Gouvernement français, Revue Banque n° 843, avril 2020, p. 22. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/toute-compensation-des-swaps-taux-en-euros-devrait

 

Des risques impossibles à évaluer

« Les superviseurs de la BCE ont une image frappante pour décrire la situation des banques européennes : la crise actuelle est assimilable à un désert que les banques vont devoir traverser et elles doivent, pour cela, avoir suffisamment de carburant. En filant cette métaphore, je dirais que le réservoir des banques est plein – les banques ont globalement des bilans en bon état – mais que l’on ignore l’étendue du désert. Dans le domaine de l’immobilier commercial et du crédit aux entreprises, les risques sont importants et, selon moi, il est impossible à ce jour de savoir comment ils vont se matérialiser car d’une part le choc est sans précédent et d’autre part les dispositifs très puissants – et justifiés – de soutien en liquidité qu’apportent les États aux entreprises ont pour effet secondaire que les problèmes de solvabilité ne sont pas directement observables de manière agrégée, ce qui permettrait d’être plus prédictif sur leur taille. » Nicolas Véron, économiste, Bruegel, Peterson Institute, Revue Banque n° 846, juillet-août 2020, p. 23. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/crise-actuelle-est-assimilable-un-desert-que-les-b

 

Risque de défaut imminent

« Les entreprises trop largement surendettées ne seront pas en mesure d’assurer une reprise suffisante de l’investissement et de la productivité dont auront besoin les économies pour se remettre de la pandémie […] Plus encore que le risque de défaut imminent, celui d’une croissance durablement affaiblie sur fond de pressions déflationnistes persistantes et de bas niveaux structurels des taux d’intérêt justifierait largement les inquiétudes des investisseurs quant au futur des banques, durablement exposées à une anémie de demande de crédit et à un risque de défaut structurel. » Véronique Riches-Flores, économiste, présidente, RichesFlores Research, Revue Banque n° 849, novembre 2020, p. 38. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/avenir-des-banques-sera-marque-par-covid

 

Probable multiplication des crédits non performants

« L’accroissement du coût du risque est intervenu, jusqu’à présent, sans que le niveau des crédits non performants (catégorie 3) ait lui-même progressé. Les effets des mesures de soutien public se dissipant au fil du temps, on peut tabler sur une augmentation des défauts d’entreprises et de ménages dans un contexte de tension dans l’économie réelle. Il en résultera un accroissement des crédits non performants qui va de pair non seulement avec des besoins accrus de provisionnement mais aussi avec une croissance des actifs pondérés. Au total, la rentabilité des banques et leurs ratios CET1 seront sous pression. » Alain Laurin , Associate Managing Director, Moody’s, Revue Banque n° 849, novembre 2020, p. 35. http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/alain-laurin-moody-nous-anticipons-une-augmentatio.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº851