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Emprunts "toxiques" et collectivités locales - Synthèse

Créé le

27.06.2011

-

Mis à jour le

07.07.2011

En synthèse

1. Le dispositif Gissler (Charte + circulaire) a le mérite d’exister

Il témoigne d’une prise de conscience :

  • d’une part, des banques qui toutes ont pris des mesures internes visant à s’interdire de commercialiser à l’avenir certains produits aux collectivités locales,
  • d’autre part, des collectivités locales elles-mêmes qui reconnaissent implicitement (cf. les engagements 5 et 6 de la Charte) un manque de transparence de l’information fournie aux élus sur les opérations conclues.

2. Mais ce dispositif, au-delà de ses imperfections juridiques, intervient un peu tard

Le problème concerne aujourd’hui le stock de dettes (en extinction). L’actualité souligne ce phénomène : le parti socialiste vient de monter un groupe de travail à l’Assemblée nationale sur une société de défaisance au sein de laquelle seraient logées ces dettes toxiques. Il est probable qu’un financement étatique de cette structure figurera parmi les préconisations de ce groupe de travail.

Le 8 mars dernier a été créée, à l’initiative de Claude Bartolone, une association d’élus baptisée « Acheteurs publics contre les emprunts toxiques », censée constituer « une force de frappe collective » contre leurs créanciers, aider les collectivités locales dans leurs négociations de réaménagement de dette, et adopter une stratégie commune dans la conduite des contentieux.

Enfin, devant la montée de la contestation, les parlementaires socialistes ont demandé la création d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale sur les emprunts « toxiques ». Le 25 mai dernier, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de résolution présentée par les parlementaires socialistes visant à la création de cette Commission d’enquête.

Celle-ci sera chargée d’étudier les conditions dans lesquelles ces emprunts « toxiques » ont été souscrits par les collectivités locales, mais également de « déterminer l’encours qu’ils représentent, leur nature et leur impact sur les comptes publics », ainsi que de « tirer les conséquences législatives et réglementaires de leur souscription ».

Le député PS et président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, sera le rapporteur de cette Commission.

3. Les décisions de justice rendues récemment en la matière, et favorables aux banques, montrent également :

  • que certaines collectivités locales ont « joué avec le feu », attirées par des taux bas, et au besoin en prenant quelques libertés avec les règles budgétaires et comptables ;
  • et que les banques n’ont pas toujours failli à leurs obligations de mise en garde, notamment lorsque la collectivité emprunteuse ne pouvait pas être qualifiée de « profane » ;
  • les récentes décisions intervenues en Italie et en Allemagne doivent toutefois inciter les banques à se montrer vigilantes…

4. Le recours aux produits structurés s’est parfois révélé très profitable pour certaines collectivités

Certains analystes ont pu ainsi évoquer des économies d’intérêts de l’ordre de 40 M d’euros pour la Communauté urbaine de Lille entre 2005 et 2008, ou encore de 20 M d’euros pour le département de la Seine-Saint-Denis entre 2001 et 2008.

Au point que certaines collectivités refuseraient encore actuellement de réaménager leur dette malgré une campagne de sensibilisation entreprise par les banques auprès de leurs clients…

Ceci explique que sur environ 15 000 collectivités locales ayant un encours de dette structurée, seulement une vingtaine pose aujourd’hui des difficultés en termes de relations commerciales.

5. L’État demeure mal à l’aise sur le sujet

La DGTPE a adressé aux banques en février 2011 un questionnaire sur les produits structurés en vue d’effectuer un état des lieux des encours et des situations sensibles, et envisage de repenser le sujet au plan juridique.

Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour l’avenir :

  • Plafonner réglementairement les frais financiers pour les collectivités locales. En Italie ou en Espagne, le montant des intérêts ne doit pas excéder 25 % des recettes de fonctionnement, ce qui oblige les collectivités locales à effectuer des prévisions financières plus fines pour éviter tout dérapage. L’inconvénient est la réduction de la liberté des collectivités locales en matière d’emprunts.
  • Imposer aux collectivités locales de valoriser leurs emprunts dans leur budget. En normes IFRS, les entreprises sont soumises à l’obligation d’évaluer le « Mark to Market » de leurs emprunts (valorisation de la dette « à la casse », c’est-à-dire le montant pour lequel leur passif pourrait être éteint) et de provisionner au 31 décembre les valeurs de marché des opérations spéculatives.
Les discussions qui s’ouvrent à partir de maintenant avec le Trésor vont, espérons-le, permettre de perfectionner le cadre juridique actuel du financement des collectivités publiques.

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº137