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Avantages et limites des accords compétitivité-emploi

Créé le

17.02.2012

-

Mis à jour le

28.02.2012

Dans son intervention télévisée du 31 janvier 2012, le chef de l’État a manifesté sa volonté de mettre en place des « accords compétitivité-emploi ». L’objet de ces accords est de pouvoir ajuster la durée du travail et/ou les rémunérations des salariés en contrepartie d’engagements sur le maintien de l’emploi pendant une durée déterminée. Ce type de dispositif a été mis en œuvre en Allemagne par des accords conclus entre directions et syndicats. Le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de négocier la mise en place de ces dispositions dans les deux mois. Un texte de loi devrait intervenir ensuite.

Dans notre pays, certains accords de ce type ont été conclus, mais ils se heurtent à des difficultés juridiques liées à la prééminence du contrat de travail. En effet, on ne peut modifier la durée du travail et la rémunération du salarié sans son accord, ces éléments faisant partie de son contrat de travail. Les accords signés avec les organisations syndicales, même majoritaires, doivent donc être soumis à l’approbation individuelle de chaque salarié. Si celui-ci refuse, il y a rupture de son contrat imputable à son employeur (licenciement). Le Gouvernement souhaite donc lever cette difficulté juridique et permettre aux accords d’entreprise de s’imposer par eux-mêmes.

Toutefois, l’émergence de ce type d’accord ne dépend pas principalement de l’évolution du cadre juridique. Des accords de ce type ont déjà été conclus dans notre pays. La ratification individuelle est certes gênante, mais pas insurmontable, car lorsque l’accord est signé par des organisations syndicales vraiment représentatives du corps social, la très grande majorité des salariés, voire la quasi-unanimité, accepte la modification du contrat de travail.

La condition essentielle à l’émergence de ce type d’accord tient à la qualité des acteurs. Du côté syndical, il faut des organisations qui acceptent une remise en cause temporaire de certains acquis sociaux, pour sauvegarder l’emploi. En France aujourd’hui, seule la CFDT se déclare prête à cette démarche. Les autres organisations syndicales sont, soit réservées, soit franchement hostiles. Il sera donc difficile de trouver au niveau local des organisations syndicales prêtes à conclure ce type d’accord. Du côté patronal, la signature de tels accords suppose que l’entreprise accepte de mettre sur la table tous les éléments économiques et financiers justifiant l’opération, et donc d’entrer dans une sorte de cogestion qui n’est pas dans la tradition française, surtout au niveau des PME. Il faut aussi que l’entreprise puisse prendre et tenir des engagements sur l’emploi suffisamment forts et d’une durée raisonnable pour convaincre leurs partenaires d’abandonner temporairement des acquis sociaux. De tels engagements sont difficiles à prendre, et surtout à respecter dans le cas de PME ayant une situation financière souvent difficile et une faible visibilité en matière d’activité. Seules des entreprises importantes paraissent pouvoir entrer dans ce type de dispositif.

Au total, la mise en place de tels accords peut, dans certains cas, être positive pour faire face à des difficultés conjoncturelles et sauvegarder l’emploi. Même si les difficultés juridiques sont levées, il ne faut cependant pas s’attendre à une multiplication de ce type d’accords. Il faut aussi relever que, puisqu’ils remettent en cause le droit du travail actuel, ce type d’accords devrait en tout état de cause être encadré. Un compromis doit être trouvé entre le respect absolu du contrat qui paralyse l’adaptation de l’entreprise, et un pouvoir excessif des accords collectifs, qui pourraient totalement fouler aux pieds les contrats individuels.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº746