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Transports : vers le tout digital

Créé le

11.03.2019

-

Mis à jour le

29.03.2019

Les paiements dans les transports sont marqués par de fortes évolutions : l’heure est au paiement « frictionless » et à la convergence entre billettique et monétique sur un même support, principalement la carte bancaire.

Dans la mobilité, les transports sont susceptibles d’être catégorisés par leurs usages : transports publics, qu’ils soient urbains ou interurbains, voire internationaux, par opposition aux transports individuels, que l’usager en soit propriétaire ou locataire, ponctuellement (moyen de transport en libre-service ou free-floating par exemple) ou dans la durée (leasing, par exemple).

En même temps, nous pouvons distinguer les moyens de paiement des transports eux-mêmes de ceux des services leur étant périphériques.

À travers ce prisme, nous constatons que les façons de payer sont spécifiques à chaque type de transport et selon la réglementation en vigueur. Globalement, les parcours clients évoluent vers le tout digital.

Le paiement du transport lui-même

Dans le cas des réseaux de VTC, voire maintenant de grandes centrales de taxi (notamment celles d’Île-de-France), le paiement basé sur la carte passe par l’application mobile de la centrale et devient presque invisible : le client commande et consomme la course et le paiement est réalisé automatiquement. Le paiement n’est pas garanti, mais un impayé empêche l’utilisateur de poursuivre avec son application.

Pour les moyens de transport personnels en location à l’usage, que ce soit sur borne ou en free-floating, tels que vélo, voiture et maintenant trottinette, il s’agit généralement d’un abonnement adossé à un prélèvement ou à des règlements récurrents par carte bancaire. La caution (non débitée) est traitée par enregistrement de la carte bancaire.

Les transports publics (bus, métro, train) sont généralement réalisés en mode prépayé, avec des paiements à l’unité en liquide, par carte bancaire, ou en abonnement basé sur un prélèvement, tel que la carte Navigo en Ile-de-France. Celle-ci est rechargeable avec un paiement à la borne et supporte maintenant un paiement par carte en ligne (le titre devant toujours être activé à une borne).

Le transport aérien est traité depuis longtemps comme un cas particulier, avec des fonctions spécifiques de contrôle des usagers, par exemple la vérification de la corrélation du nom de la carte de paiement avec le nom du passager et la mise en œuvre d’outils de lutte contre la fraude pour s’assurer non seulement du paiement, mais aussi de la légitimité de l’acheteur.

Le paiement de services périphériques

Nous connaissons tous l’horodateur, historiquement à pièce puis à carte bancaire, qui permet maintenant de payer via une application mobile en se basant sur la carte enregistrée dans le profil utilisateur. Il s’agit de paiements en ligne, généralement sans garantie de paiement (sans 3D Secure) devant évoluer pour respecter les nouvelles règles européennes (Regulatory Technical Standards de la DSP 2) imposant en particulier l’authentification forte au-dessus d’un montant certain unitaire et d’un montant cumulé. Pour des raisons réglementaires liées à l’obligation d’encaissement à J+1 des fonds publics, le règlement mensuel du parking sur facture par virement ou par carte en cas de gestion par un opérateur public n’est pas possible en France.

Sur autoroute, outre l’abonnement avec prélèvement pour le système privatif avec badge de télépéage (tel que Liber-T), le paiement par carte se fait sans saisie de code confidentiel (PIN) afin de fluidifier les péages. Depuis longtemps, il est traité en dérogation aux règles des réseaux carte (comme Visa, Mastercard ou encore CB en France), par une agrégation des paiements de la journée de faibles montants en un seul, consolidés quotidiennement.

Combinant paiement de transport et services périphériques, notons le cas particulier des déplacements professionnels susceptibles d’être pris en charge par l’entreprise via une carte affaires ou, de plus en plus souvent, une carte spécifique aux voyages. Celle-ci est alors prépayée par l’entreprise et intègre des contrôles de l’usage comme l’approvisionnement automatique de carburant, les péages d’autoroute, le parking, l’hôtel et le restaurant (à travers un mécanisme de blocage des types de commerçants repérés par leur code APE pour les cartes CB ou leur Merchant Category Code utilisé par les réseaux carte internationaux) et de montant.

Ces nouvelles cartes mises sur le marché par les acteurs du prépayé montrent leurs limites s’agissant des logiciels de gestion des réservations au sein de grandes entreprises, qui réalisent les règlements en batch sans possibilité d’effectuer une demande d’autorisation préalable, comme requis avec les cartes prépayées et vérifier la disponibilité des fonds sur le compte de monnaie électronique.

Les évolutions de l’usage des moyens de paiement

Avec la diversification des solutions de transport et surtout l’évolution des offres de mobilité et des usages, les façons de payer changent, dans leurs modalités comme dans leurs règles et les nouveaux moyens de paiements s’invitent à la diversification.

Tout d’abord, le paiement sans friction (frictionless) se généralise via les applications mobiles et l’enregistrement des données cartes dans le profil utilisateur. Le nouveau paradigme du commerce s’applique aussi au transport, en particulier des VTC : le client consomme et le paiement se fait en arrière-plan, de façon asynchrone. Ici, le moyen de paiement reste classique, mais avec un déclenchement initié par le marchand plutôt que par le porteur de la carte. L’évolution en cours provient de la désintermédiation des acteurs traditionnels du paiement par des opérateurs internationaux de services (tel que Uber) dont les volumes très importants de paiements sont pour eux une incitation à reprendre en main les flux financiers en mettant en place leur propre établissement de paiement (dans une trajectoire similaire à celle de la grande distribution).

D’un autre côté, des évolutions spécifiques de l’usage de la carte sans contact font leurs apparitions autour des moyens de paiement les plus dynamiques en innovation et adaptation aux besoins. Le plus représentatif est l’open payment. Dans ce cas, le titre de transport est remplacé par la carte bancaire sans contact, avec un calcul a posteriori du prix à appliquer, voire en intégrant une optimisation tarifaire au bénéfice de l’usager. Notons que la carte peut être « virtualisée » dans un wallet mobile de type Apple Pay ou équivalent. Véritable convergence de la billettique et de la monétique dans les transports urbains, l’open payment devrait se généraliser dans les villes d’Europe et des autres pays développés, boosté par le soutien des réseaux internationaux de cartes et l’adaptation des règles domestiques. Ainsi, on a pu constater au Royaume-Uni la négociation de spécificités entre UKCA et les schemes internationaux, en particulier sur les montants des préautorisations suivant le type et l’origine des cartes, ainsi que sur la garantie de paiement. En France, les règles domestiques sont définies au sein du groupement CB. Dans ce contexte, le moyen de paiement évolue avec ses règles d’usage adaptées au cas du transport public. En parallèle arrive l’Account Based Ticketing (ABT), une billettique centralisée (comme l’open payment) basée sur des comptes utilisateurs et des identifiants variés comme les codes 2D. Alors que l’open payment est un ATB initialement anonyme et basé sur la carte bancaire sans contact, les post-paiements de l’ABT sont susceptibles de se déboucler sur le prélèvement, le paiement sur facture, la carte bancaire en paiement récurrent (initié par l’opérateur de transport, sans garantie de paiement), l’ABT supportant aussi le prépaiement. Les moyens de paiements traditionnels, mais aussi les paiements par mobile présentant une carte dématérialisée d’un scheme monétique reconnu, sont utilisés par la nouvelle billettique.

Les nouveaux moyens de paiement ne sont pas en reste. Ainsi, le paiement instantané devrait prendre sa place dans les transports, en particulier aériens, par exemple pour traiter les indemnisations. Dans ce cas d’usage, le paiement instantané offre l’immédiateté indispensable aux clients bloqués à la suite d'incidents ou de grèves et permet de verser une somme forfaitaire utilisable tout de suite, pour couvrir les frais connexes (hôtel et restaurant lorsque le passager est bloqué dans un aéroport ou une gare).

L’évolution du transport vers le multimodal

Les usages actuels évoluent vers MaaS (Mobility as a Service) et la recherche de services de transport de bout en bout mixant les moyens de transport pour qu’ils soient adaptés aux besoins ad hoc des trajets successifs, dans une approche multimodale. Des opérateurs de transport se positionnent pour proposer une offre globale intégrant le paiement susceptible de prendre en compte l’ensemble des modes de transport, par exemple le partage de voiture, le bus longue distance, le train régional, le métro et le vélo à l’arrivée. Cela n’est pas sans poser la question de l’hétérogénéité des supports des titres de transport et des moyens de paiement afférents. Du point de vue du paiement, la vente combinée de moyens de transport n’est pas sans rappeler l’agence de voyages ou encore la marketplace, avec son encaissement pour compte de tiers régulé différemment suivant le statut du vendeur.

 

La diversité des cas et les fortes spécificités de certaines formes de paiement des transports imposent des règles d’usage de la carte bancaire adaptées aux conditions et contraintes afférentes. Les autres moyens de paiement sont utilisés de façon plutôt classique, dans un contexte toujours plus digital et mobile.

Enfin, les nouveaux moyens de paiement sont perçus comme des opportunités pour mieux répondre à des besoins particuliers, auxquels les moyens de paiements historiques ne sont pas bien adaptés. Par ailleurs, l’encaissement pour compte de tiers arrive dans les transports après s’être généralisé dans la vente en ligne, en particulier pour proposer une offre de bout en bout et son règlement afférent, alors que différents opérateurs de transport délivrent chacun un tronçon du trajet global.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº831