Temps réel : « Les pays émergents, et l’Asie en particulier, sont en avance »

Dans quelle mesure le temps r&eacute;el se r&eacute;pand-il &agrave; travers le monde, en mati&egrave;re de transactions financi&egrave;res ? C&rsquo;est une r&eacute;alit&eacute; dans de nombreux march&eacute;s. Les pays &eacute;mergents, et l&rsquo;Asie en particulier, sont en avance sur les march&eacute;s dits d&eacute;velopp&eacute;s, &agrave; l&rsquo;exception du Royaume-Uni qui montre le chemin pour l&rsquo;Europe. C&rsquo;est un constat connu : lorsqu&rsquo;il ne dispose pas d&rsquo;une infrastructure performante, un pays aura tendance &agrave; sauter une &eacute;tape et &agrave; passer directement &agrave; la technologie la plus en pointe. C&rsquo;est le ph&eacute;nom&egrave;ne de &laquo; leapfrogging &raquo;. Quand le Myanmar s&rsquo;ouvre au monde, il se dote de t&eacute;l&eacute;phones cellulaires, sans passer par l&rsquo;&eacute;tape des lignes fixes. Il en va de m&ecirc;me dans l&rsquo;univers des infrastructures financi&egrave;res. L&rsquo;adoption de nouvelles technologies est donc potentiellement plus rapide que dans les pays d&eacute;velopp&eacute;s o&ugrave; les infrastructures anciennes fonctionnent bien et sont tr&egrave;s imbriqu&eacute;es dans les &eacute;cosyst&egrave;mes. Aujourd&rsquo;hui, on trouve du paiement en temps r&eacute;el en Inde, en Chine, &agrave; Singapour, en Afrique du Sud, &agrave; Hong Kong, en Tha&iuml;lande, en Malaisie et au Nigeria. Le temps r&eacute;el est-il souhaitable pour tous les m&eacute;tiers bancaires ? Les b&eacute;n&eacute;fices du temps r&eacute;el suivent des rendements d&eacute;croissants. La question n&rsquo;est pas que la transaction soit la plus rapide possible, mais de savoir &agrave; quelle vitesse elle est suffisamment rapide. Pour un client, passer de trois jours &agrave; un est un progr&egrave;s &eacute;norme ; passer d&rsquo;un jour &agrave; quelques heures est d&eacute;j&agrave; moins important ; passer de quelques heures &agrave; quelques secondes n&rsquo;a d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que pour certaines applications commerciales. Dans quels cas le temps r&eacute;el peut-il se r&eacute;v&eacute;ler le plus pertinent ? L&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration des paiements est utile pour am&eacute;liorer l&rsquo;efficience de la supply chain . C&rsquo;est la r&eacute;flexion au cœur de notre strat&eacute;gie &laquo; Banking the ecosystem &raquo; : la cha&icirc;ne logistique se complexifie et il devient essentiel d&rsquo;int&eacute;grer ses diff&eacute;rents participants, du &laquo; fournisseur du fournisseur &raquo; au consommateur final. Des paiements plus rapides permettront de r&eacute;duire le besoin en fonds de roulement des interm&eacute;diaires. Le temps r&eacute;el s&rsquo;inscrit aussi dans le contexte d&rsquo;un monde de plus en plus digital, marqu&eacute; par la recherche de la satisfaction imm&eacute;diate : on voit un produit et on veut imm&eacute;diatement avoir plus d&rsquo;informations, l&rsquo;acheter, le payer et le recevoir. L&rsquo;exemple de la logistique lors de la livraison d&rsquo;une commande en ligne est parlant : le client v&eacute;rifie l&rsquo;&eacute;tat du colis et paie en temps r&eacute;el, mais sans avoir recours au cash qui peut &ecirc;tre perdu, vol&eacute; ou d&eacute;tourn&eacute;. Pour ce type d&rsquo;usages, le temps r&eacute;el a une importance majeure. Pour d&rsquo;autres, il en a moins. Qu&rsquo;est-ce que cela change pour les banques ? Nous nous acheminons vers un monde o&ugrave; les paiements seront certes plus rapides, mais aussi plus nombreux et de valeur plus faible. Pour les traiter, on s&rsquo;orientera donc plus naturellement vers de nouveaux syst&egrave;mes en temps r&eacute;el plut&ocirc;t que vers des ACH [1] op&eacute;rant une compensation des transactions re&ccedil;ues par lots. Techniquement, les banques ont la capacit&eacute; de processer des transactions en temps r&eacute;el : elles le font d&eacute;j&agrave; pour transf&eacute;rer des fonds entre deux comptes internes. Le ralentissement provient davantage de l&rsquo;infrastructure utilis&eacute;e au niveau du march&eacute;, qui impose encore souvent des d&eacute;lais de r&egrave;glement de plusieurs jours. On peut toutefois s&rsquo;attendre &agrave; une convergence vers des syst&egrave;mes comme Faster Payment au Royaume-Uni. L&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;acteurs non bancaires comme les FinTechs peut-elle acc&eacute;l&eacute;rer le mouvement ? Les pays &eacute;mergents ont vu l&rsquo;&eacute;mergence de solutions de portefeuilles &eacute;lectroniques, des mobile wallets op&eacute;rant en syst&egrave;me ferm&eacute; et fonctionnant en temps r&eacute;el en parall&egrave;le des infrastructures de compensation nationales. M-Pesa au Kenya en est un exemple bien connu. Cela met implicitement la pression sur l&rsquo;infrastructure de march&eacute;, l&rsquo;obligeant &agrave; converger. En Chine, au d&eacute;veloppement du paiement par WeChat, filiale du g&eacute;ant de l&rsquo;internet Tencent, ou de Alipay, filiale du groupe Alibaba, co&iuml;ncide avec l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration de l&rsquo;adoption de l&rsquo;infrastructure du temps r&eacute;el, utilisant CNAPS au niveau domestique ou CIPS+ &agrave; l&rsquo;international. Dans d&rsquo;autres cas, cette &eacute;volution n&rsquo;a rien &agrave; voir avec les FinTechs. Par exemple ? En Inde, c&rsquo;est &agrave; l&rsquo;initiative du r&eacute;gulateur qui a mis en place une infrastructure ( United Payments Interface &ndash; UPI) permettant de payer depuis n&rsquo;importe quelle banque gr&acirc;ce &agrave; un identifiant virtuel et qui a coupl&eacute; cela avec un mouvement de d&eacute;mon&eacute;tisation, en retirant les billets de 500 et 1 000 roupies de la circulation. Proposez-vous ce type de paiement en temps r&eacute;el chez Standard Chartered ? Nous disposons aujourd&rsquo;hui de &laquo; mobile wallets &raquo; sur une vingtaine de march&eacute;s : ils font partie de notre bo&icirc;te &agrave; outils pour servir l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me de la supply chain dont je parlais pr&eacute;c&eacute;demment, y compris les tout petits fournisseurs parfois non bancaris&eacute;s. Nous avons &eacute;galement int&eacute;gr&eacute; UPI &agrave; notre offre aux entreprises, car, au-del&agrave; du P2P, ce moyen de paiement pr&eacute;sente beaucoup d&rsquo;avantages pour le C2B : nous pouvons bien mieux tracer le paiement d&rsquo;un client jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ERP de l&rsquo;entreprise, le r&eacute;concilier avec la facture et ce, de mani&egrave;re totalement fluide. Par ailleurs, le co&ucirc;t de la transaction y est beaucoup plus faible que dans le cas d&rsquo;un paiement par carte de cr&eacute;dit. Il faut bien voir que le temps r&eacute;el n&rsquo;est pas un but en soi : ce qui compte, c&rsquo;est d&rsquo;am&eacute;liorer l&rsquo;efficience de la cha&icirc;ne logistique dans son ensemble. Le paiement instantan&eacute; n&rsquo;en est qu&rsquo;un outil. Qu&rsquo;est-ce qui fait obstacle &agrave; l&rsquo;adoption du temps r&eacute;el par les banques ? &Agrave; court terme, cela g&eacute;n&egrave;re un manque &agrave; gagner pour elles. Nous cannibalisons certaines de nos sources de revenus et nous en avons conscience. C&rsquo;est une d&eacute;cision difficile &agrave; prendre. Par ailleurs, il y a des obstacles li&eacute;s &agrave; l&rsquo;int&eacute;gration de ce temps r&eacute;el dans les syst&egrave;mes bancaires, avec les v&eacute;rifications de conformit&eacute; et antifraude que cela suppose. Enfin, les banques peuvent avoir du mal &agrave; collaborer. Pourtant, les banques ont une culture de l&rsquo;interop&eacute;rabilit&eacute;, que n&rsquo;ont pas n&eacute;cessairement, par exemple, les op&eacute;rateurs t&eacute;l&eacute;phoniques&hellip; Elles savent g&eacute;rer l&rsquo;interop&eacute;rabilit&eacute; dans la mesure o&ugrave; elles la souhaitent. La r&eacute;alit&eacute; est que ces &eacute;volutions n&rsquo;ont tendance &agrave; se faire que sous la pression d&rsquo;un r&eacute;gulateur, d&rsquo;un nouveau concurrent ou d&rsquo;une demande de march&eacute;. Je crois que l&rsquo;&eacute;lan peut aussi &ecirc;tre donn&eacute; en interne, par des collaborateurs qui ont une vision plus prospective et qui seront pr&ecirc;ts &agrave; avancer vers une meilleure exp&eacute;rience client et une meilleure offre quand bien m&ecirc;me cela cannibaliserait une partie des revenus &agrave; court terme. Tout d&eacute;pend enfin des conditions de march&eacute; dans lesquelles les banques &eacute;voluent. Dans le cas de Standard Chartered, nous op&eacute;rons en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient et tr&egrave;s peu dans les pays d&eacute;velopp&eacute;s : nous sommes confront&eacute;s &agrave; des probl&eacute;matiques comme le paiement de petits agriculteurs non bancaris&eacute;s au Sri Lanka ou le r&egrave;glement d&rsquo;une livraison au Kenya. Si nous n&rsquo;&eacute;voluons pas, nous n&rsquo;aurons tout simplement pas de business &agrave; faire ! La blockchain a-t-elle un r&ocirc;le &agrave; jouer sur le sujet du temps r&eacute;el ? Nous avons collabor&eacute; avec d&rsquo;autres banques et la FinTech Ripple sur le r&egrave;glement en temps r&eacute;el des paiements internationaux via la technologie blockchain . Nous avons tout d&rsquo;abord pu constater que cela fonctionne : nous avons r&eacute;alis&eacute; pour la premi&egrave;re fois en septembre 2016 une transaction transfronti&egrave;re en moins de 10 secondes via la technologie des registres distribu&eacute;s (DLT) avec une banque correspondante. Cette exp&eacute;rience nous a aussi permis de faire plusieurs constatations : comme dans tout r&eacute;seau ferm&eacute;, l&rsquo;important est de susciter une large adoption pour avoir suffisamment de banques capables de r&eacute;ceptionner les paiements ; l&rsquo;int&eacute;gration dans les syst&egrave;mes bancaires n&rsquo;est pas non plus simple. Mais une fois que tout est en place, la technologie DLT permet de faire du temps r&eacute;el de mani&egrave;re interop&eacute;rable. Cela nous a permis de confirmer en outre que c&rsquo;&eacute;tait le protocole blockchain qui &eacute;tait pertinent pour nous et non la cryptomonnaie, qui introduit volatilit&eacute; et illiquidit&eacute; non souhaitables pour une activit&eacute; de paiements internationaux. Au-del&agrave; du paiement, sur quels domaines bancaires le temps r&eacute;el peut-il &ecirc;tre important ? Le temps r&eacute;el sur une plate-forme digitale permet aux informations de circuler, en particulier celles sur le paiement qui sont parfois tr&egrave;s riches : lieu du paiement, moyen utilis&eacute;, r&eacute;currence, nature du payeur et du produit pay&eacute;&hellip; Ces informations peuvent &ecirc;tre remont&eacute;es &agrave; l&rsquo;entreprise, lui permettant par exemple de savoir si son fournisseur ou son distributeur rencontre des difficult&eacute;s, et donc de mieux manager ses risques. On peut aussi imaginer un credit scoring en temps r&eacute;el, coupl&eacute; &agrave; des proc&eacute;dures KYC instantan&eacute;es et d&eacute;bouchant sur l&rsquo;octroi de cr&eacute;dits de petits montants de mani&egrave;re imm&eacute;diate dans le secteur de la microfinance. Au-del&agrave; du paiement, c&rsquo;est donc la circulation de l&rsquo;information qui est cruciale. 1 Automated Clearing House .

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