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Marketing

Osez les réseaux sociaux dans la banque

Créé le

23.06.2011

-

Mis à jour le

30.06.2011

Les réseaux sociaux permettent de décliner de nouvelles approches marketing, entre tchat, e-segmentations et notations en ligne… Mais s’y investir suppose d’adapter sa communication, d’un discours commercial vers un échange d’égal à égal avec les internautes.

Les tribus sont de retour et c’est sur Internet qu’elles se recréent, à une échelle jusqu’à présent inconnue et inimaginée. Illustration de cette vague de fond, les statistiques d’utilisation de Facebook donnent le vertige : 1 million d’utilisateurs à la fin de sa première année d'existence, en 2004, 5 millions fin 2005, 12 millions fin 2006… 350 millions à fin 2009 et désormais plus de 600 millions, dont 70 % en dehors des États-Unis. Facebook, second site le plus consulté désormais en France, fait le bonheur de plus de 22 millions de membres actifs français, dont 50 % ont une utilisation quotidienne. De façon plus générale, près de 80 % des internautes français utilisent un ou plusieurs réseaux sociaux.

Interaction, échange, partage, collaboration, intelligence collective… les conversations se créent et s’enrichissent en ligne. Au départ réservés aux sphères privées, les réseaux sociaux ont rapidement pris position sur un périmètre plus large : qu’il s’agisse de poser une question sur un produit ou sur une entreprise, de proposer des idées de services, de réagir à des propositions de nouveaux produits ou de campagnes publicitaires, de décrire une expérience en tant que consommateur, de valoriser son attachement à un produit ou même d’acheter directement en ligne (sur Facebook ou twitter, par exemple), les échanges se multiplient, avec ou sans les entreprises.

Le passage nécessaire du monologue au dialogue

Entre risques et opportunités, l’équilibre n’est pas facile… Comment résister aux sirènes de ce nouveau canal, notamment au coût de l’information issue de ces réseaux, son instantanéité, sa qualité et sa fiabilité ? Il ne s’agit toutefois pas de s’inviter dans les conversations pour vanter son produit, mais au contraire d’instaurer un dialogue d’égal à égal. Tout l’enjeu est en effet d’éviter les relations intrusives et de s’insérer de façon légitime et naturelle dans les conversations de ses clients et prospects. La nouveauté réside dans cette mise à égalité de l’expérience des clients et du bouche à oreille avec le discours commercial des entreprises.

Gérer son e-réputation

Or, de façon générale, les acteurs du secteur financier ne sont pas encore à l’aise avec un canal qui nécessite d’écouter et de parler à la fois. Au-delà de l’immédiateté de l’information, c’est aujourd’hui la réponse de l’entreprise ou sa capacité à apporter une valeur ajoutée qui est attendue, loin de tout discours commercial. Beaucoup se sont lancés et commencent à décliner concrètement deux principes forts des réseaux sociaux : présence et engagement.

Mais les questions n’ont pas toujours de réponses satisfaisantes à ce stade : quelles populations cibler en ligne, compte tenu à la fois du positionnement de l’entreprise mais aussi de la richesse de ce qui se passe sur certaines communautés en ligne (notoriété du support, fréquence d’échange, implication des membres participants…) ? Quels supports privilégier pour les cibles ? Sur quels sujets l’entreprise peut-elle apporter de la valeur à des prospects ou des clients ? Sur quels thèmes a-t-elle intérêt à s’exprimer ?

Qui alimente le contenu, en interne ou en externe, sur les réseaux sociaux et les thèmes retenus? Qui peut-être sollicité en interne ou en externe et selon quelles modalités (notamment en termes de temps de réponse) ? Qui traite ou coordonne la prise de parole de l’entreprise et avec quel processus de validation ? Quels indicateurs, quantitatifs et qualitatifs retenir ?

Pour ce qui est de la gestion de l'« e-reputation », faut-il détecter au plus vite les éléments pouvant porter atteinte à la réputation de l’entreprise ou de ses dirigeants, ou au contraire repérer les éléments sur lesquels capitaliser pour renforcer sa notoriété? Quels outils ou quels dispositifs mettre en œuvre ?

De nouvelles approches pour le marketing…

Or, les exemples, venus le plus souvent des États-Unis, commencent à se multiplier pour illustrer l’impact de la montée en puissance des réseaux sociaux sur les approches marketing du secteur financier.

Twitter, notamment, est de plus en plus utilisé par certains réseaux américains en tant que nouveau canal de support aux clients, en complément des dispositifs plus traditionnels. Des conseillers de Bank of America, d’American Express ou de Wells Fargo Bank répondent d’ores et déjà directement via des comptes twitter  (Bank of America étant particulièrement actif dans ce domaine, avec près de 4 000 réponses apportées aux clients en moyenne chaque mois). L’objectif est d’être présent sur les médias utilisés par les clients, de personnaliser et de simplifier la relation avec eux.

En France, une initiative intéressante vient de voir le jour au sein de la Caisse du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, avec le lancement de l’agence bancaire tookam.com : les conseillers sont joignables par tchat privé, depuis leur page Facebook ou encore leur compte Twitter à des horaires d'ouverture étendus.

…et pour la segmentation

Certains acteurs commencent à exploiter également le potentiel émergeant des réseaux sociaux pour imaginer de nouvelles approches de segmentation. À titre d’illustration, Deloitte a accompagné récemment un acteur anglo-saxon afin de mettre en œuvre un modèle prédictif s’appuyant sur des données disponibles via les réseaux sociaux. Testé sur un échantillon de 60 000 demandeurs de contrats d’assurance vie, le modèle prédictif s’est révélé concluant dans sa capacité à reproduire les techniques traditionnelles de sélection des risques (s’appuyant notamment sur des analyses de sang et d’urine), sachant que nombre de pathologies dépendent dans les faits de facteurs relatifs au mode de vie. Au-delà d’enjeux de réduction de coûts démontrés au travers de cette expérimentation – les coûts des tests médicaux classiques s’élevant à 125 dollars par demandeur, à comparer à un coût d’étude estimé à 5 dollars par demandeur via l’utilisation du modèle prédictif –, l’approche permettrait également de rendre le processus de souscription plus simple et customer friendly.

C’est par ailleurs le principe de l’implication des internautes qui est exploité avec succès par certains acteurs du secteur financier, permettant de proposer sur le marché de nouvelles offres. Le meilleur exemple à ce stade est donné par Chase Bank, qui a fait le choix du crowd sourcing pour répartir 5 millions de dollars auprès d'organisations caritatives, en se fondant sur les votes des internautes : près de 3 millions d’internautes se sont rendus sur leur page Facebook pour s’exprimer en faveur de cette initiative. De façon plus générale, des acteurs en nombre de plus en plus important intègrent sur les pages de leur site un système de notation de leurs offres, à l’image de la pratique courante désormais d’appréciation « I like » popularisée via Facebook.

Dernière piste, le couplage des réseaux sociaux avec la téléphonie mobile permettant l’apparition d’offres groupées et géolocalisées. Facebook Deals, avec son système de « check-in » de lieux, pourrait ainsi révolutionner la distribution via le canal physique.

Les générations Internet

La vague de fond ne peut que s’amplifier : les approches utilisées pour le marketing du secteur bancaire sont amenées à évoluer en profondeur. La vague n’est a priori pas prête à retomber : l’arrivée de la génération Y, ces jeunes nés entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990, ne va qu’amplifier la tendance. Ces jeunes représenteront 40 % de la population active en 2015 et constituent les prospects et clients de demain : ils ont grandi avec Internet et les réseaux sociaux…

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº738